Apologie du terrorisme à Nice?

 « Craignons toujours les excès où conduit le fanatisme. Qu’on laisse ce monstre en liberté, qu’on cesse de couper ses griffes et de briser ses dents, que la raison si souvent persécutée se taise, on verra les mêmes horreurs qu’aux siècles passés ; le germe subsiste : si vous ne l’étouffez pas, il couvrira la terre. » (Avis au public.)

                                                                                                                                                    Voltaire

 

 


 


 

     Après l’horreur fanatique qu’on vient de connaître, cette période de triste anniversaire de la libération des camps de concentration nazis nous rappelle la barbarie de l’holocauste. J’avais commencé quelques réflexions là-dessus pour vous en faire part dans un billet de blog. Car j'ai déjà travaillé cette question (1) à partir de la psychologie des foules et de l'identification imaginaire de chacun à un leader ou à une idéologie commune qui fait se sentir justement comme UN. C'est à dire dans le maintien ou le retour d'une sorte de toute puissance imaginaire invincible qu'a rencontrée et traversée l'enfant dans son développement et dont, dans le meilleur des cas, il a dû être dégagé par la fonction paternelle.

 

               Cette puissance d'être, ressentie dans l'identification à une totalité imaginaire idéalisée en place de ce qu'on appelle en psychanalyse le "phallus" imaginaire, celui qui serait TOUT pour sa mère et par qui elle serait TOUTE, est soit l'illusion de cette période immature qui n'a jamais été perdue depuis l'enfance faute d'intégration de limites éducatives à valeur, sens et effet de castration, soit celle retrouvée comme une jouissance de façon régressive dans le sentiment exaltant de ne faire de nouveau qu'UN grand TOUT en partageant l'idéal de désir et les objets de rejet et de haine d’un groupe fanatique. C'est là la racine psychologique de tout totalitarisme, sectarisme, fanatisme, intégrisme. Ce sera pour une autre fois, vu que ça reste actuel... et pas prêt de disparaître.



 

 

Car l’actualité évènementielle en a décidé aujourd'hui autrement, à Nice.

 

Un enfant de 8 ans se serait élevé contre l’invitation scolaire à manifester sa solidarité et son respect lors de la minute de silence organisée dans son école en commémoration des attentats du 7 janvier dernier. Il aurait affirmé se retrouver plutôt du côté des terroristes que de Charlie. Notons au passage que cet enfant a quand même une personnalité hors du commun en ce qu'il est capable de s'avancer personnellement contre tous pour soutenir ce qu'on lui a fait croire. Et que cette potentialité, mieux orientée et canalisée, lui sera sans doute une richesse certaine pour optimiser sa vie et son évolution...

 

Le directeur aurait bien sûr convoqué les parents, mais ça ne se serait pas très bien passé.

 

Par les temps d'émotion et de prises de conscience chez les adultes des troubles et de l’incertitude des repères de valeurs qui courent chez nombre de nos jeunes où l’on a appris avec effroi qu’un écolier ou un lycéen sur 5 serait hypnotisé dans une opération de dénégation de la menace djihadiste au profit de la croyance paranoïde en l’existence d’un vaste complot judéo-politique, cette réaction a pris tout son sens en rapport avec le délit d’apologie du terrorisme qu'elle évoque.

 

C’est à relativiser bien sûr compte tenu de l’âge. Mais, là en l’occurrence, d’après la ministre de l’éducation, ce ne serait pas contre l’enfant que l’école aurait fait intervenir la police en portant plainte, mais contre le père, qui loin d'être "coopératif" (soit en position de co-père délivrant cet "interdit"), se serait montré, intrusif, violent et menaçant.



Bien sûr qu’à huit ans, la conscience et la portée de ce dont il s’agit, méritent sans doute d’être éclaircies, expliquées et probablement remaniées de façon éducative... C’est pourquoi l’école aurait mis en place le "suivi pédagogique" prévu dans ces cas.

 

Mais pour autant, s’agit-il de se limiter à de la pédagogie pour simple "galopin",comme dans le cas d'une simple "bêtise", sans marquer, comme a peut-être voulu le faire à juste titre l’équipe enseignante en convoquant la famille, que l'apologie du terrorisme constitue un délit grave en ce qu'il est un appel sauvage au meurtre.

 

Il serait par exemple irresponsable et dangereux de laisser courir, si sa famille donnait raison à l'attitude de l'enfant.

 

D’autant qu’il pourrait sembler que, par sa réaction hostile, vindicative et menaçante à l'endroit de l'école qui la convoque pour ce fait grave, la famille, même si elle le dénie, tendrait quand même à laisser penser qu’elle soutient l'enfant (et ce faisant dès lors dans son "apologie"), plutôt que de se mettre en position coopérante de co-parentalité, du côté de la loi de la République, de l’école et de l'éducation, pour le recadrer par des interdits et des explications.

 

Car, dire qu'on est du côté des terroristes meurtriers c'est manifester une identification à caractère apologique à des soi-disant idéaux de meurtre et de terrorisme. Et c'est conforter le prétexte facile d'un prétendu dieu offensé à venger pour s'autoriser à se laisser aller à la jouissance débridée des plus basses pulsions primitives de violence.

 

C'est bien sûr anti-éducatif et contre notre civilisation.

 

Ça prend ainsi une forte portée symbolique pour tous les autres enfants. De ce fait cette manifestation à caractère apologique peut devenir du ressort de la police et de la justice. Parce qu'il s’agit de marquer les esprits en signifiant que ce n’est pas acceptable au nom du peuple français, de sa République et de son école qui le condamnent fermement et clairement en tant que  un délit.

  

Si elle s’était placée du côté de l'école pour partager son point de vue contre le terrorisme, la famille associée aux adultes enseignants comme supports d'identification de l’enfant pour grandir, aurait pu fournir ainsi des repères clairs et cohérents à l'éducation de l'enfant pour lui indiquer les valeurs à intégrer et ce qui est inacceptable et condamnable. C'est ce qu'on appelle de .... l'éducation.

 

 

Mais là, ce qui apparait par cette hostilité, peut-être réactionnelle, dont les véritables raisons restent à mieux connaître sans doute, c’est le risque de transmission d'une discordance de valeurs et de repères ....

 

Éducation à faire, refaire ou améliorer comme l’ont bien marqué de façon responsable, sans reculer devant leur rôle, notre ministre de l’éducation nationale, l'équipe pédagogique de l'école et la plupart de nos représentants politiques.

 

Un message symbolique fort à donner à l'occasion à tous les enfants en dérive potentielle et en recherche  de modèles et d’idéaux qui seraient tentés de les voir ailleurs, dans un intégrisme et un fanatisme religieux archaïques, obscurantistes et belliqueux.

 

Faire de l’éducation, c’est certes dialoguer et fournir des connaissances, mais ça ne suffit pas. C’est aussi ne pas reculer devant les limites humaines à donner et à faire fermement appliquer pour que l’Homme ne perde pas ce qui le qualifie comme tel.

 

 Bien sûr, il y a peut-être lieu toutefois de ne pas "hystériser" ou instrumentaliser cet évènement, pour pouvoir le recadrer dans son véritable sens et de plus justes proportions que l'audition du père suite à la plainte fera apparaître d’une part,  pour faire confiance au savoir-faire, à la responsabilité et à l’autorité de notre école, de notre police et de notre justice d’autre part.

 

Et déjà cela marquera bien le sens des valeurs que nous voulons transmettre à nos enfants qui sont autant de repères et d’idéaux désirables pour grandir et s’en sentir valorisé. Car notre jeunesse, pour grandir, a besoin d'idéaux. Et nos valeurs républicaines de liberté, d'égalité, de fraternité, de laïcité, de justice en font partie.

 

 Face à la menace terroriste, l'heure me semble au soutien responsable de notre État de droit et de nos institutions républicaines.

 

Parce qu'ils constituent encore le meilleur garde-fou contre le retour obscurantiste vers les croyances fanatiques et la barbarie d'un autre âge.


                                                                                                                                  M.B.

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