A quand des psychologues laïques et sans voile scolaire dans l'éducation nationale?


A quand des psychologues « laïques » sans voile scolaire dans l'éducation nationale?

 

 

 

 

          Afin d'éviter les dérives hypnotiques déresponsabilisantes des effets de groupe, de corps et d'église conceptualisés par Freud (1), il est sain pour une démocratie digne de ce nom que les citoyens, fonctionnaires, enseignants et militaires compris, aient devoir de désobéissance comme l'illustre un fil précédent.

 

           Ainsi l'acte symbolique de désobéissance scolaire contre la substitution d'un soutien pédagogique généraliste imposé à moindre frais aux aides spécialisées des RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté), s'avère-t-il respectable et courageux. Mais déjà, ne l'oublions pas, les RASED étaient venus signer comme un défaut d'intégration et d'acceptation institutionnelle de ce que représentaient d'extériorité et faisaient vivre d'hétérogène autonome, les GAPP (Groupes d'Aides Psycho- Pédagogiques composés d'un psychologue et de deux rééducateurs).

 

            Mais, à l'heure où le corps enseignant et ses syndicats s'alarment sur ce risque de suppression des RASED et de leurs «aides spécialisées» (encore trop souvent pensées, perçues et réduites à l’unique dimension pédagogique) il est dommage qu’il ne vienne toujours pas à l’esprit des acteurs et des responsables scolaires qu'une écoute psychologique digne de ce nom constitue et promeut un véritable travail psychologique. Elle suppose la garantie minimale d’une longue formation psychologique et personnelle qui constitue la part psychologique des aides spécialisées des RASED aux côtés des autres aides de nature pédagogique ou ré éducative (psychomotrice et psychopédagogique).

 

              Il est donc signifiant que les psychologues du système éducatif, par le caractère impropre et illégitime de leur assimilation statutaire à leurs collègues enseignants sous l'appellation « maison » de psychologues « scolaires », soient ainsi « domestiqués » et aseptisés par mise à un autre pas que le leur dans des fonctions considérées à tort par l'institution comme des spécialisations pédagogiques. Il y a là comme une (con)torsion symbolique. Cette domestication, au mépris de la différence des domaines professionnels et de leurs modalités d'exercices, a une surdétermination logique d’ordre historique, syndical, corporatiste et psychologique (je n'ai pas la place ici d'en développer les interactions).


               Elle est au moins facteur de gâchis et au pire de dérives dans la prise en compte et le traitement des difficultés que rencontre l'élève en tant que sujet. Sujet d'un désir inconscient propre dont personne ne peut en être  le «maître ».


                 Or, un fait mérite d'être rappelé : c'est par désir qu'on apprend.

 

                  Un élève ayant, dans l'intime de sa dimension privée d'être parlant et désirant, un inconscient et un système pulsionnel non scolarisés sur lesquels s'étaye, non sans blocages ou inhibitions symptomatiques à dénouer, le désir de savoir et d'apprendre qu'il ne peut accrocher au porte manteau du couloir avant d'entrer en classe...Sauf à se faire gaver passivement comme une oie avec du toujours plus sans autrement.

 

                   Peut-être que si, dans l’école, sous le terme de «psychologue scolaire», le «scolaire» tient toujours obstinément lieu de quasi «voile religieux» au psychologue tout court, c'est à dire «laïque» et différencié de toute unie forme médicale ou pédagogique, c’est à titre de résistance maison à ce que le signifiant psychologue y opère de façon transférentielle d'hétérogène, c'est à dire de rapport moins voilé à la division du psychisme, à la castration et en fin de compte au réel derrière l'écran de toute institution de pouvoir érigée en Moi Idéal unifié et unifiant.

 

                    C’est qu’il sert d’alibi symptomatique, ce psychologue sous voile scolaire et statut inadéquat d’enseignant, au pouvoir « corseté » de l'esprit de corps d'une hiérarchie institutionnelle qui, sous l'étendard illusoire d'un « tout pédagogique » omnipotent, voudrait tout maîtriser. L’inconscient, les pulsions, les symptômes : ça dérange car « ça » échappe à la maîtrise de la volonté, même si, pourtant au « pas sage », c’est ce qui pousse au désir et au travail. C'est à dire l'essentiel de ce qui pousse à vivre. Par ce voile « scolaire » dès lors mortifère et par le dogme protectionniste poussiéreux de la soi-disant nécessité préalable d’être enseignant et de devoir le rester en ayant la « compétence pédagogique » d'alter ego pour pouvoir être psychologue dans l’école, ne s’agirait-il pas de mieux domestiquer, refouler et détourner ce que représente et active de division psychique contre l'UN de l'institution le signifiant psychologue dans le champ connu et contrôlé d’une organisation humaine dont on ne peut voir là en fait qu'un effet d'église ?

 

                   Me reviennent là en véritables vignettes cliniques les propos de tel ou tel hiérarque du système scolaire que je vous cite en vrac.

 

                  Selon un ancien directeur des écoles au ministère de l'éducation nationale, membre du corps de l’inspection générale : « «Vouloir un statut de psychologue, c’est vouloir quitter une école qui n’a pas besoin de psychologues mais de psychologues scolaires qui soient des collègues œuvrant à la pédagogie ». D'ailleurs, selon l’inspection générale en position de clergé gardien du temple de la pédagogie sur ce coup là, délaissant sa fonction clinique d’écoute à excommunier hors du champ scolaire ainsi purifié, le (bon ?) psychologue « scolaire » doit en revanche se centrer sur les (saintes?) théories de l’apprentissage, sous prétexte que « les problèmes des champs scolaires ne doivent pas être transférés vers d’autres champs, affectifs ou sociaux, puis qu’ils tombent dans la thérapie ». Enfin, selon le paradigme d’un esprit académique maison, néanmoins là en risque de dérive quelque peu totalitaire, « il paraît très important que les psychologues scolaires soient des enseignants, se perçoivent comme tels et agissent en conséquence » parce que « s’il devait en être autrement on ne  verrait pas l’intérêt de maintenir au sein de l’éducation nationale des techniciens qui existent par ailleurs ».

 

                    Or, un psychologue qui se prendrait pour un enseignant et agirait en conséquence, serait-il encore psychologue?

                    

                    Je laisse chacun aux réflexions que ces propos lui font venir.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    M. Berlin

 

 

 

1 - FREUD, Sigmund : Psychologie collective et analyse du moi – in Essais de psychanalyse – Payot

 

 


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