Réponse à Marie-Noëlle

Chère Mxxx-Nxxx

         

 

           J'ai toujours voulu mettre et faire mettre l’accent sur le non oubli de la partie "opératoire" et donc "traitement" d'une authentique et pleine fonction (et donc mission) de psychologue, trop souvent castrée/amputée de cette dimension, au profit d'une stérile réduction à la seule dimension évaluation. Dimension parfois de plus, réduite illusoirement à des batteries de "tests" ou des "examens" selon  une logique et une démarche cognitivistes, très prisées d'une certaine bureaucratie en mal de percevoir que le fond de l'âme" humaine peut se dire et donc se faire entendre ... autrement que par un ou des chiffres.  C'est un peu moins simple en effet.

           Zapper la dimension traitement à titre de médiation d'une évolution psychique, c'est un peu comme si on réduisait un enseignant à ne faire que des contrôles et des examens, sans ne jamais rien enseigner. Ou un médecin qui se bornerait à prendre le pouls et mesurer la tension. C'est un peu ce que nous décrit K. par son histoire de psy de première et de seconde ligne. Belle mise en place bureaucratico-obsessionnelle! La tête qui diagnostique mais ne "touche pas" d'un côté, les jambes (acéphales?) qui bougent et font bouger de l'autre, sur … indication de la tête. Chacun son fantasme après tout, mais de là à exiger qu'il fasse loi et que l’autre le satisfasse en s’y conformant, il y a la place à ce qu’on appelle en psychanalyse la castration. Celle qui coupe l’illusion psychotique ou perverse de toute puissance.

           C'est d'ailleurs ce qu'on me demandait comme évaluation réductrice du temps de ma jeunesse de psychologue en milieu scolaire. De ma place, m'adressant à une hiérarchie administrative drapée dans l’illusion d'un savoir certain, qui ne voulait pas risquer d'accéder à un savoir émietté sur le rien et sur l'Autre en nous, il était très difficile de faire entendre que c'est au cours d'entretiens suivis permettant de nouer une relation (transférentielle) que les choses de l'âme se révèlent bien mieux et bien plus surement qu'avec la "magie" des "tests", en même temps qu'elles trouvent en se parlant, à se dire autrement que par des seuls symptômes.  Puis après, au CMPP comme psychologue clinicien, et même comme psychologue clinicien devenu par ailleurs psychanalyste, j'ai eu "droit" d’effectuer des traitements psychologiques après les constats, mais il fallait d'abord faire des bilans avec du quantitatif chiffré pour remplir et le creux du désir de savoir de certains collègues rééducateurs instrumentalistes et des cases à ne pas laisser vides pour satisfaire une bureaucratie gestionnaire qui ne prenait au sérieux que ce qu’elle pouvait facilement comprendre et compter.


            A cette dimension d’"évaluation" (psychologique et diagnostique),  je préfère substituer celle plus parlante ‘d'analyse’ - quitte à laisser comme en témoigne votre réaction - peser l'équivoque dans un autre sens, plus clinique et plus près de l'humain dans sa globale complexité celui-là.

            Vous réagissez au mot "analyse" comme s'il y avait usurpation interdite quand il vient dans la pratique du psychologue. Mais « analyse » n'est pas forcément réduit à psychanalyse et à fortiori à la cure type, comme je l'ai dit dans ma première réponse, même si on dit souvent analyse pour psychanalyse dans les milieux informés.

 

              En effet, dans sa dimension et son orientation clinique psychanalytique qui la partitionne et la divise, la psychologie n'est plus telle que la décriait Lacan à l'époque de son séminaire d'une part. D'autre part, si le psychologue est amené, dans un temps de sa pratique à faire des analyses... psychologiques (de référence ou non psychanalytiques) qui ne sont en effet pas des psychanalyses pures pour autant, le politologue fait lui aussi des analyses ... politiques et le sociologue des analyses ... sociologiques. Chacun dans son champ disciplinaire utilise ce mot.

 

                  Pour autant sans doute il est vrai que l'analyse psychologique du psychologue, surtout quand il est clinicien orienté par la psychanalyse et formé à celle-ci de surcroit et par ailleurs, est néanmoins légitimement plus près de la psychanalyse "pure" que ne l'est l'analyse ... de sang du biologiste.

            La psychologie et son exercice ont peut-être une nature disciplinaire et professionnelle communes mais il n'empêche qu'ils sont différenciés par les différentes théories du fonctionnement psychique d'où découlent différentes méthodes de sa prise en compte, de son "analyse" et des actions (de traitement) conduisant à sa modification.  Ce que je veux dire c’est que même par peur et rejet de la psychanalyse, on n’est pas obligé de rejeter sous ce mot  le travail de toutes autres formes d’analyse (psychologique, politique, littéraire) pour justifier une sorte d’interdiction d’analyser… et d'agir.


             Le psychanalyste n'est jamais employé comme tel sous ce nom sur les feuilles de paye des services comptables. La psychanalyse dans son exercice est "laïque" au regard de la médecine et de la psychologie. C'est dire que si le psychanalyste peut le devenir et le rester après une formation de psychiatre ou de psychologue, il peut aussi l'être sans le préalable de ces formations et la nécessité des exercices professionnels correspondants. Mais alors il ne l’est officiellement en tant que tel que seulement à titre libéral. Car les institutions ne reconnaissent pas cette profession.

              Il n'empêche qu'il me parait important que la psychanalyse et des psychanalystes restent présents à l'université et dans les institutions pour continuer d'orienter de la référence psychanalytique les cliniques psychiatriques et psychologiques. Et au-delà, la médecine et les sciences humaines pour éviter le "grand bond en arrière" du retour en force d'un seul Moi de nouveau soutenu à se croire maître en son logis et d'un « homo œconomicus » ou « homo administratus » douloureusement muselé dans sa subjectivité par la réduction chiffrée de son objectivation....

 

                                                                                                                                  Bien cordialement,

 

                                                                                                                                                            M. Berlin

 



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