La profession de psychologue en France

 

 

  Pour beaucoup de personnes, la psychologie est plus une profession que le domaine de recherche et la science du psychisme qu'elle est pourtant. Ils connaissent la psychologie par deux de ses applications principales : le diagnostic ou « bilan » psychologique et la psychothérapie. En effet, la pratique de la psychologie s’est traditionnellement orientée selon les deux axes du diagnostic et de la psychothérapie individuelle. C’est en fonction d’eux que s’organise la plus grande part de la pratique des psychologues.

 

Cependant, tant la notion de diagnostic que la notion de traitement en psychologie peuvent renvoyer à des conceptions très différentes de celles de la médecine ou des soins physiques.

 

Ainsi, certaines approches théoriques en psychologie préfèrent utiliser les termes d’« évaluation psychologique » ou de « bilan » plutôt que de « diagnostic » en raison de leur évocation en rapport à la justice, l’éducation et l’orientation ou avec la santé et plus précisément avec la pathologie. Pourtant celle-ci peut être très différente de la vision des approches médicales ou psychiatriques alors que d’autres approches, tout aussi spécifiquement psychologiques, partagent davantage néanmoins une vision de la santé et de la pathologie des sciences médicales. De la même façon, des approches conçoivent leurs interventions comme un traitement, alors que d’autres les conçoivent plutôt comme du soutien au développement ou à la croissance maturative du psychisme, de nature différente mais toutefois plus ou moins "proche" de l’éducation, de la rééducation ou de la réadaptation. Quoi qu'il en soit, la pratique de la psychologie vise à impulser des modifications psychiques dont peuvent découler, de surcroît, selon les lunettes avec lesquelles on les perçoit et tente de les évaluer, tant des effets thérapeutiques qu'évolutifs, tout en restant pourtant des effets ... proprement psychologiques à considérer, qualifier et identifier comme tels.

 

 

D'où le bien fondé de placer la profession de psychologue comme profession indépendante de la médecine proprement dite et de la pédagogie, aux côtés desquelles elle devrait pouvoir exercer sa spécificité autonome. 

 

Il faut bien noter en outre que la théorie de la personnalité utilisée par le praticien va orienter sa façon de concevoir son intervention, bien sûr sur un plan relationnel et technique, mais surtout sur sa façon même de concevoir la santé mentale ou la psychopathologie. Selon la théorie de la personnalité utilisée dans les traitements psychologiques, la conceptualisation de la manière d'en appréhender et évaluer les effets qui en découlent va évidemment différer.   Ainsi, certaines théories de la personnalité supposent qu’il existe une fracture entre le psychisme de l’individu normal et celui de l’individu pathologique, comme si la nature même de l’un et de l’autre différait. Par exemple, le modèle psychopathologique le plus utilisé en Amérique du Nord par les psychologues cognitifs-behavioristes est le DSM-IV. Il se prétend "a-théorique" et universel mais il reste néanmoins propre au modèle behavioriste car il est incohérent voire incompatible avec la conception psychanalytique, divisée, dynamique et conflictualisée, de la personnalité.

 

Car dans ce modèle, il s’agit d’une classification diagnostique basée sur la présence extérieure et observable d’une série de symptômes. Le sens profond par rapport à la conflictualité résultant d'une division interne de la personnalité n'est ni recherché ni pris en compte.  Pour chaque entité, une série de symptômes est décrite. Selon la description, il faut trouver voire quantifier de façon statistique un certain nombre de ces symptômes pour que le diagnostic s’applique — un symptôme de moins et le diagnostic ne s’applique pas. Dans cette optique, comportementale et béhavioriste à la conception "plate" et uniquement consciente de l'activité psychique, qui parfois tend à tort de façon impérialiste à être prise voire imposée par les institutions et les organismes médico-centrés, voire du coup même par les Etats, comme "norme" mondiale, la normalité est l’absence de diagnostic de pathologie. Et cela peut tenir dans certains cas à l’absence d’un seul symptôme dans une association de symptômes (un syndrome).

 

Cette vision, qui classe et sépare de façon si clivante la riche et complexe singularité de l'humain, être vivant doté d’une subjectivité, en normal et pathologique, est dichotomique, normative, objectivante et donc réductrice. Elle est fondamentalement différente de la vision de l’Homme, sujet de désir et doté de la fonction symbolique de la parole, de la psychanalyse, pour laquelle aucune différence catégorielle n’existe entre l’individu sain et l’individu pathologique. La conception de l’homme propre au modèle psychanalytique suppose non seulement qu’il y a très peu de différences entre le normal et le pathologique, mais aussi que les mêmes fantasmes, pulsions, mécanismes psychiques, conflits et structures psychiques existent chez l’un et chez l’autre. Pour la psychanalyse, le symptôme, ce n’est pas la maladie, c’est la manifestation externe d’une conflictualité inconsciente existant structurellement chez l'humain doté de la fonction symbolique du langage. Et c'est de l'impossibilité du symbolique, seulement représentant du Réel, de recouvrir totalement ce Réel. Un "reste" subsiste qui ne cesse de "causer" des effets. Donc du désir, du trouble et des symptômes.  Ce qui caractérisera une plus grande santé psychique, selon elle, sera non pas l’absence de symptômes, ou le respect d’une certaine norme statistique, mais plutôt la structure de son organisation subjective désirante et la présence d’un certain équilibre intérieur qui permet à un individu de se voir comme sujet, d’aimer et d’être aimé, d’avoir une vie sexuelle et relationnelle satisfaisante, d’être capable de sublimations, de créativité et de travail.

 

On voit comment pour des psychologues de diverses orientations théoriques la notion populaire de « diagnostic » a du sens, alors que, pour d’autres, ceux de référence et d’orientation psychanalytique, le présupposé dichotomique normal/pathologique du terme de "diagnostic", renvoyant à un modèle somatique médical normatif, ne convient pas. De plus, certaines applications de la psychologie se sont graduellement éloignées de la pratique clinique individuelle pour s’adresser aux institutions et organisations, aux groupes sociaux et communautaires, et, dans ces cas, les notions de "diagnostic" et de "traitement" doivent au mieux être utilisées de façon analogique. Car il s'agit pourtant, dans les tous les cas de pratiques proprement psychologiques, d'analyse d'une situation psychologique et d'interventions seulement psychologiques visant à promouvoir sa modification.

 

                        Le psychologue

 

Le psychologue est le professionnel pratiquant, sous ce titre réservé, l'exercice de la psychologie, science du psychisme, en vue d'analyser et promouvoir, par des méthodes et démarches seulement psychologiques, des changements du fonctionnement psychique et des conduites qui en découlent.

 

Si la profession de psychologue jouit d’une bonne réputation en Amérique du Nord et au Canada où le praticien, respecté dans son autonomie et sa place, doit être titulaire reconnu d’un doctorat professionnel à bac plus 8, il n’en est pas encore de même en France où la profession, quelque peu balkanisée (a) et affaiblie faute d’une représentation officielle forte et unifiée et d’un code de déontologie légalisé protégeant les pratiques et leurs usagers, est encore plus ou moins de fait consécutivement méconnue et contestée dans sa singulière autonomie et dès lors toujours en proie sur le terrain à diverses tentatives institutionnelles énergivores et déstabilisantes de détournements et mise en tutelle administratives sociales ou médicales (1) (notamment le détour surprenant, à effet symboliquement paramédicalisant et prescriptif, d’une consultation médicale préalable incongrue par un « adressage », à un psychologue « conventionné » choisi par la sécu,  remboursé, contrôlé et arbitrairement limité, de façon fantaisiste et totalement insensée du point de vue interne des pratiques de psychopathologie clinique, à seulement 8 séances).

 

Actuellement en France, les principales organisations représentatives revendiquent le retour requalifiant à l’exigence antérieure d’une formation de troisième cycle pour cette profession réglementée de haut niveau universitaire, au titre protégé par la loi depuis 1985 (2). Ils préconisent pour ce retour, dans le cadre de la nouvelle organisation des études universitaires en License, Master, Doctorat (LMD), l’exigence d’une formation spécialisée en psychologie théorique et pratique accompagnée et supervisée tout au long d’un clinicat de deux ou trois ans post master 2, conduisant à un doctorat professionnel (3) comme au Canada et aux USA.

 

Cette formation aura le mérite à la fois d'actualiser les exigences de responsabilité des psychologues, d'officialiser et légitimer enfin, pour prise en compte sociale et salariale, les longues formations officieuses cliniques personnelles et pratiques supervisées de plusieurs années complémentaires, en sus de leur formation universitaire initiale, que doivent actuellement se donner, comme leurs collègues étrangers, tous les psychologues pour pouvoir pratiquer sérieusement la psychothérapie. La formation à la psychothérapie, par une psychothérapie ou psychanalyse personnelle et une pratique supervisée doit en effet se faire en complément de la formation universitaire pour pouvoir pratiquer la psychothérapie.

 

Elle constitue de fait actuellement l'équivalent d'une formation complémentaire de trois ans au moins conférant au psychologue clinicien psychothérapeute l'exigence d'un niveau de formation d'au moins bac + 8 comme s'accordent à le reconnaitre et le prendre en compte d'autres pays. Reste à le prendre en compte aussi en France par delà les corporatismes et les impérialismes qui continuent de s'y opposer en l'inscrivant socialement et juridiquement avec les pratiques et les effets escomptés qui en découlent de façon transversale aux différents secteurs d'emploi.

 

 

Car ceux-ci ayant historiquement chacun recruté différemment "leurs" psychologues avant que la profession soit unifiée transversalement avec une hiérarchie propre (toujours refusée) et une seule instance qui puisse la réguler et la représenter auprès des employeurs et des pouvoirs publics (toujours pas mise en place par division en différents groupes et chapelles des psychologues à ce sujet en fonction de leur territorialité et de leurs références théoriques surtout), ont par cet effet d'aubaine encore historiquement tendance de fait à détourner et asservir l'exercice professionnel de la psychologie par les psychologues pour le profiler à leur symptôme d'emprise d'une part, au gabarit de leurs propres résistances à la psychologie et à ses effets libérateurs d'une autre et aux conceptions idéologiques ou corporatistes de leur direction bureaucratique et des missions générales spécifiques de la profession dominante du secteur enfin. Les professions de santé par exemple médicales ou les professions éducatives, pour satisfaire la domination de leur pouvoir corporatiste et rester seules maîtresses de ce qu’elles  considèrent comme leur territoire, la voudraient "à leurs bottes" et "à leur  image", paramédicale là, ou psychopédagogique ici.

 

Tant dans l'éducation nationale malgré un tout nouveau statut propre, que dans la santé, une chaine hiérarchique propre a toujours été refusée aux psychologues, ce qui signe bien ainsi le symptôme "défensif" qu'ils ne" sont, au fond, pas encore vraiment acceptés et reconnus, en France, dans la singularité autonome de leur profession. 

 

 

Car, malgré la loi de 85 instaurant un titre unique réservé de psychologue découlant de la mise en œuvre d'une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau, sans en définir et délimiter vraiment les pratiques professionnelles, la profession de psychologue a subi un très important déclassement au cours de ces vingt à trente dernières années. Elle l'a subi au regard du niveau de formation universitaire de 3ème cycle initialement visé par la loi et exigé pour l'exercer et au regard de l'évolution comparative de l'ensemble des autres professions nécessitant des formations supérieures de même niveau. Elle est toujours balkanisée, sectorisée, territorialisée donc affaiblie pour prendre et faire respecter sa place autonome ainsi que celle de l'activité de nature proprement psychologique qui en découle. Toujours placée en position d'auxiliaire à l'activité principale des domaines institutionnalisé dans lesquels la profession de psychologue est injustement incluse, psychologues et psychologies se voient refuser leur autonomie pour tendre, ainsi asservis, déqualifiés et quelque peu dénaturés, à rester subordonnés aux professions dominantes de ces domaines qu'elles soient par exemple médicales, éducatives ou sociales. L'infériorisation patente abyssale des rémunérations en découle.

  

 

Les Grands courants théoriques

 

Une particularité de la profession de psychologue est qu’il n’existe pas qu’un seul modèle théorique valide en psychologie et que, en conséquence, il n’existe pas qu’un seul modèle diagnostique ni qu'un seul modèle thérapeutique. Cette diversité, qui pourrait être vue comme une faiblesse de la profession, pourrait bien être au contraire une richesse permettant à la psychologie appliquée de se développer, notamment par l’obligation qu’elle impose aux professionnels lors de leur formation universitaire de se confronter à d’autres visions à l’intérieur même de leur discipline, avant d’en choisir une pour s’y référer en s’y spécialisant.

 

Bien qu’on puisse inventorier nombre de théories en psychologie, trois grands courants théoriques possèdent un ensemble de concepts systématisés et interreliés en un ensemble cohérent faisant modèle explicatif. Nous retrouvons ici l’idée émise jadis par Daniel Lagache, de l’unité de la psychologie comme science de « l’interprétation compréhensive des conduites significatives et expressives ».

 

 

 La théorie psychanalytique

 

Les approches dites « psychodynamiques » en psychologie, comme la thérapie psychodynamique, ou l’évaluation de la personnalité par les instruments projectifs ou les entretiens cliniques approfondis, sont des applications de la théorie psychanalytique et spécifiquement des aménagements de sa technique. En général, on regroupe sous le vocable psychodynamique les diverses approches thérapeutiques qui utilisent la plupart des concepts de la théorie psychanalytique et en adaptent plus ou moins la technique. La théorie de référence des approches psychodynamiques est donc la théorie psychanalytique.

La psychanalyse, issue des travaux de Sigmund Freud, est en fait constituée de trois systèmes conceptuels reliés de façon indissociable. :

  • une théorie de la personnalité normale et pathologique issue des découvertes générées par la méthode psychanalytique de recherche et de traitement ;
  • une méthode thérapeutique spécifique centrée sur l’interprétation des matériaux inconscients tels les résistances, les désirs inconscients et le transfert, et une théorie spécifique de cette technique, qui a donné lieu à divers aménagements et variantes ;
  • une méthode de recherche (cadre et technique) qui permet de mettre en évidence le sens inconscient et qui se base techniquement sur les libres associations du sujet.

La théorie psychanalytique, quant à elle, est constituée d’un ensemble de concepts organisés autour de sa « métapsychologie » ou psychologie de ce qui est « de l’autre côté de la conscience ». Essentiellement, la métapsychologie psychanalytique est définie par Freud, son fondateur, comme l’ensemble des théories permettant de décrire un processus psychique sous trois rapports : dynamique, économique et topique. Ces trois aspects constituent encore aujourd’hui le cœur des théories psychanalytiques bien que celles-ci aient considérablement évolué depuis leur première formulation. Toute théorisation psychanalytique d’un phénomène humain doit tenter d’en rendre compte selon ces trois rapports. Le point de vue dynamique aborde, entre autres choses, les notions de conflit psychique inconscient, de ses composantes pulsionnelles et des contre-forces qui s’y opposent. Le point de vue économique permet de saisir la question de la quantité des énergies pulsionnelles en cause dans des investissements, contre-investissements et déplacements. Le point de vue topique est celui qui décrit métaphoriquement (et métaphoriquement seulement ne l’oublions pas) les « espaces » psychiques conscient, préconscient, inconscient concernés .

 

Elle mérite de plein droit le titre de théorie, car ses nombreux concepts sont cohérents, dynamiquement reliés entre eux et ont une valeur explicative. Il ne s’agit pas que d’une simple description d’un fonctionnement, fût-il intérieur, mais d’un système complexe de lois psychiques (principe de réalité, principe plaisir/déplaisir, fonctionnement des processus primaires/des processus secondaires, etc.) qui permet de comprendre les processus psychiques, les transformations des motivations inconscientes, les processus de pensée, les modes relationnels, l’élaboration de symptômes et la logique des organisations de personnalité normales ou pathologiques. Sur ce dernier point, la psychanalyse se démarque d’autres approches en ce qu’elle permet de comprendre non seulement le fonctionnement pathologique, mais aussi le fonctionnement normal. Il s’agit d’une théorie qui ne voit pas de dichotomie essentielle entre une personnalité normale et une personnalité pathologique, puisqu'on peut retrouver les mêmes « contenus » inconscients et les mêmes processus psychiques chez l’une et chez l’autre.

 

Sur le plan thérapeutique, la psychanalyse est connue pour ce qu’il convient d’appeler la « cure type » dont le cadre et le dispositif sont bien connus : l’utilisation du divan, une fréquence importante des séances, l'interprétation dans le transfert. Cette thérapeutique est née de l’abandon de l’hypnose par Freud et de la découverte de la puissance de l’association libre, puis elle évoluera par le biais d’autres découvertes comme celle des résistances ou celle du transfert. Les « outils » thérapeutiques du psychanalyste à l’écoute attentive mais « flottante » de la parole de l’analysant qui véhicule sa subjectivité sont surtout l’interprétation et particulièrement l’analyse et l’interprétation du transfert. Cependant, aujourd’hui, le cadre et le dispositif classiques (notamment le divan) ne sont plus considérés comme les véritables caractéristiques d’une psychanalyse. La fréquence peut varier, le face-à-face peut être utilisé, mais l’essentiel de la thérapeutique psychanalytique se trouve dans le type de processus de subjectivation mis en branle dans la situation crée par le transfert et son analyse. La psychanalyse a donné lieu à un aménagement technique, la psychothérapie psychanalytique, qui partage avec la première la même théorie de la personnalité, la même théorie de la technique et du cadre, les mêmes techniques d’interprétation (interprétation dans le transfert), de mise en place des modalités pour mettre en évidence le transfert, et de « neutralité bienveillante » par absence de suggestions et de conseils qui influenceraient voire détourneraient le sujet dans la quête de sa vérité et de son propre cheminement.

 

Les visées thérapeutiques de la psychanalyse ne sont pas tant la disparition des symptômes que la transformation psychique, la construction et le développement des capacités de transformation, de symbolisation et d’appropriation subjective de ce qui est resté en souffrance au fond de lui ou répétitivement bloqué dans des symptômes invalidants qui rendront l’individu plus autonome, davantage capable d’aimer, d’être aimé, de prendre en charge sa propre vie et son désir.

 

Ces transformations psychiques, en libérant l’individu des blocages devant des conflits qui entravent sa vie, devraient le libérer de la nécessité de développer des symptômes coûteux et inhibants.

 

Les aménagements thérapeutiques comme la psychothérapie psychodynamique partagent avec la psychanalyse sa théorie de la personnalité, mais n’en partagent ni le dispositif (divan, nombre de séances) ni la technique.

 

Dès lors, l’entretien et le suivi psychologiques, selon une démarche clinique orientée par la psychanalyse qui ne "clive" pas entre normal et pathologique, ne s'inscrivent pas sous ce signifiant équivoque de "clinique" dans le giron d'une démarche de soin médical, mais spécifient un mode relationnel intersubjectif d’écoute psychologique impliquée (par l'analyse de la résonnance opérée chez le clinicien en attention flottante) au plus près de celui qui parle. Cette démarche clinique est néanmoins évolutive et résolutive des problématiques psychiques singulières. Celles-ci sont invitées, ("causées", "mises en mouvement") à être adressées par le "creux", l'activation d'un manque structurel dont l'action et la présence du psychanalyste tient lieu, sorte d'appel d'air à la subjectivité, mobilisé, "transféré", par cette écoute même. Une écoute dès lors sous transfert mobilisateur de mouvements psychiques. Car c'est un manque qui, chez l'humain, en se symbolisant "cause" sa parole et met en mouvement sa pensée. Et c'est ce mouvement psychique, ce cheminement associatif de pensées qui va pouvoir venir faire pansement cicatrisant des effets ou de l'écho symptomatique d'une blessure originelle. L'entretien clinique convoque en fait, puis soutien et accompagne le sujet à "faire de sa castration" (de son manque) sujet.

 

Et c'est la convocation de ce manque, de cette blessure narcissique originelle, qui peut soulever avec l'angoisse réveillée du risque d'une coupure ou d'une perte d'identification phallique imaginaire toute puissante, celle de l'enfant-roi de jadis que chacun a cru pouvoir être, toutes les diverses résistances, notamment de rejet, de refoulement, de mépris, de détournement ou de maîtrise par contre-pied protecteur, à la fois envers le (risque?) de travail psychique, mais aussi envers la psychologie psychanalytique et le psychologue clinicien lui-même qui le promeuvent et le représentent. 

 

Comme pour la psychanalyse une évaluation de l'effet certain de l'évolution mentale opérée est possible pour qui s'ouvre subjectivement à la percevoir. Il s'agira là de l'entendre s'énoncer par ceux-là même qui la ressentent parce qu'ils en sont les sujets et non pas de la voir ou la mesurer objectivement et avec distance de l'extérieur. Ce qui suppose donc logiquement de l'effectuer selon une démarche et avec des méthodes qualitatives adéquates qui ne dénaturent ni le psychisme ni son approche clinique relationnelle intersubjective et ses effets de soin.

 

 

 La théorie cognitivo-comportementale

 

La théorie cognitive-comportementale est un développement de l’approche comportementale en ce qu’elle tente de tenir compte des pensées ou cognitions conçues comme erronées ou indésirables et qu’il faudrait par conséquent modifier. Essentiellement, le désir de « modifier » un comportement ou une pensée qui sont jugés « inadéquats » est au centre de la préoccupation thérapeutique de cette théorie. À l’origine se situe le courant « behavioral » qui a pris un essor bien plus considérable en psychologie nord-américaine qu’en Europe.

Les principes à la base de la théorie comportementale sont que :

  • le but d’une théorie psychologique est d’expliquer, prédire ou changer des comportements, contrairement à d’autres théories psychologiques qui visent à comprendre les processus internes et dont l’étude se centre sur l’esprit ;
  • les théories psychologiques doivent être évaluées en fonction de leurs conséquences comportementales ;
  • l’efficacité d’une intervention ou d’un traitement est mesurée par les changements de comportements produits.

On le voit, ces trois principes, à partir desquels sont pourtant issus les éléments du DSM à tendance normative et mondialiste, décrivent une psychologie tout à fait opposée à la conception de l’être humain tel qu’il peut être vu par la psychologie psychanalytique pour laquelle le comportement n’est qu’un aspect visible d’un sujet dont l’essence est plus dans son être, dans son esprit, que dans ses gestes.

 

La formation de la personnalité selon la théorie comportementale est essentiellement une question d’apprentissage et elle s’appuie historiquement sur la notion de « conditionnement ». D’Ivan Pavlov et son concept de conditionnement à B. F. Skinner et au conditionnement opérant, les approches comportementales ne proposent pas tant une théorie de la « psyché » qu’une explication de l’acquisition des comportements et symptômes. L’intention ou la motivation du sujet ne sont pas au cœur de cette approche. Ainsi, une peur ou une phobie sera vue comme une pensée irrationnelle qu’il faudrait éliminer ou remplacer par une autre plus rationnelle. Les thérapies cognitives, sont apparues comme un complément découlant de l’approche comportementaliste pure. La thérapie cognitive ne diffère pas fondamentalement de la thérapie comportementale dans ses présuppositions et sa vision de la normalité ou de la pathologie.

 

Si cette théorie se centre sur le comportement, le symptôme et la notion d’apprentissage, peut-on en parler comme d’une théorie de la personnalité ? Certains lui refusent ce statut car les théories de la personnalité ne se réduisent pas à décrire l’aspect comportemental de l’humain, mais au-delà du simple visible étudient son développement et ses processus internes. Au contraire, la théorie cognitive-comportementale décrit la personnalité en fonction de son conditionnement et de son apprentissage et elle voit la personnalité comme un ensemble d’habitudes et de pensées conscientes sans que les motivations internes, à fortiori inconscientes, y soient prises en compte.

 

De plus, par sa perspective comportementale, par son parti pris en faveur de l’observable et par son rejet du « subjectif » ou de l’individu comme « sujet » à fortiori comme sujet d’un inconscient actif, la classification des personnalités dans la théorie cognitive-comportementale est essentiellement normative et elle juge de la normalité par rapport à une moyenne théorique.

 

La théorie cognitive-comportementale, par l’importance qu’elle donne aux comportements mesurables et aux signes objectifs, se situe naturellement dans un modèle diagnostic prétendant à des lois générales. Le manuel diagnostique publié par l’Association psychiatrique américaine (DSM-IV) est par conséquent l’instrument de classification diagnostique le plus en accord avec la théorie cognitive-comportementale, puisqu’il se centre essentiellement sur les comportements et symptômes observables et objectivables pour établir une classification des troubles mentaux. Cette classification est nettement normative en ce qu’elle décrète ce qui est normal et ce qui est pathologique sur la base de comportements et de symptômes reposant sur une moyenne théorique pour juger la normalité.

 

La grande popularité des approches cognitives-comportementales tient à plusieurs facteurs, notamment à la préférence des universitaires pour un modèle thérapeutique qui s’actualise facilement dans des protocoles de recherche quantitative rigoureux. En général, les universitaires soulignent le fait que cette approche a donné lieu à de nombreuses recherches empiriques, qu’elle constitue par conséquent une approche thérapeutique « scientifique », objectivable et mesurable. Et par un biais de raisonnement il tendent parfois à en déduire que c’est ainsi que se « prouve » et se démontre son efficacité, notamment en tentant d’appliquer les mesures des « résultats quantifiables » auxquels ces approches et cette conception du psychisme se prêtent à ce que mobilise et promeut un traitement psychanalytique ou d’inspiration psychanalytique.

 

Il est certain que l’approche comportementale se prête bien aux protocoles de recherche classiques et aux soucis administratifs simplificateurs de contrôle par mesurage chiffrée des effets des psychothérapies faisant l’économie d’une nécessité de savoir et de comprendre, ce dans quoi ne peut pas entrer la psychanalyse et ses dérivées. Il va de soi qu’évaluer l’effet d’un traitement en mesurant un comportement observable est beaucoup plus facile à réaliser que de tenter de percevoir et mesurer la capacité d’aimer, de subjectiver symboliquement ce qui est conflictualisé et en souffrance au fond de soi pour devenir plus authentique et responsable de sa vie que l’évaluation chiffrée du comportement visible ne va pas prendre en compte et comptabiliser.

 

Un autre élément de sa popularité notamment auprès des pouvoirs publics tient à ce que le traitement cognitivo-comportemental serait plus court, et donc plus socialement économique et directement « rentable » , que les traitements psychanalytiques et humanistes plus profonds et stables mais plus longs. De plus il est aussi plus économique psychiquement en terme d’implication suscitant la mobilisation constructive de l’angoisse et des résistances que la psychanalyse et ses dérivées. Les recherches sur l’efficacité des thérapies cognitives-comportementales montrent effectivement leur efficacité en fonction et en fonction seulement de la seule nature comportementale de leurs objectifs. Ceux-ci ne prenant en compte ni la subjectivité ni son ressenti problématique et douloureux.

 

Cela étant, des travaux tendent à démontrer que les résultats favorables auraient tendance à ne pas se maintenir dans le temps lorsqu’il s’agit de pathologies sévères (Durham et al., 2005).

 

La difficulté vient du fait qu’il est quasiment impossible de comparer l’efficacité d’une approche cognitivo-béhavioriste avec les approches psychodynamiques, car leurs objectifs, leurs effets thérapeutiques et la manière de les prendre en compte et de les mesurer sont différents.

 

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La neuropsychologie

 

La neuropsychologie est un domaine de pratique qui a pris beaucoup d’essor ces derniers temps et qui suppose une formation propre. Le neuropsychologue est un psychologue qui évalue le fonctionnement du système nerveux central affectant la manière de penser, de se sentir et de se comporter. Le travail du neuropsychologue s’avère très précieux et très précis pour diagnostiquer et évaluer les atteintes neurologiques après un accident, une maladie, une tumeur.

 

À l’aide de nombreux tests et examens, le neuropsychologue détermine la nature et l’ampleur d’un déficit comportemental ou cognitif. Il peut en déduire des lésions au cerveau notamment, ainsi que qualifier et quantifier les limitations cognitives ou motrices.

 

L’évaluation peut porter sur les facultés intellectuelles supérieures — l’intelligence, les niveaux scolaires ou de résolution de problèmes, l’abstraction, la mémoire — ou les capacités visuomotrices et celles qui y sont reliées. Le fonctionnement sensorimoteur et le statut psychologique/émotionnel peuvent aussi être évalués.

 

 

Le neuropsychologue travaille fréquemment en milieu hospitalier, par exemple en gériatrie, mais de plus en plus une pratique en cabinet privé se développe, notamment dans le contexte de l’expertise.

 

 

 Problème des diagnostics, de traitements psychothérapiques et de l’évaluation de leurs effets.

 

En somme, en raison de la dualité des systèmes de psychodiagnostic et en raison des diverses théories dominantes dans la psychologie clinique, la psychologie pourrait très bien se retrouver avec au moins deux systèmes de classification diagnostique, tous deux valides notamment à cause de leur cohérence avec la théorie de la personnalité utilisée. Par exemple, un clinicien utilisant la théorie psychanalytique pourrait faire un diagnostic dynamique (les conflits inconscients) et structurel, sans utiliser le DSM, puisque celui-ci suppose une organisation de symptômes et que la psychanalyse ne base pas sa compréhension de l’individu sur les symptômes. Parallèlement, on voit la grande cohérence théorique pour un psychologue cognitivo-comportementaliste à utiliser le système de classification du DSM.

 

Mais, là où le problème se poserait avec le plus d’acuité c’est, si (comme ça arrive encore trop souvent par défaut de meilleur ancrage juridique et social de sa profession indépendante et du champ propre de sa discipline) faisant fi de la nécessaire autonomie du psychologue dans la liberté de choix de ses références théoriques et des modèles de pratiques qui en découlent, il était exigé ou « fortement attendu » d’un psychologue qu’il utilise l’une, son diagnostic, sa méthodologie, ses démarches propres dans le cadre dénié de son libre choix, de sa formation spécialisée, de son référencement éthique et théorique à l’autre (4). C'est par exemple le cas quand par la loi ou la réglementation l'Etat et certaines institutions médicales ou médico-sociales (par exemple certains CMPP, CMP, ou IME)  intervenant politiquement dans les débats scientifiques, tentent d'imposer, par idéologie qui s'ignore, effet de mode ou de pressions lobbyistes récurrentes, une conception neurodéveloppementale voire génétique  unique ou prévalente, non prouvée et toujours scientifiquement en débat, de la construction de la personnalité et des traitements psychologiques de ses problématiques ou pathologies... 

 

Le problème se redoublerait de l’évaluation tierce inappropriée des uns aux critères de mesures des autres….

 

Cela est hélas encore abusivement trop souvent le cas, du fait de l'incompétence ou de la malhonnêteté des évaluateurs et des commanditaires, par œillère idéologique ou par conflit d'intérêt.  Notamment du fait que l’on tend encore trop souvent à ignorer et refuser l’autonomie du psychologue dans la transversalité de ses références différentes et donc de ses pratiques. On le fait en pensant et signifiant comme de droit évident la nécessité normative d’une certaine domestication territorialisée du champ de la psychologie et de ses pratiques. Il s'agit par exemple de pratiques dites scolaires, génétiques ou développementales en territoire enseignant ou dites et comprises comme paramédicales en territoire médical et en lieux de soin (5), alors que la psychologie et ses références et conceptions diverses et parfois incompatibles entre elles reste partout ce qu’elle est.

 

C’est à dire la psychologie comme domaine universitaire de connaissance et de pratique propres professionnellement constituées.

 

Une psychologie dynamique et subjective prenant en compte de façon intersubjective l'existence d'un inconscient "structuré comme un langage" qui le véhicule et le conditionne ou une psychologie objective et objectivante cognitivo-comportementale. Qu'elles s'exercent l'une comme l'autre, devrait pouvoir rester du seul libre choix à la fois, en premier, de la libre demande du consultant et enfin des références et de la spécialisation du praticien auquel il s’adresse, indépendamment des "territoires" plus ou moins dominants, monopolisés et "réservés" et donc du champ d'exercice dès lors plus ou moins "domestiqué" et rendu "maison" sur lesquels ils se sont constitués, qu'il soit éducatif ou médical, médico-social, judiciaire, policier, militaire ou de l’entreprise.

 

 

Michel Berlin 

 

(a) https://www.cairn.info/revue-politix-2013-2-page-175.htm#

(1) https://www.change.org/p/emmanuel-macron-l-accès-direct-aux-psychologues-un-enjeu-de-santé-publique-9f37efc3-e8ac-4c7d-9eb0-c

(2) Arti. 44 de la loi 85-772 du 25/07/1985:https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000033678864/

(3)https://psychologues.org/wp-content/uploads/2020/07/Communiqué-psychologue-commun-CGT_SIUEERPP_SNP-9-juillet-2020-contact.pdf

(4)http://www.psychologues-psychologie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=573:communique-ffpp-cmpp&catid=15&Itemid

 (5) https://www.marianne.net/agora/humeurs/les-psychologues-n-ont-pas-vocation-devenir-des-paramedicaux-lettre-ouverte