Dissolution de la psychologie clinique et de la psychiatrie dans la médecine?

 

Dissolution vous avez dit solution?

 

 

Auteur: Michel Berlin
Date:   16-02-2005
(Commentaire à la suite d’un article de Roland Lebret publié sur le site œdipe.org critiquant la dissolution de la psychiatrie dans la santé mentale)


                    Et oui, n’est-ce pas, ça fait drôle de se sentir comme ça en risque d’être dissous dans la médecine ou le médico-social et d’y disparaître ainsi en propre.

                   Dans un précédent texte intitulé « un panier de crabes ? » avec un point d’interrogation pour marquer qu’il se voulait ouverture à issue, je concluais notamment vers une association de certaines rivalités historiques dans le domaine du traitement psychique, pour maintenir vivantes les pratiques relationnelles et intersubjectives contre le nouveau visage comptable, administratif, scientiste, hygiéniste ou sécuritaire mais à coup sûr mortifère que prend la barbarie néolibérale appliquée aux rapports humains. Car la dissolution et ce que ça fait : j’ai déjà largement donné. Je connais bien, merci. Dissolution du psychologue dans le corps enseignant et ses fonctions pour le psychologue scolaire dont la fonction reste institutionnellement détournée comme une sous-spécialisation enseignante (dont je fus jadis).

 

                    Dissolution du psychologue clinicien soit dans le médico-psychologique, soit dans le psychopédagogique pour le psychologue de CMPP (dont je fus aussi après) comptabilisé à la fois comme enseignant pour son traitement et les enquêtes statistiques médico-sociales et comme rééducateurs pour mon activité clinique comptabilisée, elle, comme « rééducation médico-psychologique » sous contrôle et prescription médicale selon les textes fondateurs toujours pas réactualisés de l’annexe XXXII du code de la santé, la sécu , le directeur et … le médecin-chef. Ayant risqué en tant que psychanalyste libéral laïque (ce que je suis désormais seulement depuis ma retraite de salarié) d’être considéré suite à la logique du rapport Clery-Melin, suivant en cela la ligne de perspective des précédents et des « savants » de l’académie de médecine comme un paramédical à la pratique subordonnée à prescription et contrôle psychiatrique préalable obligatoire.

                  « Le prétexte de la soi-disant suffisance des uns comme bouclier ou arme jetée à la face d’une prétendue insuffisance des autres ne fera pas issue à cette impasse de structure. Il ne règlera pas le réel problème du risque, toujours pressant qui nous pend au nez si nous restons dans notre panier de crabes, de mise de la psychiatrie dynamique, de la psychologie clinique, de la psychanalyse et des psychothérapies intersubjectives à un pas néolibéral techno-scientiste, dictatorialement étatique et administratif ou mondialement capitaliste qui ne viserait jouissivement en fin de compte qu’à aller dans le sens de la forclusion du sujet et qu’à mieux instrumentaliser l’humain à travers l’instrumentalisation technicienne des traitements par la parole et de leurs casse chose de praticiens. » disais-je.

                  Je persiste.

                 Cet effet de dissolution dont il est actuel (tendance diraient les plus jeunes ?) en effet de brandir à juste titre le risque inacceptable et dommageable, me donne l’occasion qui faisait antichambre depuis bien longtemps de dire que nous les psy laïques, que nous soyons psychologues cliniciens, psychothérapeutes ou psychanalystes, parfois les deux ou les trois alternativement exerçant pour tout ou partie en institution éducative, médicale, sociale ou judiciaire, nous avons à le connaître hélas déjà et sans aucun changement depuis fort longtemps. Malgré des protestations qui ne cessent de tomber dans l’oreille de sourds.

                 Venir au secours de la psychiatrie en risque de dissolution ? Certes, pourquoi pas, surement même, puisqu’à travers elle et à la suite de la psychologie clinique et peut-être bientôt de la psychanalyse, c’est le sujet et sa division qui sont visés comme empêcheur de compter et d’objectiver en rond à dissoudre dans de l'UN pour les tenants de la nouvelle barbarie administrativo-libérale. Mais alors, ce faisant, sans renforcer de façon masochiste cette psychiatrie qui pérennise comme allant de soi selon la loi divine du maître, la dissolution de la psychologie clinique et de la psychanalyse sous forme de branches ou sous-branches paramédicalisées de la médecine psychiatrique.

                Psychologie clinique et psychanalyse en tant que disciplines exercées en institution médicale ne perdent pas leur nature pour devenir automatiquement et comme par magie (celle de la disparition du lapin dans le chapeau) exercice de la psychiatrie ainsi que le laisse entendre le plan Douste-Blazy, prolongeant en cela la logique féodale hygiéniste et sécuritaire de ceux qui l’ont précédé. Inversement activité psychiatrique, psychologique et psychanalytique sont distinctes et à distinguer comme non mutuellement transférables de l’une à l’autre de façon interchangeable et selon la logique de plus en plus courante du n’importe quoi par n’importe qui et inversement. Tous psychiatres dans la psychiatrie, tous enseignants dans l’éducation, tous éducateurs dans le social, tous flics dans la police, tous « professionnels de l’enfance » (c’est une nouvelle profession qui vient de sortir, je ne sais pas encore si elle inclut les marchands d’habits et les revendeurs de vélos) etc, etc.

                La dissolution des différences, si elle permet mieux la marche au pas (de l’oie) et l’adoration exaltée du guru, est de mauvaise augure pour la subjectivité, on le sait bien à la suite de Freud et de Lacan. C’est précisément de ne pas les différencier dans leur indépendance, leur logique, leur démarche respective qu’on peut craindre des glissements et des « transferts de compétence ».

                Il serait peut-être utile que les psychiatres un par un et collectivement par le biais de leurs associations remettent les pendules à l’heure. Qu’ils se démarquent et prennent clairement position pour dire et reconnaître notamment que l’exercice de la psychologie clinique et celui de la psychanalyse sont indépendants (du pouvoir médical) et qu’ils ne s’inscrivent pas dans le champ des prescriptions psychiatriques. Parce qu’ils ne se prescrivent pas d’une part et qu’ils n’y sont pas en position subordonnée de sous thérapeutiques d’autre part. Comme les psychologues cliniciens sont sûrement prêts à dire avec moi à leurs collègues psychanalystes, laïques mais non psychologues, qu’il n’est pas dans leur intention de se réserver la psychothérapie et encore moins la psychanalyse laïque. Elle ne le serait alors plus.

               Ainsi pourraient peut-être se retrouver avec plus de force tous les praticiens de la subjectivité et des traitements par la parole pour faire face, selon notre responsabilité, au risque plus général de dissolution voire de forclusion de la subjectivité de notre époque dans les pieds à coulisse à tout faire de gestionnaires a-acéphales mais zélés, offrant la subjectivité de l’Homme en sacrifice jouissif déresponsabilisé au nouveau Dieu Obscur d’un Grand Marché libéral qui dicterait ses « lois » à l’Homme. Pour son bien !

                Que dire, comme c’est quasiment le cas à la lecture de son projet de plan et malgré les dénégations oratoires incantatoires mais de circonstance de Douste-Blazy, de qui prétendrait évaluer sci-en-ti-fi-que-ment un concerto de Mozart avec une balance de Roberval pour faire rustique ou un oscilloscope cathodique pour faire branché scientiste? Que c’est du pareil au même ?

                 Mais que dans la ronde infernale du grand pareil au même une coupure est à opérer pour que du sujet en ré-advienne à être pris en compte selon des pratiques à la fois différenciées professionnellement et à la fois mutuellement indépendantes et dès lors libres et responsables de le permettre!

 

                                                                                                                                              Michel Berlin

 


 

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