Une campagne dépression ou des pressions?


Une "campagne dépression" ou une campagne des pressions?

 

 

             La récente "campagne dépression" lancée par l'INEPS (Institut National d’Éducation pour la Santé), à grand renfort de publicité dans les médias, serait-elle le prétexte de la belle âme pour une campagne des pressions?

 

             Des pressions médicalisantes tendant à annexer, pour les paramédicaliser de fait de façon dommageable, l'originalité différente et indépendante de  l'approche et du traitement clinique psychologique ou psychanalytique du mal être et du "mal à dire"? Ceux-ci  peuvent, on le sait, s'exprimer parfois sous forme de symptômes dépressifs.

 

             Mais souffrance du "mal à dire", propre au fait que l'Homme parle et que le sujet, lesté par un incurable et douloureux manque à être, n'est qu'effet de langage, est-elle pour autant à ranger et détourner dans le domaine médical "réservé" et "préservé" du "marché" de la maladie et de son traitement médical?

 

             Il semble que c'est ce que tendent à faire la direction générale de la santé et l'INEPS à lire la brochure de soi-disant information qui vient de sortir à grand tapage médiatique à titre de campagne contre la dépression. Ce terme militaro-commercial de campagne semble bien signer en effet que, sous couvert de prévention charitable, c'est du principe actif d'une véritable campagne de médicalisation conquérante des souffrances de l'âme qu'il s'agit.

 

               J'avais parlé dans un précédent article de "main-basse sur la parole" au temps du rapport du bon Docteur Cléry-Melin commandé en haut lieu. En voilà le prolongement en une suite logique. Il s'agit certes comme on l'a dit d'effacer la psychanalyse et la psychologie clinique comme approches singulières et indépendantes, pour tenter de les détourner comme activités paramédicales sous le contrôle et la logique médicale d'un monopole de ce qui est devenu dans l'idéologie du moment "un marché" à conquérir.

 

                D'où la "campagne" de reconquête pour la suprématie en effet dont cette brochure est un des éléments de la stratégie.

 

                Mais, à travers ce détournement médical monopolisant et asservissant,  il se trouve que ce sont non seulement les praticiens de ces activités, psychanalystes, psychologues cliniciens, psychothérapeutes relationnels, qui sont détournés de leur indépendance et de l'intérêt pluraliste de leurs logiques professionnelles propres, mais surtout, c'est le sujet, englué dans l'étroitesse d'un uniforme maladif de dépressif, qui est en risque d'en être muselé et voué à un fatalisme biologique médicamenteux.

 

                En effet, si cette brochure se voulait vraiment informer le public pour lutter contre "la dépression", elle pourrait ne pas manquer de préciser, comme elle le fait pourtant en ne cessant de souligner que le psychologue (entendez aussi au sens large pourquoi pas le psychanalyste et le psychothérapeute) n'est pas médecin, que réciproquement le médecin fut-ce dans son diagnostic n'est pas ... psychologue. Et que donc, pour un diagnostic et un traitement proprement psychologiques, on peut continuer de s’adresser librement et directement au psychologue de son choix sans pour cela passer par le médecin.

 

               Par cette information tronquée cette campagne dépression devient alors une campagne des pressions. Des pressions pour faire croire et laisser entendre, sans la moindre idée de la possible basse existence dommageable d'un quelconque conflit d'intérêt, que seul le médecin pourrait diagnostiquer ce que par ailleurs il serait, par conflit d'intérêt en vue de la conquête d'un "marché", le seul à réduire à une maladie.

 

              Alors qu'il existe des approches de psychologie clinique et de psychanalyse, différentes de l'approche médicale, qui sont pourtant susceptibles de produire leur propre "diagnostic" et leur propre traitement par la relation psychique, en fonction des théories psychologiques de référence qui les sous-tendent, parfois bien différentes de "celles", pourtant par définition inexistantes, du DSM.

 

              Pour les rédacteurs et les commanditaires de cette brochure biaisée, ne serait-ce pas, au public, reconnu dans sa dimension de sujet et de citoyen responsable, de choisir selon sa demande et le travail d'analyse pour la mettre à jour qui peut en être fait dans les rencontres préliminaires?

 

                                                                                                                                                    Michel Berlin

 

 

Remarque

              A grand renfort de campagne publicitaire d'allure commerciale,  ces pressions tentent de rapatrier les troubles et le mal-être psychologiques sur le terrain de la "maladie", c'est à dire dans le champ du "monopole" médical.

 

            On ne peut manquer de se demander alors si elles ne sont pas en rapport d'une part avec les tentatives persistantes de l'académie de médecine et du conseil de l'ordre (rapport Cressart)  de faire inscrire les pratiques psychologiques sous prescriptions médicales et d'autre part avec les tentatives premières avortées du ministère de la santé de dispenser les médecins généralistes (qui n'ont pourtant pas de véritable et sérieuse  formation psychologique initiale) d’acquérir la formation psychologique et psychopathologique "complémentaire"  les habilitant à user du titre de psychothérapeute...tout en obligeant inversement et paradoxalement les psychologues d’acquérir de nouveau les formations universitaires qu'ils étaient pratiquement les seuls à, au moins, avoir largement déjà obtenus.  ...Ignorance ou malveillance?
 

            Cette grossière et injuste erreur n'est-elle pas fortement signifiante? De même sens que la campagne des pressions ?

 

           Heureusement le décret d'application initial a été rectifié par la réaction indignée des psychologues et des universitaires qui les forment. Désormais, les médecins qui veulent être aussi et de plus psychothérapeutes doivent acquérir les formations théoriques et pratiques en psychopathologie clinique requises et les psychologues cliniciens, qui les avaient déjà, en sont bien logiquement ... dispensés.

 

                       L'administration du ministère de la Santé avait ainsi carrément inversé les qualifications et les compétences au profit de la profession médicale. Soit au profit de .... son intérêt inavoué probablement. Effet manifeste d'un conflit d'intérêt? D'une nature oligarchique du pouvoir? Quoi qu'il en soit, elle a dû être contrainte de ... remettre les choses à l'endroit.

 

 

 



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