Détournement et sinistre de la psychologie en milieu scolaire


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 Détournement et sinistre de la psychologie dans l'école

(Article publié dans "Psychologues et psychologies", le bulletin du Syndicat National des psychologues)

 

 

Notre École, c’est une évidence, est aussi traversée par la crise des valeurs, celle de la transmission et des repères symboliques. En effet notre société est entraînée par la chute du signifiant de la fonction paternelle à croire pouvoir substituer à la loi symbolique, et à la conceptualisation qu’elle promeut, une pseudo loi du marché, pragmatique, acéphale et sans opérativité subjective. Celle-ci nous est venue d’outre atlantique avec son cortège de rentabilité et de dictature d’une évaluation d’allure scientifique de plus en plus stérilisante et déshumanisante. Par ce scientisme, tout pouvoir bureaucratique peut ainsi, sous apparence comptable et scientifique, démanteler nos édifices conceptuels. Pour le profit de qui?

 

Notre société est devenue une société technocratique de l'illusion et de l'image en lieu et place de la prise en compte et du "travail" de symbolisation d’un manque à être qui a fait tout le sens et la richesse métaphorique de l'humain. Elle est dès lors conduite à privilégier le paraître sur l'être, la forme sur le fond, les "biens" et leur "gestion" sur le désir et les valeurs idéales de création et de culture.  Le pouvoir technocratique et sa bureaucratie ont pris le pas sur la conceptualisation et la pensée.

 

Fonctionnant dans la prévalence de l'imaginaire et du narcissisme du moi, cette structure paranoïaque de méconnaissance selon Lacan, cette illusion attire, séduit et conforte dans le registre a-conflictuel illusoirement suturant de l'identification au porteur de l’idéologie et de la relation à un semblable voué à le rester ou à être haineusement exclu et rejeté.

 

Par là même notre société se voue à la sclérose, à la perte de sens et de valeurs symboliques, à la discorde des égo et des rivalités identitaires et in fine à la dépression.

 

La perte de repères et de valeurs idéales par la mise en défaillance de la fonction symbolique paternelle laisse la place à toute une dérive d'inflation des narcissismes individuels ainsi que des illusions de droit au bonheur et à la jouissance immédiate. Elle fait le lit de la recrudescence des idéologies sectaires ou institutionnelles dans lesquelles ces narcissismes trouvent à prendre corps, faute d'aspirations idéales sur un autre registre.

 

Il en résulte actuellement la montée en force d’une véritable offensive scientiste contre la pensée et la subjectivité par rapport à laquelle bien évidemment les sciences de l’Homme et plus particulièrement les sciences de la subjectivité comme la psychologie clinique et la psychanalyse, ces empêcheurs de dormir et de jouir en rond des bienfaits d’un objet de consommation élevé au rang additif de fétiche, sont en première ligne. 

 

Il semble actuellement pourtant être beaucoup question d’écoute voire de cellule d’écoute dans l’école.  Celle-ci en effet se trouve confrontée de plus en plus difficilement au malaise, au désarroi, à la violence, à la démobilisation et à la souffrance psychique multiforme et parfois désespérée des enfants et des jeunes, ainsi qu’à la fatigue et aux embarras des adultes, parents et enseignants qui les entourent.

 

Aussi, c’est un véritable gâchis de plus en plus stupide et inacceptable qu’il ne vienne toujours pas à l’esprit des politiques , des responsables scolaires, du corps enseignant, de leurs organisations et des associations de parents d’élèves, que l’écoute, quand elle est  voulue psychologique, conséquente et digne de ce nom, c’est du ressort de la fonction clinique d’un psychologue … et non pas seulement de l’infirmière, du travailleur social ou du concierge.

 

C’est un travail spécialisé qui n’est pas seulement le naturel inné de gens de qualité sans formation psychologique spécifique.

 

 L’écoute psychologique est une aide de nature psychologique selon l’exercice de cette discipline. Elle n’est pas, non plus, une activité médicale soignante, remboursée par la sécu et réservée à des malades mentaux.  Elle ne vise pas directement la guérison d’un « trouble », d’un symptôme ou d’un dysfonctionnement objectivable à éradiquer sur prescription et après dépistage, dans une perspective et une logique médicale de guérison.

 

L’Autre écoute, c'est-à-dire l’écoute de l’Autre en nous qu’elle appelle en creux à la parole, celle du psychologue qui se réfère à la psychanalyse, cet envers de la suggestion qui influence ou de l’exhortation qui moralise et culpabilise, si elle peut avoir de surcroît un effet évolutif dit thérapeutique, c’est bien à condition de ne pas le viser directement en se tournant plutôt vers ce qui, de cet Autre scène en chacun de nous, est appelé à  advenir à se subjectiver en se parlant, derrière ce qui se disait sans mots par la souffrance et par le symptôme.

 

En ce sens elle a des effets évolutifs et préventifs. Mais là, la prévention obéit à une autre logique référentielle que celle de la prévention prophylactique d’une épidémie microbienne.

 

C’est bien dans ce qui est en gésine comme ayant à venir à se parler que réside le travail, non pas celui du psychologue, mais celui de mise en paroles par lequel le sujet est convoqué à faire le pas éthique en avant (« je dois advenir») par rapport à son impasse douloureuse.  En psychologie clinique psychanalytique, on sait bien que le symptôme n'y a ni le même sens ni le même traitement qu’en médecine. Il ne s’agit ni de malade, ni de maladie ni de guérison. La parole s’écoute et cette écoute porte une parole à naître pour que «  là où c’était, je advienne »  selon la formule de Freud.

 

La parole modifie le sujet parlant.

 

La relation de psychologie clinique est un travail de structuration qui ne se prescrit pas et ne s'établit pas de force, sur ordonnance. Les psychologues ne sont pas légalement des personnels de santé ni des paramédicaux.  Les personnes peuvent librement et confidentiellement demander à rencontrer un psychologue. La psychologie n’est ni branche ou sous-branche de la médecine qui serait médico-psychologique, ni branche ou sous-branche de la pédagogie qui serait psychologie scolaire. La place symbolique du psychologue, celle depuis laquelle, par le pivot du transfert d’une parole adressée qui s’enchaîne librement mais autrement, une modification survient chez celui qui l’énonce, cette place ne convient pas à la paramédicalisation ou à la parapédagosisation que tente d’imposer stérilement l’éducation nationale à l’exercice de la psychologie.

 

En quoi la liberté de cette démarche relationnelle, en quoi sa nature non médicalement soignante, ni pédagogiquement enseignante ou rééducative et en quoi ses effets de soutien psychologique à l’analyse résolutive des difficultés, des souffrances et des impasses psychologiques auxquelles sont confrontés les acteurs du système scolaire dans leur rapport aux savoirs et dans leurs mutuelles relations, seraient-ils contre-indiqués dans nos établissements publics d’enseignement de la maternelle à l’université ?

 

Le travail psychologique, dans ce contexte symbolique, ne me semble dès lors pas devoir être incompatible avec les lieux de transmission et d’acquisition que représentent les établissements scolaires. En revanche, pourtant il ne semble pas y avoir les mêmes problèmes d'interdit et de rejet ailleurs à ce que l’infirmerie scolaire soit bien un lieu de soins paramédicaux et le bureau du médecin scolaire soit bien un lieu d'exercice de la médecine par de examens médicaux. Alors : pas de "soins" à l'école? Ou des "soins" adaptés à géométrie variable selon leur nature et qui les donne?

 

Le psychologue orienté par la clinique psychanalytique offre, lui, un libre et confidentiel espace de parole et de subjectivation, afin que le sujet se dégage de ce qui l'empêche de mieux vivre, de mieux apprendre, de mieux transmettre et enseigner, de mieux faire face à ce qu’il vit.

 

Ce travail psychologique, s’il est vraiment voulu sérieux, profond, conséquent au-delà du simple vernis alibi d’une fonction commune d’expression superficielle qui « ferait du bien », et s’il est voulu sans danger de renforcement des symptômes et des résistances,  suppose au moins la garantie éthique et technique d’une longue formation psychologique et personnelle. Notamment, mais pas seulement, celle, fondamentale et appliquée, du troisième cycle universitaire par laquelle, par la loi du 25 juillet 1985, le législateur a voulu en réservant l’usage professionnel du titre de psychologue, protéger le public des charlatans (fussent-ils diplômés dans une autre discipline) et des gourous de diverses sectes. Car ceux-ci sont toujours prompts, comme on le voit sur les lieux de catastrophe, à exploiter, au profit d’un accroissement de leur pouvoir d’influence, la misère ou la fragilité. 

 

Mais si le titre de psychologue et son usage professionnel sont protégés depuis 1985, on attend toujours qu’à l’instar du secret médical dont il a à être distingué pourtant, le secret psychologique qui concerne le plus intime et le plus privé de la pensée, des fantasmes et des émotions de chacun, soit garanti explicitement par la loi avec le code de déontologie de ce professionnel, à toute personne qui vient lui adresser son mal-être, sa souffrance et ses conflits internes les plus … secrets. Pour l’heure, le législateur sur cette affaire de garantie de confidentialité et de libertés individuelles, résiste toujours dans notre Etat pourtant démocratique. Pourquoi ? Pour ménager qu’elle indifférenciation ? Pour ménager le monopole de quels corporatismes bien placés dans les allées du pouvoir?

 

Dans l’enseignement secondaire, où des psychologues cliniciens ne seraient pas superflus, il n’est malheureusement, là aussi, toujours pas prévu de formation spécialisée et de mission correspondante en psychologie clinique pour les psychologues qui y exercent des fonctions de conseillers d’orientation-psychologue avec un diplôme maison le DECOP.  A l’école élémentaire, malgré une plus grande proportion de cliniciens titulaires du DESS correspondant en plus de leur diplôme maison de psychologie « scolaire » le DEPS, le qualificatif « scolaire » dont l’imposition a été pourtant jugée non juridiquement fondée en Conseil d’Etat, est plus que jamais utilisé défensivement par l’institution comme écran au psychologue. Ceci tend à le détourner stérilement de sa place et du sens de son rôle dans des pratiques institutionnelles de simples expertises évaluatives sans aucun effet profond sur la modification du psychisme et sans tenir compte de la demande des principaux intéressés.

 

J’ai jadis été responsable d’élaborer un projet de revendications de modifications des textes officiels sur les missions. Mais l’administration pédagogique centrale, direction de écoles et inspection générale, a toujours refusé de modifier quoi que ce soit qui permette de prendre en compte, d’un point de vue clinique de psychologue celui-là, l’existence du sujet dans l’élève, le parent, l’enseignant, selon une conception dynamique du psychisme autre que sa réduction au Moi. Par exemple, personne ne voyait l’intérêt de changer la formulation selon laquelle « les psychologues interviennent à la demande des maîtres » en au moins « à la demande des maîtres ET des familles » et même plus directement en « à la demande directe ou adressée des enfants, des jeunes et des familles ».

 

Pourquoi l’insistance de cette maîtrise tenace ? Psychologue ou flicologue? On connaît tous le mot d’esprit de Canguilhem sur la sortie à droite ou à gauche de la Sorbonne vers la Préfecture de Police ou le Panthéon pour les futurs psychologues, n’est-ce pas ?  Mais quel est le sens profond de ce tenace refus ? De quelle place réduite d’agent veut-on continuer de faire fonctionner le psychologue et pourquoi?

 

C’est pourtant la liberté et la singularité de la demande qui fonde l’intervention psychologique du clinicien en ce qu’elle constitue ce qui reconnaît symboliquement sa place au sujet d’une part, ce qui ouvre alors au travail de la subjectivité d’autre part aussi bien dans un sens d’analyse diagnostique d’un fonctionnement que dans un sens évolutif et thérapeutique, et tout simplement en ce qu’elle est garante d’une éthique de liberté et d’autonomisation responsable enfin.

 

Le refus institutionnel de reconnaissance statutaire contredit structurellement toute légitimation institutionnelle indispensable au cadre symbolique étayant l’exercice des fonctions de psychologue de service public, au bénéfice des enfants, des parents, des personnels et des équipes qui en seraient pourtant bien soulagés dans les impasses, les difficultés, les nouages et les débordements traumatiques qu’ils vivent parfois.  Tant dans les écoles que dans les collèges et les Lycées.

 

Ces fonctions sont pour ainsi dire structurellement forcloses pour les psychologues dans cette institution. Elles le sont faute de courage des politiques, complices à cet égard par clientélisme de l’énorme résistance d’une hiérarchie pédagogique en risque de perdre une partie de son pouvoir. Elles le sont aussi pour ménager historiquement un corps syndicalo-enseignant en risque de se sentir divisé par la création « ex-sistée » d’un corps de psychologues qui, par ce qu’ils représentent et mobilisent, les renverraient à ce qui en eux sous forme de sujet divisé, ex-siste et détrône la maîtrise du moi et de leur illusion d’unité interne. Ces fonctions psychologiques mal statutairement arrimées, légitimées et inscrites à tous les échelons du pouvoir hiérarchique tendent dès lors à être, paradoxalement et de façon discutable, comme aspirées dans les champs voisins médicaux et paramédicaux par leur mise en dérive commode sur des personnels de santé scolaire qui n’ont pourtant ni formation ni titre de psychologue….

 

Pourtant, faut-il encore répéter l’évidence selon laquelle l’être humain qu’il soit élève, enseignant, personnel médico-social ou administratif ne laisse pas sa subjectivité, ce qui la détermine, ses impasses, ses souffrances et ses difficultés à la porte de l’école ?

 

La subjectivité, son écoute, sa prise en compte et son traitement de psychologie clinique ne seraient-t-il pas en position de transversalité quel que soit le champ institutionnel où vit et travaille l’être humain?

 

Médecins, infirmiers, pédagogues et psychologues sont des professions différentes par leur dénomination, leur sens, leur démarche, leur méthode, leur visée et leur éthique. Il y a à symboliser ces différences d'identité professionnelle par des status juridiques correspondants.

 

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L’école est prise elle aussi par le tourbillon de la crise déshumanisante des valeurs et l’illusion des promesses quasi magiques de la loi du marché et de "l’idéo-logique" évaluative de son « management ». Elle manifeste aussi son rejet de cette dimension psychique essentielle de l’humain en tendant à le réduire à un objet d'évaluation.

 

 

Cette logique stérile  serait-elle involontaire et susceptible d’être rectifiée une fois analysée ou bien serait-elle une mise en dérive délibérée dont il faudra bien un jour alors assumer la responsabilité et payer le prix ?

 

 

Le sujet comme effet de langage ne sera pas  guéri de sa division ni de son manque à être, sauf à tomber dans le totalitarisme individuel ou collectif d’où il n’y aurait plus de manque… Pire on sait même que le signifiant ne peut traiter tout le réel et qu’il reste donc au cœur de l’homme un point de réel, de jouissance et d’horreur, dénommé par Lacan objet petit a que le symbolique et les symptômes ne recouvrent pas et qui fait béance. Qui fait trou mais qui cause, comme la case vide permet le jeu de taquin.

 

C’est vrai qu’il a été dit jadis avec humour, mais non sans vérité, qu’on a voulu que la psychologie scolaire soit à la psychologie ce que la musique militaire est à la musique.

 

Qu’elle fasse donc aussi marcher au pas !

   

Avec nombre de mes collègues psychologues, j’ai toujours ressenti cela comme un véritable gâchis stérilisant.  J’ai même eu connaissance d’une directive d’inspecteur d’académie faisant injonction à ses psychologues de ne prendre en compte que « la personnalité scolaire » des « élèves ». Des fois qu’avec le reste on se contamine ?   Il n’y a pourtant pas plus de psychologie scolaire qu’il n’y a de santé scolaire comme vient de le rectifier le sénat par amendement de la loi sur l’école!

 

 

Dès lors pour l’intérêt véritable de qui devoir continuer de faire exercer dans l’école une fonction psychologique administrée à tort comme la spécialisation d’une autre profession, en référence à une autre discipline, amputée de toute une part essentielle, non objectivable mais pourtant fortement agissante et déterminante, du fonctionnement psychique? Un gynécologue accepterait-il encore par respect de son éthique de pratiquer sérieusement des accouchements sous voile pour satisfaire l’obscurantisme religieux d’une époque révolue ? Un scientifique pourrait-il encore travailler honnêtement à la recherche spatiale et un prof enseigner l’astronomie s’ils ne devaient prendre en compte qu’un espace à deux dimensions où une terre aplatie serait le centre de l’univers pour des raisons idéologiques et religieuses? Qu’en penseraient-ils s’ils étaient professionnels, contemporains et laïques? Pourraient-ils consentir à ce détournement stérile de leur savoir et de sa mise en œuvre ?

 

Une logique  qui fait froid dans le dos semble en marche. Ayant ainsi pédagogisé le psychologue et transféré en la paramédicalisant son Autre écoute aux infirmières, que dire désormais de la place réservée au sujet dans les récentes dispositions en matière de santé dite scolaire qui, sous bonne conscience hygiéniste, évaluative et sécuritaire de prévention, instrumentalisent mieux ainsi une véritable "flicopathologie" scolaire scientiste de la maternelle à l’université?

 

« Signalements » pédagogiques et mises autoritaires en examens psychologiques d’un côté, ordonnances médicales, fichage à outrance, évaluations et protocoles de bonnes pratiques à dominante objectivante de l’autre!

 

Exit le sujet, sa parole, son écoute et le travail de sa demande ! Exit l'Autre écoute, psychologique celle là, celle du psychologue et ses effets constructifs!  Et le sujet parlant? Et le travail de sa demande dans tout ce fatras paperassier réseaucratique d'injonctions, de signalements, de fichage, d’évaluations et de quadrillage? Forclos du protocole ? Du dossier ? Du signalement policier? Du programme de gestion?  

 

La dissolution des différences, si elle permet mieux la marche au pas et éventuellement l’adoration exaltée du gourou, est de mauvaise augure pour la subjectivité. On le sait bien depuis Freud et Lacan. 

 

Continuer de confondre statutairement psychologues et enseignants est une atteinte à l'ordre symbolique générateur de dérives.

 

Pendant près d’une vingtaine d’années, psychologue clinicien, DESS de psychologie clinique et pathologique de l’université d’Aix – Marseille 1, parallèlement à une formation clinique et psychanalytique supplémentaire , je me suis risqué, sous le déguisement de psychologue scolaire, à une pratique de la psychologie selon une démarche découlant de mes références disciplinaires dans les établissements d’un secteur de psychologie scolaire du Sud de la France. Puis, lassé que l’utilité et le bien fondé de cette pratique, en effet en grand écart symbolique différentiel avec la spécialisation enseignante inappropriée dans laquelle on l'attendait et la voulait, soit sans cesse administrativement, réprouvée, déniée dans sa légitimité et dans son utilité, je suis allé travailler en CMPP avec des enfants, des adolescents et leur famille.

 

 

Mais ce passé de gâchis, a toujours du mal à passer … quand j'y repense.

 

Alors, je me dois encore d’agir et de témoigner. Pour mes anciens collègues psychologues, toujours scolairement niés et bridés, pour mes anciens collègues enseignants dont je n’ai pas oublié les souffrances et leur non prise en compte, pour les enfants et les jeunes dont les dimensions personnelles en souffrance, sans pour autant être médicalisables, sous-tendent leur qualité d’élève puisque je suis père et grand-père et que je n’accepte pas de les voir traités à cet égard ainsi. Pour toute la profession de psychologue enfin qui mérite d’être définitivement débarrassée de toutes les basses tentatives d’instrumentalisation et de subordination dont elle est quotidiennement de plus en plus l’objet.

 

J’éprouve le douloureux sentiment d’avoir été, avec mes collègues et tous ceux qui auraient pu mieux profiter de mes compétences, injustement bridé et victime d’un stupide gâchis. Ce gâchis n’a profité et ne profite encore et encore qu’aux petites affaires de certains pouvoirs et corporatismes en place qui ne disent pas toujours leur nom. 

 

Car, comme nombre de mes collègues, j’aurais voulu pouvoir, en toute légitimité et au grand jour, faire profiter mon institution, ses équipes, mes collègues enseignants, les enfants, les jeunes et leur famille du bénéfice des compétences psychologiques acquises que je pouvais leur offrir dans un exercice plus authentique, légitime et responsable de mon titre et de ma fonction clinique de psychologue.

 

Puissent les politiques enfin l’entendre au-delà de leurs clivages idéologiques, de leurs conflits d’intérêt avec les pouvoirs financiers et de leurs divisions clientélistes pour en tirer toutes les conséquences d’intérêt public en toute responsabilité éthique. Les enfants, les jeunes et les équipes qui travaillent dans l’éducation nationale ont aussi besoin de psychologues de la maternelle à l’université. Ces derniers, à recruter aux mêmes niveaux universitaires de titre que les autres et sans aucun alibi de sous profilage maison, doivent en avoir véritablement la place et le rôle dans une légitimité statutaire qui en garantisse l’indépendance professionnelle, le cadre symbolique et l’utilité publique.

                                                                                                              

                                                                                                          Michel Berlin

                                                                                                            Mars 2005

 

 

(Article publié dans Psychologues et psychologies, le bulletin du Syndicat National des psychologues)

 

 

 

 

 

Eléments de bibliographie :

 

·   AFLALO, Agnès : Discréditer scientifiquement la psychanalyse et attenter aux libertés, version augmentée parue dans le journal              Marianne du 17 mai 2004, publiée sur le site Œdipe.

·   APARICIO Sol : Considération lacanienne sur le déclin du père, revue de psychanalyse de l’EPFCL n°2 – mars 2005

·   BERLIN, Michel : Quels psychologues dans l’école ? Des instituteurs déguisés en psychologues ou des psychologues déguisés en instituteurs ? Le Journal des psychologues n° 23 – déc. 1984 – janv. 1985.

·   BERLIN, Michel : Réseaucratie, Psychologues et psychologies, n° 107

·   BERLIN, Michel : Logique et éthique psychologique et logique pédagogique des réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté : le journal du SPEN, janvier février 1993

·   BERLIN, Michel : L’Autre écoute du psychologue : une éthique du sujet et un envers de la pédagogie, in Euroéthique – Actes des premières rencontres professionnelles des psychologues de l’Europe du Sud à Marseille, juin 1995

·   BERLIN, Michel : L’ex-sistence scolaire du psychologue : une nécessité à venir encore dans l’antichambre d’un passé qui tarde à prendre rang, Psychologues et psychologies n°129 – février 1996

·   BERLIN, Michel : L’illusion totalitaire : une passion de l’instrumentalité – Bulletin de l’Association de la Cause Freudienne – Voie Domitienne – 4ème trim. 1998

·   BERLIN, Michel : Passion communautaire et déshumanisation du lien social – Communication inédite de mars 2000 à une soirée des Forums du Champ Lacanien en Avignon.

·   CALLIGARIS, Contardo : La séduction totalitaire – Cliniques méditerranéennes n°31-32 – 1991

·   Circulaire du MEN n° 90-083 du 10 avril 1990 portant « missions des psychologues scolaires »

·   FREUD, Sigmund : Psychologie collective et analyse du moi – in Essais de psychanalyse – Payot

·   GORI, Roland : Extrait du rapport au vice-président de l’université de Provence –  site Œdipe

·   GORI, Roland : Logique des passions – collection l’espace analytique dirigée par Alain VANIER–Denoël- avril 2002

·   LACAN, Jacques : Le séminaire (notamment livre III, Les psychoses, livre V les formations de l’inconscient,  livre IX L’identification , livre X L’angoisse et livre XI les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse ) - Seuil

·   LACAN, Jacques : Ecrits – 1966 -Seuil

·   LECLERE, Serge : Le psychanalyste saisi par la société – Cliniques méditerranéennes n°35-36 - 1992

·   MELMAN, Charles : L’homme sans gravité – 2002 – Denoël.

·   NERI, Jean-Pierre ; TRAMOY-WERNER, Sylviane ; FARRE Christine : Psychologie clinique dans l’institution scolaire – Collection psychopathologie clinique dirigée par Claude MIOLLAN - Presses Universitaires de Grenoble – juin 2000

 


[1] - Article paru dans Psychologues et Psychologies – Bulletin du SNP - n° 181 – avril 2005


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