La circulaire Lebettre de 1960 -fondement d'une logique incohérente

 

Circulaire n° 205 du 8 novembre 1960

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
DIRECTION DES ENSEIGNEMENTS ÉLÉMENTAIRES ET COMPLÉMENTAIRES
2ème Bureau – D.E.E.C.2. N° 205 – PB/AC

PARIS, le 8 Novembre 1960

LE MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
à
Messieurs les RECTEURS
Messieurs les INSPECTEURS D’ACADÉMIE

 

La présente note ne concerne directement que les départements à la disposition desquels ont été mis, à titre expérimental, des psychologues scolaires ; il convient cependant que tous les Inspecteurs d’Académie prennent connaissance de ces instructions, en prévision de l’extension prochaine de cette expérience.

Cette note a pour objet de fixer les conditions d’emploi, comme psychologues scolaires, des instituteurs ou institutrices titulaires d’un diplôme de psychologue scolaire délivré par un institut de psychologie d’université.

Le maître psychologue scolaire est attaché en principe à une circonscription scolaire comptant 7 à 800 élèves. Dans les villes, selon les effectifs, on lui confiera un ou plusieurs groupes pouvant comporter avec les classes ordinaires d’une école primaire élémentaire, maternelle et collège d’enseignement général.

Dans les régions rurales à écoles dispersées, afin de limiter autant que possible les déplacements, il conviendra de constituer la circonscription en rassemblant les écoles de localités voisines jusqu’à concurrence de 800 élèves.

En outre, il est très souhaitable que le psychologue scolaire apporte sa contribution au fonctionnement d’un établissement spécialisé pour caractériels, pour débiles, pour déficients sensoriels ou pour infirmes moteurs, placé sous la responsabilité administrative et pédagogique des maîtres de l’Enseignement public. Dans ce cas, le groupe d’élèves dont il est chargé dans les classes et établissements normaux est ramené à environ 500.

Le psychologue scolaire n’est pas un spécialiste venu de l’extérieur ; il est attaché à une école comme un autre instituteur ; seulement, il doit à sa formation psychologique plus étendue d’être chargé de certains problèmes qui préoccupent tous les maîtres, mais que le manque de temps ou l’insuffisance de leurs connaissances psychologiques, dont on ne saurait, bien entendu, leur tenir rigueur, ne leur permettent pas d’approfondir.

Le psychologue scolaire se consacre d’abord à l’observation continue des enfants de sa circonscription en faisant appel aux techniques d’analyse psychologique et pédagogique, aux renseignements que lui apportent le maître de l’enfant, le médecin du Service de santé scolaire, les parents, éventuellement les services sociaux. Ces observations viendront préciser, compléter et quelquefois éclairer le dossier scolaire qui, ouvert dès l’entrée de l’enfant à l’école, s’enrichira d’année en année et de classe en classe. Ainsi, on pourra suivre le développement de l’enfant, connaître ses particularités individuelles, ses qualités comme ses insuffisances et saisir tous les aspects de sa personnalité. Cette pratique de l’observation continue des élèves, si elle est menée avec persévérance, permettra d’éviter les dangers des conclusions à longue portée tirées d’un examen unique. Elle apportera des renseignements très précieux lorsque les élèves entreront dans le cycle d’observation, d’abord aux commissions chargées de l’Orientation à l’entrée en 6ème, ensuite aux maîtres qui suivront ces élèves pendant les deux années du cycle d’observation. Pour les élèves qui terminent leurs études à 14 ans, le dossier sera aussi précieux, car il apportera aux Conseillers d’Orientation Professionnelle et Scolaire, chargés de conseiller les familles sur le choix d’une profession, tout un ensemble de renseignements qu’ils ne pourraient réunir eux-mêmes.

Certains enfants exigent un examen plus approfondi de la part du psychologue scolaire, ce sont ces enfants-problèmes qui déconcertent et inquiètent maîtres et parents, par leur comportement ou leurs échecs scolaires. Le psychologue scolaire étudiera, avec le maître la conduite à tenir en présence des cas de retard ou d’inadaptation.

Ceux de ces enfants qu’il juge ne pouvoir être maintenus dans une classe normale, seront orientés vers la Commission médico-pédagogique, s’il s’agit d’enfants présumés débiles ou caractériels, vers les établissements spécialisés qui conviennent pour les autres. Ainsi le psychologue scolaire est appelé à jouer un rôle essentiel dans le dépistage des enfants inadaptés. Il apporte son concours à la Commission médico-pédagogique selon les termes de la Circulaire du 22 avril 1958.

Lorsque son service comporte un établissement spécialisé pour l’enfance inadaptée, le psychologue scolaire s’intègre à l’équipe médico-pédagogique de l’établissement et prend sa part à des observations et enquêtes psychologiques qui sont nécessaires à l’œuvre de rééducation.

Les activités du psychologue scolaire ne se limitent pas à l’observation individuelle des élèves, car des problèmes psychologiques et pédagogiques se posent aussi au niveau de la classe et même de l’école. C’est ainsi qu’il peut être appelé à pratiquer des épreuves collectives, à mener une observation d’ensemble dans les classes, en particulier, dans celles dont les maîtres s’interrogent sur certains aspects de leur travail, sur les résultats de leur enseignement. Par exemple, on lui demandera de situer exactement le niveau de la classe, en orthographe, en calcul, ou dans toute autre discipline, par rapport à une classe normale de même âge.

Enfin le psychologue scolaire est un pédagogue que ses études ont plus particulièrement orienté vers les recherches pédagogiques. Il apporte son aide matérielle et scientifique aux maîtres qui prennent dans leur classe des initiatives pédagogiques, qui expérimentent certaines méthodes d’enseignement, qui étudient les opérations mentales qu’exigent et qu’exercent les diverses matières des programmes scolaires. Il coordonne toutes ces recherches en assurant la liaison entre les maîtres intéressés par ces travaux.

Par toutes ces activités, le psychologue scolaire est étroitement mêlé à la vie des classes et des écoles dans lesquelles il est appelé à exercer ses fonctions ; il collabore tous les jours avec ses collègues enseignants ; il doit donc savoir entretenir avec eux d’excellentes relations ; c’est une des conditions essentielles de l’efficacité de son travail ; en effet, il n’apporte que des avis motivés et en aucun cas, il ne peut imposer une décision ; celle-ci appartient toujours au maître intéressé dont l’opinion est finalement déterminante. Néanmoins, comme ses collègues, il participe au conseil des maîtres, où comme eux encore, il a voix délibérative.

Le psychologue scolaire ne négligera pas non plus d’établir des relations confiantes avec le médecin du service de santé scolaire, les services sociaux s’il en existe, enfin les familles, dont les interventions et les avis sont aussi fort précieux pour la réussite de son travail.

L’horaire hebdomadaire du psychologue scolaire comporte 24 heures consacrées aux enquêtes, aux examens d’enfants, aux contacts avec les enseignants, les divers services scolaires, les familles.

 

Les psychologues scolaires sont nommés dans les mêmes conditions que les instituteurs, par le Recteur d’Académie sur avis de la Commission administrative paritaires départementale ; ils sont nommés à un poste de Collège d’Enseignement Général. Leur avancement s’effectue selon les mêmes modalités que celui de leurs collègues instituteurs.

Vous aurez à déterminer la circonscription dans laquelle exercera le psychologue scolaire, en tenant compte des indications que je vous ai données au début de cette instruction. Vous veillerez aussi à ce qu’il trouve un milieu déjà averti des problèmes psychologiques et pédagogiques, dans lesquels soin action puisse être efficace ; vous voudrez bien prendre, à cet égard, l’avis du Comité Technique Paritaire.

Les psychologues scolaires relèvent des mêmes autorités hiérarchiques que les instituteurs. Ils établissent en début d’année scolaire un emploi du temps et un programme de travail qui sont adressés à l’Inspecteur primaire. Ils rendent compte de leur temps et de leurs activités dans un cahier-journal qu’ils présentent à leurs supérieurs hiérarchiques, à l’occasion des inspections ; en fin d’année scolaire, ils adressent un rapport d’activité à l’Inspecteur Primaire.

Il est nécessaire qu’un local à usage de bureau soit mis à leur disposition pour les examens individuels et les entretiens avec les parents et que des crédits soient prévus pour le matériel indispensable aux examens, et pour l’établissement des dossiers.

Je vous serais très obligé de me demander, sous le timbre du 4ème Bureau, la création des postes qui vous seraient nécessaires pour régulariser la situation des psychologues scolaires de votre département et d’établir conformément au tableau modèle ci-après la liste des instituteurs exerçant comme psychologues scolaires dans votre département. Enfin, vous ne manquerez pas de me faire part des difficultés que pourrait présenter l’application des présentes instructions.

 

Pour le Ministre et par autorisation,

Le Directeur des enseignements élémentaires et complémentaires,

M. LEBETTRE

         
   
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Observation :

 

              

                 On marche déjà sur des œufs pour introduire cette nouveauté à titre expérimental dans le système éducatif de l'époque.

 

               "Comme les autres instituteurs", répété et décliné à l'envi dans ce texte, apparait  très défensif vis à vis du "risque" de différenciation professionnelle possible ainsi que de toute extériorisation. Pourquoi? Puisqu'il y a quelque chose qui "force" autant à "retenir" vers l'instituteur qualifié de "maître-psychologue", c'est bien en réaction de quelque chose,  effet du symbolique et de l'ordre de la nomination, qui "pousse" l'esprit dans l'autre sens vers ... le psychologue.  Action contre réaction, on fait du sur place.

 

                           En effet, il ne cesse d'être dit "comme ses collègues", "comme les autres instituteurs" etc...  "n'est pas un spécialiste... venu de l'extérieur" . Mais, toutefois, ces soi-disant " instituteurs" sont nommés sur des postes de Collège d'Enseignement Général, donc sur  des postes de professeur de collège...rattachés au principal de ce collège et placés directement sous l'autorité de l'inspecteur départemental spécialisé pour l'enfance inadapté, donc pas tout à fait "comme".  Leurs horaires d'obligations de services ainsi que leur rattachement administratif sont donc aussi différenciées.  C'est à dire qu'ils sont reconnus, quelque part, quand "même" pas tout à fait "comme les autres"....Des "pas tout comme" donc?

 

                          Mais déjà l'insistance d'une équivalence prenait valeur conjuratoire de dénégation en ce qu'elle annulait ou niait l'existence d'une différence par ailleurs instituée "...Logique à hue et à dia...à voile et à vapeur... qui, voulant ménager la chèvre et le choux,  n'a pas osé aller jusqu'au bout de l'écornage d'un corps, semble-t-il.

 

                      C'était distordu dès le départ... mal fichu et, c'est le cas de le dire, "mal barré".... symboliquement!! C'est cette logique à hue et à dia, véritable logique symptôme bancale de  tentative de "formation de compromis",  pour garder le beurre et l'argent du beurre, sur laquelle va se fonder la doctrine administrative parthénogénétique du recrutement et du maintien des psychologues dans leur corps des origines exclusivement pour au moins un demi siècle.


                     Et le "système", c'est à dire ses membres et ses syndicats enseignants n'ont eu de cesse de raboter ce qui dépassait pour ramener les psychologues au pas "comme UN" des enseignants des écoles, avec un rattachement à un directeur d'école et des horaires différenciés à mettre en "cohérence" avec l'ensemble... Aucune garantie statutaire n'a pu s'opposer à ce tropisme...mental.  Par la suite il en a été de même pour ce qui concernait l'autonomie quelque peu différenciée des  GAPP (Groupes d'Aides Psycho-Pédagogiques : équipe d'analyse et de traitements autonomes des problèmes psychologiques et psycho-pédagogiques composée d'un psychologue et de deux rééducateurs). Ils ont été transformés en RASED avec un rabattement sur le plan pédagogique supplémentaire dans lequel la nomination de l'aide de nature psychologique, c'est à dire donc de l'activité naturelle mais spécifique des psychologues, passa à la trappe

 


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