L'art comme partenaire

Reproduction placée au-dessus du divan de mon cabinet qui pourrait rappeler que "le rêve est la voie royale de l'inconscient" (Freud) et que "ou je pense  ou je suis" (Lacan) t
Reproduction placée au-dessus du divan de mon cabinet qui pourrait rappeler que "le rêve est la voie royale de l'inconscient" (Freud) et que "ou je pense ou je suis" (Lacan) t

 

L’art comme partenaire

 

Présentation Michel BERLIN

 

(Intervention à un colloque ACF-Voie Domitienne de Narbonne en ouverture de l'atelier l'art comme partenaire

Modérateur : Michel Berlin - Discutant : Jean-Claude Brun-Reinhard)

 

             

 

              Cette année, c’est donc à Narbonne, que le colloque de l’ACF-Voie Domitienne s’ouvre, dans notre atelier, sur l’art comme partenaire. Pour en parler, il donne la parole à des artistes. Ceux-ci, sous l’impulsion décidée de notre collègue Dominique NADAL, ont participé toute l’année à l’Isle sur la Sorgue, à des rencontres d’échanges sur la création avec des psychanalystes qui, par ailleurs, avaient mis cette question au travail dans leur cartel sous l’intitulé : le néant créateur.

 

              Nous sommes très intéressés et honorés que ces artistes peintres aient bien voulu venir nous parler de ce qui les met au travail de la création et, ce faisant, aient accepté de s’exposer sur un terrain, celui de la parole, qui n’est pas celui qui leur est habituel en tant qu’artistes. Aussi qu’ils en soient ici particulièrement remerciés.

 

               Leur témoignage intéresse la psychanalyse, car, comme nous le dit Dominique Nadal, dans leur expression artistique il s’agit d’une autre manière que celle visée dans la cure pour ce qui concerne le rapport au trou du réel, la rencontre avec le vide de « la chose » et le manque d’objet.

 

                Si la psychanalyse du névrosé vise à une rencontre qui désillusionne : celle de l’horreur du dévoilement du réel derrière le fantasme fondamental qui le tamponne, alors que la question du traitement de la psychose vise en revanche à permettre de construire un symptôme, une métaphore délirante, qui vienne tamponner un réel envahissant et faire suppléance au défaut de métaphore paternelle, l’œuvre d’art peut faire suppléance ou, dans l’espace de l’illusion, elle évoque alors de façon sublime en la voilant l’horreur de ce trou. 

 

                  Elle est peut-être aussi une manière d’exorcisme du manque d’objet, comme le disait Picasso, cité par Rosine et Robert Lefort[1] parlant de son œuvre de « passe » : « Les demoiselles d’Avignon ». « Je tente de peindre ce que j’ai trouvé et non ce que je cherche » disait-il.  Ce nez de la femme accroupie qui nous saute aux yeux est pour Picasso l’exorcisme du trou. C’est à dire celui de la découverte de la perte de l’objet (a), soit du manque phallique.

 

                  Créer, pour ceux qui se réfèrent à Lacan, c’est en effet habiller un vide, celui de l’objet primordial perdu, « das Ding »,  « élevé à la dignité de la  chose », tel le potier créant, « ex-nihilo » le vase autour de ce vide, nous dit-il.

 

                  Aussi, l’œuvre d’art vise-t-elle à nous saisir directement et à nous toucher au-delà du Moi et du savoir conscient. Elle le fait au plus profond et au plus près de ce qui, pour chacun de nous, est venu border l’indicible de notre réel.

 

                   Les processus inconscients sous-tendant la création artistique, sont donnés à voir et à entendre dans l’œuvre en une forme transcrite et déguisée qui permet leur passage et leur rebond par le moyen du beau venu habiller l’obscène du fantasme et l’horreur de ce que Lacan désigne comme « troumatisme ».

 

                    Si en chimie la sublimation est ce processus de purgation d’un corps solide en le faisant directement passer en son état gazeux, par court-circuit de l’état liquide intermédiaire, en psychanalyse c’est pour Freud l’expression d’une pulsion partielle qui, au lieu d’être refoulée, s’exprime dans un but différent de la sexualité, tout en produisant un « plus de jouir » acceptable.

                      La nécessité de créer ne nous renvoie-t-elle pas à la poussée d’un pulsionnel détourné de son but ? L’horreur face au vide de l’objet (a) ne se retournerait-elle pas en amour de ce qui en recrée un tenant lieu. Un tenant lieu qui fasse alors suppléance ou illusion sublime ?

 

                     C’est notamment à ces réflexions que nous sommes convoqués par les communications de Jacqueline PITOT, de Thierry SAVINI, d’Isabelle GOMOND, de Suzan HIRCHI–TRAA et de Dominique NADAL et au cours du riche et intéressant débat quelles vont susciter , je n'en doute pas.

 

                                                                                                                                                  M.B.



[1] - R. et R. LEFORT : Ornicar n° 46 (1988) « La passe de Picasso ».

 

 


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