Où sont les blocages?

                                                  Photo Internet : "Attachement".
Photo Internet : "Attachement".

"Au sein de l’éducation nationale, certains groupes de pression ont tendance à vouloir banaliser tout ce qui "dépasse d’une tête" : René COUANAU Député.
"Au sein de l’éducation nationale, certains groupes de pression ont tendance à vouloir banaliser tout ce qui "dépasse d’une tête" : René COUANAU Député.

Réponse de François Bayrou aux parlementaires:

 

                   Il s'agit de la réponse à une question écrite d'un parlementaire rencontré par nos soins pour demander la création d'un corps de psychologues dans l'éducation nationale à partir d'un double recrutement, interne et externe, sur la base des DESS de psychologie existants comme conséquence de la loi de 85 réservant l'usage professionnel du titre de cette profession.

 

Réponse :

 

        "La création d'un corps de psychologues scolaires qui pour partie ne serait pas issu du corps des enseignants altérerait la spécificité de la psychologie scolaire dans la mesure où certains personnels n'auraient pas la compétence pédagogique reconnue.


          De plus, la diversité des statuts ne manquerait pas de remettre en cause la cohérence et l'efficacité d'un dispositif fondé sur les interventions des différents personnels des RASED coordonnés par l'IEN ..."

 

 

 

 

RASED : Réseaux d'aides aux élèves en difficultés

IEN : Inspecteur de l’Éducation Nationale

 

 

 


 

 

 

Remarque :

                       Pour le dire trivialement, c'est un peu comme si on exigeait d'un analyste de savoir préparer et découper les saucissons pour pouvoir recevoir un charcutier en analyse... Je ne m'étendrai donc pas sur la hauteur du raisonnement consistant à invoquer le prétexte de la "compétence pédagogique" soi-disant nécessaire. On pourrait même renverser l'argument. Si l'on veut que le psychologue "possède" une compétence pédagogique, c'est peut-être pour mieux le "posséder", lui par cette "appartenance" au corps enseignant.

 

                     Car, il est à noter que cette réponse s'appuie encore sur la doctrine à "hue et à dia" établie par la circulaire Lebettre de 1960 (1) (qui,  actuellement en 2015,  est enfin abrogée. Il a quand même fallu plus de 50 ans au mammouth... ). Selon ladite circulaire, il est doublement nécessaire que le psychologue scolaire "possède une compétence pédagogique" et "ne soit pas un spécialiste venu de l'extérieur". Toute cette belle argumentation apparait le prétexte d'un simple conflit d'intérêt des uns de garder le pouvoir hiérarchique sur les psychologues et la psychologie et celui de les garder sur le territoire de syndicalisation qu'ils entendent dominer et contrôler pour les autres.

 

                       Elle indique aussi que la différenciation statutaire des psychologues interagirait avec les "autres corps"   du RASED (dénégation humoristique car, précisément, il n'y en a pas d'autres de corps que cet UN là, en position d'unique) qui en seraient "froissés", selon les craintes énoncées ci-dessous du ministre et de l'administration centrale qui rédige les réponses.  Cette différenciation interagirait aussi avec l'équilibre de l'ensemble...à maintenir sans changement.

 

                       La différenciation statutaire enfin, en faisant sortir le psychologue du "territoire pédagogique" mettrait en cause le pouvoir de la hiérarchie pédagogique en place représentée par ce que la réponse appelle "la coordination de l'IEN" (Inspecteur départemental de l'éducation nationale). On voit bien  la surdétermination des blocages., faute du courage politique de trancher, d'une place de garant de l'ordre symbolique. Cette place de garant du symbolique appelée confusément par nombre de citoyens, aussi bien extrémistes qu'abstentionnistes, est semble-t-il de plus en plus délaissée par l’État et ses représentants. D'où les nombreuses dérives et les nombreux désordres imaginaires.

 

 

 

Réponse ministérielle n° 21531 du 12 décembre 1994 à M. Francis Galizi  (Extraits) à propos de la création d’un statut de psychologue  

 

                  « Ce sont moins les incidences budgétaires qui rendent difficile cette création que le risque de voir les interventions des différents personnels à l’école primaire perdre leur cohérence et donc leur efficacité : instituteurs ou professeurs des écoles des classes ordinaires, maîtres chargés des aides à dominante rééducative et psychologues scolaires appartiennent tous aux corps des personnels enseignants du premier degré, ce qui facilite leur compréhension des problèmes posés par les élèves en difficulté et leur collaboration dans les actions entreprises en faveur de ces élèves. »

 

 

 

Remarque de ma part : En fait, il semble bien que pour la haute administration, l’appartenance commune prime sur la compétence professionnelle universitaire pour « comprendre » et analyser les problèmes. Qu'importent les formations! C'est secondaire!  Selon la logique administrative, la « carte » du parti (euh je veux dire du corps), équivaut sans doute largement à un doctorat en psychologie et à des stages cliniques supervisés pour exercer. A bas la pluridisciplinarité et les différences de point de vue, et surtout à bas les compétences qui rendraient plus autonome et donc moins docile : il faut partager du même ! Surtout pas de différences qui rendraient jaloux ou heurteraient!  Surtout que l’autre ne soit pas Autre, mais un autre … soi-même. Que le corps auquel "appartiennent les psychologues" conserve sa possession pour rester entier et tout puissant. Rien qui dépasse. Pas de coupure. Une dilution dans du même. Un grand corps mis au pas sous un même uni(e)forme finalement en quelque sorte.

 

 

Autre remarque en attendant la suite sous forme d'extraits des débats parlementaires retrouvés:

                                                           

                         Ce site est en constante évolution. Il me manque tout un ensemble de réponses de François Bayrou qui évoquent bien le réel dessous des cartes des résistances à la création d'un statut de psychologue. Ces réponses sont issues d'un extrait de débats parlementaires sur lequel je n'arrive plus à mettre la main.

 

                             Pour la petite histoire il se trouve que sous son "règne" nous avions une ancienne collègue psychologue scolaire qui était devenue députée : Simone Rignault. C'était sans doute une psychologue scolaire à l'ancienne, c'est à dire assez "scolaire", et dans ses questions ou demandes orales, lors des débats parlementaires, elle se mélange parfois un peu les pinceaux, ce que n'avait pas manqué de mettre à profit F. Bayrou.

 

                            Mais comme elle restait sur le même plan d'appartenance au corps, la différence (je crois de statut d'emploi) qu'elle proposait d'introduire dans ce corps pour ne "froisser" personne aurait alors nécessairement pris le sens d'un avantage jalousé. Ce qu'avait bien perçu le ministre, d'autant que c'est bien ce risque qui le préoccupait et faisait blocage, sur un plan clientéliste. Avec le recul historique, on sait maintenant ses ambitions "carriéristes" d'alors. Notre ministre, on le pressentait quand même, avait des arrières pensées de présidentielle...et qui plus est, ne l'oublions pas, il était lui-même issu d'un des corps enseignants les plus jaloux de ses prérogatives tirées non pas de diplômes, comme l'argumentait restrictivement vainement Simone Rignault, mais du concours professoral prestigieux de l'agrégation. Il est issu en effet du corps des agrégés.

 

                           Mais l'important est qu'elle ait fait révéler et dire par F. Bayrou, notre Simone,  que ce n'est pas tant le principe d'un statut et d'un recrutement externe par concours au DESS qui posait problème et entravait l'action politique mais les risques, politiquement trop couteux, de "froisser" ou de "heurter" les autres membres des réseaux d'aide et du corps enseignant... C'est à dire, n'ayons pas peur des mots, de les rendre jaloux. D'où TOUS .... comme UN pour garder la "comme Unauté". Pas de différenciation, ni d'entame dans ce grand TOUT!  Que rien ne dépasse. C'est un .... fantasme, infantile et confusionnel de ...névrosé résistant à une forme de "castration" imaginaire qui conférerait à chacun une place symboliquement reconnue et différenciée. Car comme celle des sexes, la notion républicaine d'égalité (des dignités et des droits sociaux) n'implique pas l'indifférenciation ou la confusion (des genres) dans un grand tout amalgamé.

 

                          Un peu comme un papa qui n'assumerait pas de coucher avec son épouse de peur de ne pouvoir faire face à la jalousie de l'enfant..s'il en était séparé.  Ça se voit bien sûr en consultation. Je l'ai personnellement rencontré des dizaines de fois. Un grand classique! J'en ai même connu un de père qui allait dormir dans le lit de son fils... énurétique, off course!

 

                           Vous voyez dans quoi s'enracinent parfois les problèmes .... politiques.

 

                            Toujours le problème dominant de la rivalité imaginaire qui joue tant que la loi n'a pas opéré un coupure symbolique, comme on est, nous les "psy" orientés  par la psychanalyse, presque les "seuls" à le savoir, hélas.

                         

                            Voilà, je viens enfin de retrouver les références exactes des débats parlementaires qui me manquaient et dont je vous parlais de mémoire plus haut.

 

 

 

Débats parlementaires : Assemblée nationale 2ème séance du 22 décembre 1994 dans le cadre d’un débat à propos d’un « nouveau contrat pour l’école » présenté par François Bayrou au nom du gouvernement

 

Mme la députée Simone Rignault :

 

                    «  Monsieur le ministre, je suis très déçue car la conversation que nous avons eu hier soir laissait espérer une ouverture de votre part. La spécificité professionnelle des psychologues scolaires semble maintenant reconnue dans la loi. Mais cette reconnaissance ne peut être effective si on ne les dote pas d’un statut particulier. »

 

M. le ministre de l’éducation nationale (François Bayrou) :

 

                « Comme je l’ai dit hier soir, j’essaie de trouver une solution pour que la fonction des psychologues scolaires soit reconnue, sans troubler pour autant l’architecture subtile des corps de la fonction publique. »

 

(En clair : il ne faut pas diviser la totalité d’un corps en l’amputant de ce qui s’en différencie…pour ne pas le contrarier et .... perdre ses suffrages. Vous avez dit clientélisme?  D'où, dans ces conditions l'impossible quadrature du cercle....Un peu comme un père qui ne renverrait pas son enfant œdipien, resté collè à sa mère pour dormir, dans son lit de peur de le froisser et de se faire moins aimer, le maintenant ainsi dans la névrose d'une non-coupure symbolique..d'avec une place et une identification  phallique imaginaire. Et c'est bien à ce niveau de garant du symbolique que parfois l’État se montre défaillant, de nos jours, dans bien d'autres domaines, confortant ainsi bien des maintiens immatures dans la toute puissance et les rivalités imaginaires sans fin.)

 

Le ministre Bayrou poursuit, persiste et explicite sa pensée clientéliste pour la rendre on ne peut plus claire,

«  Je lui redis cependant mon intention d’aller dans ce sens, à la condition de vérifier que le reste des enseignants, notamment ceux du premier degré, ne se trouveront pas heurtés, ni même froissés, parce que des avantages particuliers seraient accordés à des psychologues scolaires au détriment de l’équilibre et de l’équité qui doivent être préservés au sein de ces corps »

 

Remarque de ma part :

 

          François Bayrou n'a sans doute pas rompu avec sa première identité de professeur agrégé. Ne pas rompre l'appartenance. Ne pas enlever l'os au chien corporatiste féroce qui montre les dents. Pourtant, sauf erreur de raisonnement ou impossibilité de se projeter dans la nouvelle condition issue de la création d'un autre statut,  il ne s'agirait pas d'avantages particuliers et injustes pour des semblables qui seraient à parité sur un même plan, mais de différences de statuts pour des professions différentes, avec des formations et des recrutements de nature et de niveaux différents, sur des plans juridiques différents. A l'époque les instituteurs étaient recrutés à un niveau de second cycle universitaire bac + 2 et les psychologues à un niveau de 3ème cycle à bac + 5. Ce qui n'est pas pareil. Et c'était maintenir l'équivalence vers le bas qui était très injuste...et inacceptable!

 

              L'inscription symbolique de ces différences identitaires, confère dès lors une place propre à chaque profession et exclut les désordres imaginaires de la jalousie et des rivalités par sentiment d'injustice.  On sait bien que la relation imaginaire par son défaut de prise en compte d'une symbolique qui distribue les différences de places et de rôles, donc de statuts et de "corps", comme dans une famille où les rôles, les sexes et les places intergénérationnelles ne sont pas confondus, est vouée à l’agressivité et à la rivalité sur un même plan.

 

       
Si l’autre est un autre moi-même, un alter-ego sans différence, alors en effet, il ne me renvoie pas à une division de moi-même et je ne sais plus trop qui je suis, car l'autre en qui je me vois, c'est aussi tout moi, c'est à dire un rival. D'où le risque de m'y perdre par élimination, faute de conserver "ma" place. C’est-à-dire qu'il ne me renvoie pas à une partie de moi qui me manque. Il ne me renvoie pas à mon manque, à ma castration et donc à une certaine faiblesse intérieure par rapport à ma toute puissance imaginaire. Il m’économise ainsi le ressenti de la « castration » dans cette "unité" imaginaire "comme UN". Mais en revanche toute différence sera alors ressentie sur le plan de la rivalité imaginaire comme un avantage injuste et un risque de perte de soi dans cet autre, reflet de moi-même qui me ravit mon idéal du moi. Dépossession dont je suis tenté jalousement de l'accuser alors .... C'est en effet compliqué à expliquer, mais c'est pourtant la banalité de ce qui se vit au quotidien dans la plupart des rivalités, faute de mieux marquer symboliquement des différences identitaires par lesquelles chacun peut se sentir valorisé d'être à sa place.

 

           C'est ce que nous enseigne la psychanalyse.

 

          Et on voit bien qu'il y a dans ces réactions de jalousie et d'évitement politique de la jalousie de tout un corps, comme .... une grossière "erreur" symbolique de ... raisonnement, c'est le moins qu'on puisse dire! C'est un symptôme névrotique collectif dans le rapport de l'institution à ses psychologues.

          

M. le Député René Couanau :

 

                        « Il ne serait que justice que l’on reconnaisse la formation supérieure de ces personnels qui font l’effort d’obtenir une qualification particulière en psychologie. » …. « Ces psychologues exercent une fonction spécifique et cette spécificité devrait leur être reconnue »

 

M. Claude Goasguen, rapporteur :

 

                      « Il s’agit d’un problème dont nous avons eu conscience en commission. Comme l’a dit M. Couanau, il est posé depuis une vingtaine d’années. Mais la sagesse commanderait de réfléchir pendant quelques semaines encore. »

 

Mme Simone Rignault   (Extraits) 

 

                   « Les psychologues scolaires souhaitent un statut clairement identifié. {…} Si nous n’arrivons pas à élaborer pour eux un véritable statut, nous assisterons – mais c’est déjà le cas- à une raréfaction de leur recrutement : il est bien évident que personne n’acceptera de suivre une formation aussi longue –souvent cinq ans après le baccalauréat- s’il n’y a aucun changement, du moins en faveur de la reconnaissance de leur fonction. »

 

M. René Couanau :

 

                   «  Au sein de l’éducation nationale, certains groupes de pression ont tendance à vouloir banaliser tout ce qui "dépasse d’une tête ". Les syndicats s’emploient à maintenir dans le corps banalisé des instituteurs ou des professeurs d’école des personnels qui ont fait un effort pour acquérir une qualification supplémentaire. On ne peut pas traiter le titulaire d’un diplôme d’enseignement supérieur de psychologie de la même manière que celui qui a été recruté au niveau du baccalauréat. Il faudrait que vous vous engagiez, monsieur le ministre, à résoudre ce problème, auquel cas nous nous rangerons à votre souhait de voir retirer cet amendement. »

 

                    M. le député Couanau connaissait bien le panier de crabes qu’est l’éducation nationale. Il était haut fonctionnaire. Avant d'être élu, il a occupé les fonctions de Directeur des écoles au ministère de l’éducation nationale.

 

                    Il sait bien ce qui s’y joue en sous-main et il le dit.

 

                     Il connait le dessous des cartes que je vous annonçais. Mais il ne fait porter les blocages que du côté des syndicats d'enseignants alors que s'y ajoutent ceux de la haute, moyenne et basse administration craignant pour son pouvoir. Il s’agit bien de s'accorder pour laminer au lit de Procuste des corps dominants et de leur pouvoir tout ce qui diffère, tout ce qui dépasse.  Il l’a vécu.

 

                     Sans doute François Bayrou aussi, mais peut-être, lui en tant qu'ancien professeur, dans un sens inverse.

 

 

 


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