Les fantômes de l'école


 

 

Michel Berlin

Psychologue                                                                                                 Avignon le 6/6/1998

 

Monsieur l’inspecteur d’académie

Inspection Académique de Vaucluse

49, rue Thiers 84 000 AVIGNON

 

 

Objet : Déclaration de l’inspection académique de Vaucluse citée par « Le Dauphiné » du 5/6/98 à la suite de l’article de Muriel Ledoux : « Les fantômes de l’éducation nationale 

 

 

 

Monsieur l’inspecteur d’académie,

 

 

Le Dauphiné rapporte à la suite d’un article de Muriel LEDOUX sur les psychologues scolaires, qu’ayant interrogé vos services à propos de la vieille revendication d’un statut de psychologue correspondant au  titre et à la nature de la profession de ces personnels, il fut répondu de façon anonyme que « depuis des années, les psychologues scolaires revendiquent un statut pour avoir la possibilité d’exercer en libéral » et que « cela leur permettrait de donner des consultations ». 

 

 

Trouvant la sous-information et la confusion grossières, il m’appartient par mon implication passée et parce qu’il s’agit de l’arrêt BERLIN (N° 121 683 et suivants) pris par le Conseil d’État le 7 avril 97, de rappeler que ce n’est pas le statut de psychologue qui permettrait aux psychologues scolaires de prétendre au titre de psychologue et de pouvoir dès lors en exercer la profession libérale. Cette possibilité existe déjà de droit du fait de la loi réservant leur titre et du fait des dispositions de 1936 permettant aux membres des établissements  d’enseignement d’exercer la profession libérale qui découle de la nature de leurs fonctions.

 

 

La requête par laquelle le Conseil d’État m’a fait droit consistait à faire annuler une interdiction fondée sur l’idée fausse selon laquelle les psychologues scolaires ne seraient pas psychologues, au regard de ce titre et de cette profession, puisque l’éducation nationale, confondant à tort grade et fonction, les considérait comme des enseignants.

 

 

C’est précisément le contre-sens induit par l’illogisme du maintien de ce paradoxe maison qui, sans pour autant fonder à dénier socialement et juridiquement titre et identité professionnelle de psychologue, conduit néanmoins à entretenir toute une série d’effets pervers confusionnels résultant de l’administration détournée d’une profession, niée dans le sens de sa différence, comme si elle en était une autre…  

 

 

J’ai passé plus d’une vingtaine d’années de ma vie, à titre personnel puis à des fonctions de responsabilités départementales et nationales du SPEN[1], à essayer de faire entendre l’intérêt public de marquer symboliquement la réalité de cette différence par un statut correspondant. Il s’agit de garantir ainsi que cette part intime et profonde d’humain à qui chacun sait pourtant bien au fond de lui, même dans l’éducation nationale, que le psychologue a pour fonction sociale de donner la parole et de favoriser l’analyse à titre d’issue à ce qui ne va pas, ne soit aussi laissée stérilement en plan à travers le rejet de sa place ou sa domestication scolaire.

 

 

Qu’y aurait-il au fond d’inacceptable, de blessant ou de surprenant à ce que des psychologues, assumant de l’être selon l'identité professionnelle de leur titre légal et soucieux d’assumer leur place et leurs responsabilités professionnelles, veuillent un statut de psychologue pour traduire et garantir le respect de la dimension psychologique privée de l’homme, avec laquelle ils travaillent par celui de l’indépendance de leur profession?  Est-ce si difficile de s’y ouvrir pour en admettre la logique, la cohérence et l’intérêt?

 

Qu'il soit une bonne fois pour toutes enfin bien clair pour les services académiques que ce n'est pas pour devenir et être psychologues que les psychologues "scolaires" revendiquent un statut ... de psychologue. C'est bien parce qu'ils sont déjà psychologues qu'ils revendiquent le statut correspondant à leur titre et profession.

 

 

Veuillez agréer, Monsieur l’inspecteur d’académie, l’expression de mes sincères salutations. 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

                                                                                                                              M. Berlin

 


[1] SPEN : Syndicat des Psychologues de l’Éducation Nationale crée en 1975 est membre de l’Association Nationale des Organisations de Psychologues (ANOP).


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Commentaires: 1
  • #1

    Bertrand Langlois (mardi, 29 mars 2016 15:59)

    Bravo! Voilà qui est dit! S'ils n'ont pas entendu c'est qu'ils sont complètement bouchés dans cette administration.