Rien ne doit dépasser. Je "même" trop!


Une pensée unique à mettre au pas sous uniforme?

 

Violence à l’école ?

 

Pour bien situer et relativiser ce fait, il importe de savoir qu'il date des années 90. Le hasard faisant assez souvent bien les choses, il se trouve qu'en fin des années 90, alors que je n'étais plus psy dans les écoles, mais en CMPP et en cabinet tout en étant toujours syndicaliste et ancien responsable national, j'ai eu l'occasion de rencontrer cet IA en Avignon avec mes collègues de Vaucluse qui m'y avaient invité. C'était un 13 juillet...la veille du 14, commémoration de la prise de la Bastille. Devant un discours partisan et borné, bardé de certitudes quasi religieuses et de moralisations surmoïques insupportables, j'ai dû quitter la délégation au bout de 5 minutes pour marquer symboliquement le coup et restaurer notre dignité identitaire d'une part et pour éviter secondairement, il s'en est fallu de très très peu, un "regrettable malheur" (retenez-moi ou je fais un malheur comme on dit), ... Malheur aussi pour les collègues et l'image de mon syndicat. Et c'était quand même la première fois que ça m'arrivait. Et ce brave grand prêtre-soldat d'un pédagogisme conquérant et généralisé, par ailleurs, je l'ai appris plus tard par Internet, maître d'une confrérie où la "Raison" est érigée en vertu et cause quasi religieuse, s'est retiré dans une petite ville d'une grande région voisine, tout près de là où je vais régulièrement voir ma fille et mes petits enfants...

 

Extrait de la réponse de l’inspecteur d’académie du Tarn à un psychologue scolaire ayant subi une retenue sur salaire pour sa non-participation à une conférence pédagogique sur ... l'histoire et la géographie.

 

 

« Il me parait très important que les psychologues scolaires (ainsi que tous les enseignants intervenant dans le cadre des RASED) soient des enseignants, se perçoivent comme tels et agissent en conséquence.  Cette situation est la garantie pour les élèves en difficulté d’être pris en charge globalement dans une finalité éducative.

 

S’il devait en être autrement, je ne verrai pas l’intérêt de maintenir au sein de l’éducation nationale, et peut-être de la fonction publique, des techniciens qui existent déjà par ailleurs et qui donnent sans doute satisfaction à ceux qui font appel à eux

 


 Remarque :

 

                      Effet de structure, donc du symbolique, très probablement au-delà des effets de résistance personnelle de cet inspecteur face à l'angoisse de division interne que mobilise sans doute en lui la psychologie.  Mais aussi effet interactif des mentalités sur la structure pour maintenir et renforcer le détournement symbolique du sens de la profession de psychologue!

 

                     Effet proprement "réseaux" donc! En effet, les RASED ( réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficultés ) dans lesquels sont inclus les psychologues sont conçus, pensés et administrés comme une structure d'enseignement rattaché à une école et à son directeur, sous l'autorité pédagogique de l'inspecteur de l'éducation nationale de la circonscription. Effet symbolique inducteur de détournement inévitable du sens de la profession de psychologue dans l'éducation nationale donc! (1)

 

                         Ça se passerait presque  de commentaire tellement la caricature est réussie. On ne peut mieux dire le fantasme de la nécessité du "même" annulant toute différence. Le psychologue doit être profilé pour partager la "même" finalité éducative à laquelle il devrait se borner de "servir" au prix, sans doute, de devoir alors renoncer à la finalité proprement psychologique de chacun de ses actes professionnels.  D'après cet inspecteur, comme on le lit, soit il se convertit soit il est excommunié hors du "paradis" de l'éducation nationale.  Et même, encore plus loin, puisqu'il le rejette défensivement ... hors de la fonction publique.

 

                         Peut-on se méfier plus, sur un mode paranoïaque, de l'inconscient. C'est à dire de ce qu' un psychologue non scolairement aseptisé représenterait pour l'école et... pour la "raison scolaire" selon cet inspecteur d'académie. Comme si l'on n'apprenait pas aussi avec le ressort de "ses tripes" ... pulsionnelles. C'est à dire par désir. L'institution tendrait-elle à se comporter comme un Moi hypertrophié? Le Moi, selon Lacan, est cette instance de méconnaissance qui tend à s'hypertrophier sur un mode paranoïaque en rejetant à l'extérieur tout ce qui diffère, n'est pas lui. Ce qui lui fait dire à l'inverse du "je pense donc je suis" de Descartes, "je pense ou (bien) je suis" ce qui revient à dire cette chose très désagréable pour la suffisance du Moi  qui pense et rationalise : "je suis là où je ne pense pas".

 

 

                         Car, si des psychologues devaient se prendre pour des enseignants, avoir une finalité d'enseignement et se percevoir comme tels de la place où ils opèrent, comment pourraient-ils alors encore être ... psychologues pour en exercer la fonction? Ceci serait-il en fin de compte la ... "finalité" défensive de cela? Ou comment neutraliser et détourner un psychologue en le "pédagogisant"... Mise au pas comme l'UN. Totalitarisme scolarisant!

Tous UNIS commme un SEUL homme! Or, si la marche au pas fait peut-être la force des armées, est-il si sûr que la marche au pas pédagogique fasse celle de l'éducation nationale, surtout si on veut aussi l'appliquer à des psychologues ...

 

                          Enfin, prendre des psychologues pour de simples "techniciens" est profondément réducteur. C'est méconnaître la fonction de conception autonome et d'analyse du psychologue au travers de la mise en jeu de sa propre subjectivité en écho à celle de l'autre avec qui il est en relation et surtout au travers de son élaboration (parfois lente et non linéaire) après coup. C'est le déposséder de son rôle et de sa place symboliques pour le cantonner à un rôle de technicien qui appliquerait seulement une technique.... C'est proprement déqualifiant et méprisant. Tentative de se rassurer sur sa position dominante en rabaissant l'autre?

 

                         (1) Remarque actuelle en 2015

On voit bien du coup que même la création d'un statut de psychologue dans l'éducation nationale censé se mettre en place dès 2017 risque fort de ne pas pouvoir rectifier le détournement de sens de la profession de psychologue propre à cette institution très rigidement "maîtrisante", si comme cela semble s'annoncer, les nouveaux psychologues du corps des psychologues de l'éducation nationale recrutés à bac plus six (après et non pas avant) un DESS de psychologie (pardon, on doit dire maintenant Master 2 et c'est "rétrogradé" en second cycle) et une année de formation supplémentaire spécifique, restent inclus dans les Rased (structure pédagogique rattachée à une école et placée sous la responsabilité d'un IEN) et donc ainsi encore détournés symboliquement et administrativement sous l'autorité hiérarchique (à formation et compétence pédagogique) des IEN...comme les enseignants!

 

Non seulement leur grille indiciaire reste inchangée par rapport aux corps enseignants malgré un niveau de recrutement à bac plus six différent, mais encore sont-ils plus ou moins neutralisés en tant que psychologues par une inclusion dans des réseaux pédagogiques et une subordination tout aussi pédagogique aux inspecteurs de circonscription... A part celui de satisfaire certains pouvoirs de corps d'inspection et peut-être certaines centrales syndicales ménageant quelques jalousies corporatives ici et là quel en est l'intérêt?

 

                                                                                                                         Michel Berlin

 

 

 

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