Ouverture du congrés d'Avignon du SPEN

 

OUVERTURE DU CONGRES EXTRAORDINAIRE DU SPEN

A  AVIGNON

 

Mesdames, Messieurs, Mes chers amis,

 

 

Chers collègues et compagnons de lutte pour l’indépendance et la désaliénation de notre profession de psychologue.

 

Au nom de la section de Vaucluse qui, sans l’organiser, a apporté avec la section voisine du Gard sa contribution à la logistique du congrès et au nom de Monique Surtel sa secrétaire départementale qui m’a fait l’honneur de me charger de cette tâche, sans doute en ma qualité honorifique d’ancien secrétaire départemental et national, je vous souhaite la bienvenue en Avignon et vous remercie de votre présence dans notre belle cité.

 

Les instances dirigeantes du SPEN nous font le plaisir et le grand honneur d’organiser en Avignon le Congrès Extraordinaire de notre syndicat.  Son caractère extraordinaire en indique l’importance pour notre histoire et nous l’espérons tous pour l’avancée de la cause qui nous rassemble et nous mobilise. Vous noterez que nous sommes certes juste à côté, mais néanmoins en dehors des remparts et du chemin de ronde. Est-ce un signe?

 

Avignon est aussi un carrefour. Un adolescent que je recevais me rapporta un jour qu’il était né en Avignon parce que c’est là qu’avait abouti l’impasse irrésolue de ses parents venant d’Angleterre à trancher entre la satisfaction du désir de l’un d’aller en vacance en Espagne et de l’autre en Italie. C’est ici en Avignon que les TGV se séparent nécessairement en effet… pour qui veut aller plus loin.

 

Jusqu’à présent et depuis bien des années maintenant les congrès du SPEN ont toujours évité la division d’avoir à trancher pour le choix de l’intégration d’une plus grande organisation syndicale entre l’axe de notre profession (un syndicat de psychologues) ou celui de notre employeur (une fédération de l’enseignement). Aujourd’hui, en Avignon, nous n’allons pas, je l’espère vivement,  comme les parents de cet adolescent, y rester pour ne pas trancher, mais peut-être y aura-t-il aussi naissance. Garderons-nous le penchant nostalgique pour les châteaux en Espagne inhospitaliers que certains avaient cru entrevoir au congrès de Nîmes (celui de mon départ du CA) ou allons-nous résolument nous engager enfin dans l’acte symbolique, valant mutation, de franchir le Rubicon pour fonder tous ensemble une grande organisation de psychologues tout court, transversale aux champs d’exercice, comme devraient pouvoir l’être les pratiques selon un véritable libre choix éthique des démarches et des modèles théoriques qui les sous-tendent.

 

Je suis persuadé, depuis mon entrée au SPEN en 1978 - et  je n’ai cessé de l’écrire et le dire depuis - qu’il s’agit là, enfin, par cet acte de mutation hautement symbolique, de marquer une claire volonté d’identité et d’indépendance professionnelles. Il s’agit là de nous donner les moyens et la force socio-juridique de ne plus laisser détourner, domestiquer, instrumentaliser le sens et l’usage institutionnel de notre profession et à travers elle cette part subjective proprement humaine qu’elle prend en compte et mobilise comme étant ce qu’il y a de plus privé, précieux, dynamogène et singulier au cœur de l’homme? C’est à dire sa subjectivité et sa parole. Toutes choses, comme le disent et le savent les psys, hélas par les temps qui courent, quasiment « forcloses », sans place assignable, dans les logiques socio-politiques, administratives, économiques ou scientifiques des fonctionnements institutionnels. Celles-ci sont des logiques de pouvoir, fondées précisément sur la mise de côté de ce qui souffre et fait défaut en chacun des humains, mais sur quoi et avec quoi travaillent les psychologues. 

 

Voilà peut-être pourquoi, dans l’école, une rengaine hors du temps, répète inlassablement à l’unisson, comme des tourniquets à prières conjuratoires, que le psychologue s’y doit d’y être et rester « scolaire », sans se prendre pour un psychologue venu de l’extérieur, parce qu’il serait enseignant et devrait continuer à se considérer comme tel.

 

J’espère que chacun entend bien la part de passion hégémonique de ce discours courant … depuis des lustres sans le moindre infléchissement.

 

N’est-il pas insensé de vouloir des psychologues qui ne le soient pas et qui, dans leur travail de psychologues, se prendraient pour des enseignants ? Comment ce travail pourrait-il encore être un travail de psychologue et en avoir les effets? Quelle garantie dès lors donner à l’usage d’un titre professionnel que la loi de 85 a voulu réserver pour protéger les usagers contre des charlatans, si c’est pour l’exercer sous tutelle pédagogique dénaturante, d’une autre place et selon une autre démarche?



Détourner des psychologues dans l’identité d’enseignant et les administrer sous ce statut professionnel est une atteinte à l’ordre symbolique.



Ça participe de l’atteinte à la fonction symbolique paternelle et des dérives confusionnelles avec perte de repères qui en découlent dont notre société subit les effets symptomatiques sous forme de montée de la délinquance et de la violence, ainsi que des intégrismes contra dépressifs, des phénomènes de sectes ou des exclusions.

 

Chacun a pu constater que ce que le quidam du café de commerce repère en trente secondes les normaliens supérieurs de l’inspection générale, et les énarques du gouvernement et des cabinets ministériels semblent ne pouvoir en avoir depuis des années aucune intelligence. Est-ce une trop grande suffisance qui mettrait des œillères à leur esprit pour conserver un ordre monolithique que la psychologie pourrait venir déranger?

 

Avec la section de Vaucluse, puis plus tard au défunt C.A. et au Bureau National, pour le bref passage qu’on sait, j’ai trouvé dans le SPEN et par le SPEN le lieu et le moyen de tenter de me remettre debout avec vous, mes camarades psychologues. Nous avons dû ainsi nous mobiliser pour faire face au choc sidérant du détournement domestiquant que le ministère de l’éducation nationale a mis en place début 90 avec sa logique réseaucratique d’annexion et de scolarisation pédagogique de la psychologie et des psychologues par l'effet pervers d’un diplôme maison : le DEPS. Celui-ci, que nous n’acceptons toujours pas, fut sournoisement concocté au rabais et propre à une seule institution, mettant en dérive l’esprit de la loi de 85 avec bien des complicités et des laisser-faire non désintéressés.



Quoi qu’on puisse en rationaliser pour le justifier ou s’en accommoder, il reste un mauvais coup porté à toute notre profession. Car s’il est injustement inférieur aux diplômes de recrutement de tous les autres psychologues, il se révèle que c’est bien pour servir d’alibi au maintien d’une sous-psychologie d’ordre scolaire voulue au départ, ainsi mise au pas, exclue de son champ professionnel.

 

La logique inacceptable qu’il traduit divise et fragilise ainsi l’indépendance et l’unité du niveau de toute notre profession que la loi de 85 visait pourtant à affirmer et renforcer. Il est produit et source de désordre symbolique et de confusion puisqu’il permet l’usage du titre d’une profession qu’il nie par ailleurs dans son identité non enseignante, du fait qu’il n’implique pas, comme le font par exemple les diplômes d’assistant social, d’éducateur, d’infirmier, d’ingénieur, ou de médecin, l’appartenance statutaire à un corps professionnel correspondant.

 

La logique de ce diplôme et du statut d’enseignant qui en découle parle d’elle-même. Elle est fermée et défensive pour pérenniser le caractère "entier" d’une institution où tout doit marcher d’un même pas, pédagogique…en se dispensant ainsi de l’enrichissement dynamisant de ce qui, en elle, est Autre et diffère.



Je laisse chacun aux évocations psychologiques et historiques qui lui viennent à ce propos…

 

Pour mes collègues et amis, présents, passés ou à venir de Vaucluse je me dois de rappeler ici que c’est à plus de 90% d’entre nous, syndiqués ou non, que nous nous sommes levés à de multiples reprises alors, notamment auprès du Conseil d’État. Nous avons dit non à cette manœuvre inacceptable d’une mise à un pas qui n’est pas le nôtre. Nous en accusons toujours le choc et en payons quotidiennement les effets dans les graves atteintes aux garanties d’indépendance professionnelle dont la loi devrait nous permettre de faire bénéficier nos usagers en ce qui concerne la prise en compte de leur qualité de sujet ainsi que le respect élémentaire de leur liberté et de leur vie privée.

 

Administrer l’exercice de la profession de psychologue comme s’il s’agissait d’une fonction enseignante c’est la dévoyer de son sens pour la stériliser.

 

C’est inacceptable et inefficace.

 

Aussi, j’espère que les travaux de ce congrès extraordinaire vont nous permettre de devenir syndicalement plus forts en nous unissant entre psychologues pour la (re)conquête d’une indépendance professionnelle qui nous est indispensable à éviter d’être subordonnés par les pouvoirs en place comme simples instruments et collaborateurs d’une technicité paramédicale ou para pédagogique dont le sujet muselé serait réduit à être l’objet.

 

  C’est là une cause qui me tient à cœur comme psychologue, syndicaliste et citoyen.

 

Il est grand temps que l’éducation nationale s’ouvre à recruter de façon interne et externe des psychologues au moins titulaires de DESS de psychologie, pour que ces psychologues identifiés et nommés comme tels aient vraiment pour fonction de l’être.  Tout autant en se mettant à l’écoute des enfants et des jeunes dont on déplore le malaise grandissant, qu’en exerçant, comme dans toutes les autres institutions, une fonction attendue de régulation et de soutien des équipes d’enseignants et de personnels médico-sociaux de plus en plus douloureusement confrontés à des situations difficiles voire intenables.

 

 

En vous remerciant de votre attention et en vous souhaitant un bon travail, je vous invite à y penser.

 

Je passe la parole à Monique Surtel pour ouvrir ce congrès extraordinaire

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                            Michel Berlin


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