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Porter la parole à naître

COLLOQUE ACF -VOIE DOMITIENNE DE NIMES - JUIN 96

 

 

 

 

PORTER LA PAROLE A NAÎTRE, DE L’IMPASSE AU PAS DU JE INTER-DIT

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ARGUMENT

 

« L’inconscient se ferme en effet pour autant que l’analyste ne porte plus la parole, parce qu’il sait déjà ou croit savoir ce qu’elle a à dire. Ainsi, s’il parle au sujet qui au reste en sait tout autant, celui-ci ne peut reconnaître en ce qu’il dit la vérité naissante de sa parole particulière ». Lacan

 

Ce dire de Lacan (Variantes de la cure type) viendra  pour nous faire ouverture et rebond.

 

Lacan nous rappelle que la « réponse » que Freud donnait au sujet ne faisait pas suture, car elle ne relevait ni de l’imitation ni de la délivrance de docte savoir analytique constitué, mais d’une position qualifiée plus loin de « docte ignorance ». Cette « réponse » qui, en tant qu’interprétation n’en était pas une « était la vraie parole où il se fondait lui-même ». Ainsi paradoxalement la vraie parole, la parole pleine, celle qui « dans sa valeur de transfert » (de l’inconscient) « se définit à son identité à ce dont elle parle » est -elle symboliquement porteuse de l’articulation du vide d’une béance transmissible qui creuse et croise la cause d’un désir, alors que  la parole vide, celle du moi seul, est porteuse de la fixité répétitive d’un trop plein de savoir qui bouche et tend à suturer le désir.

 

Il s’agit donc pour l’analyste, depuis la brèche métaphorisante que creuse l’adresse de son fauteuil au croisement de son « désir d’obtenir la différence absolue », de « porter la parole » du sujet en vue d’en permettre la naissance comme raté d’une re-trouvaille de l’objet perdu dont le reste fait cause et manque à être. Car de par la coupure introduite par l’entrée du signifiant dans un réel à qui rien ne saurait manquer, la rencontre avec l’objet, cette part dont le sujet entré dans la mort individuelle et la sexualité s’est séparé, est une rencontre toujours manquée. Elle devient la cause d’une relance de la parole, dont l’inconscient et son sujet sont l’effet, et vaut comme cause perdue.. Cette perte fait manque et devient phallus symbolique qui s’échange comme don de parole et vérité mi-dite, dans l’enchaînement d’un je(u) inter-dit des signifiants, noué au trou d’un manque qui fait  « cause commune » à défaut de faire corps et « commune mesure » selon l’expression d’Hervé Castanet.

 

Effet pour Lacan  (séminaire II) d’un  ordre symbolique « muet » « en gésine » mais « insistant pour être réalisé », l’inconscient est de l’ordre du non réalisé à venir au passage inter-dit de l’articulation littérale comme nous le verrons dans la clinique. L’acte de parole porte à lien inter-dit (« inter-je » dit Lacan) avec la vérité naissante.

 

 L’analyste porte la parole de l’analysant par un silence d’abstinence et un dire interprétatif de maintien de l’ouverture créatrice là où le discours se clôt sur le symptôme et où une réponse suturante, mais frustrante, est appelée dans le cadre du dispositif de la cure. Mais n’a-t-il pas aussi à porter publiquement sa parole comme transfert de travail du manque qui la cause et transmission en extension d’une expérience de vérité fondée sur le pouvoir fécondant d’une aporie de structure?

 

Car porter la parole hors fauteuil, c’est aussi, à la rencontre d’un indicible réel, laisser revenir le vide d’un perte, la blessure d’un manque à être et laisser s’opérer l’oubli de la chute de quelque chose de soi, pour l’advenue métaphorique du petit pas d’un dire nouveau qui, pont singulier jeté sur une béance à titre de franchissement d’un impossible, fera écho ici ou ailleurs chez un autre et par lequel sera engendré un autre objet métonymique.

 

                                                                                                        

                                                                                                                        

  Michel BERLIN

 

 

 

 

 

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