Logique et éthique psychologique et logique pédagogique des RASED


 

 

LOGIQUE ET ETHIQUE PSYCHOLOGIQUES
ET LOGIQUE PEDAGOGIQUE DES RASED[1]

 

Janvier 1993

 

 

Le SPEN a déjà dénoncé à plusieurs reprises les multiples effets pervers de la confusion de deux logiques conceptuelles et organisationnelles différentes découlant de la confusion statutaire de deux professions : celle de psychologue et celle d’enseignant.

 

Pour l’heure, cabinet et direction des écoles font la sourde oreille, minimisent ou nient ces effets pervers et le détournement des pratiques sur le terrain, par mise d’une logique au pas de l’autre. Faute de reconnaissance administrative statutaire de notre place et de notre rôle de psychologue, il n’y a pas de garantie de l’exercice véritable de notre profession selon sa logique et son éthique dans l’éducation nationale.

 

L’analyse des instructions dont le SPEN demande la totale refonte pour ce qui concerne statut, formation et missions des psychologues, ainsi que toutes les analyses et informations qui remontent de nos sections, montrent avec évidence les dérives locales d’une gestion bureaucratique et déshumanisante de psychologues détournés de leur éthique et démarches professionnelles par leur mise au pas pédagogique et administratif

 

Des dérives locales qui « en rajoutent » par rapport aux dispositions nationales, en contournant ou niant que la logique d’une mission de psychologue ne peut se ramener à celle de l’organisation de spécialités pédagogiques obligatoires, ni dès lors, s’exercer sur simples « signalements » administratifs ou ordonnances magistrales, hors demande (et donc désir mobilisateur) consultative des intéressés eux-mêmes.

 

La loi et la règlementation doivent pouvoir permettre de délimiter et garantir plus clairement un place propre à la profession de psychologue et à ce qu’elle représente de prise en compte et de réalisation de la dimension intérieure proprement humaine.

 

En attendant, puisque Cabinet et Direction des Écoles, alertés et sollicités, n’ont pas voulu intervenir auprès des inspections académiques pour faire jouer les dispositions existantes en vue de remettre un peu les choses en ordre, signant par là qu’ils couvrent et encouragent implicitement voire en sous-main, les détournements subis, chaque psychologue doit s’engager à s’appuyer sur la production des références et analyses suivantes pour se soutenir et s’autoriser d’une éthique et démarche de psychologue.

 

1 - Les RASED ne concernent pas l’aide et le suivi psychologiques du ressort des psychologues.

 

En effet, l’organisation et la mise en œuvre de l’aide psychologique, ne dépend pas strictement de celles énumérées dans les dispositions relatives aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, du fait même que cette énumération se borne aux aides à dominante pédagogique et à dominante rééducative seulement, sans mentionner et donc comprendre l’aide psychologique du ressort de l’action du psychologue et de sa mission.

 

2 - Obligation règlementairement établie du respect des limites des domaines de compétence de chacun des intervenants.

 

Les modalités d’analyse et de « traitement » psychologique d’une situation humaine, sont donc du ressort du psychologue et des intéressés eux-mêmes pour ce qui concerne la mise en œuvre, le contenu du déroulement, l’évaluation interne et la décision d’arrêt. Ces interventions, prises en charge et arrêts, parce que psychologiques, ne peuvent s’imposer de l’extérieur ni résulter d’une prescription administrative, pédagogique ou médicale, comme « listes de signalements », réunions préalables d’équipes techniques ou pédagogiques, « tableaux de bord prévisionnels », tendraient à l’imposer sur un mode  technocratique.

 

3 - Responsabilité du choix des outils et des démarches dans la diversité des approches et des méthodologies et dans le respect de l’éthique de l’exercice de la profession de psychologue, affirmée dans la circulaire sur nos missions.

 

Le psychologue peut donc faire le choix méthodologique d’une démarche d’écoute clinique visant à permettre par un travail de parole au cours d’entretiens, l’expression, l’analyse et la résolution évolutive de souffrances et difficultés symptomatiques inhérentes à la défaillance et à la division conflictualisée sur laquelle et par laquelle se développe la vie mentale et la subjectivité.

 

Cette démarche, selon l’éthique du sujet, est l’envers d’une démarche pédagogique selon l’éthique du maître, puisqu’elle ne fournit aucun objet ni aucun modèle identificatoire et puisqu’elle n’alimente pas le désir ni l’esprit selon une logique éducative. A travers et par la DEMANDE (qui peut prendre la forme d’une demande d’aide ou de savoir) et son insatisfaction (car rien ne pourrait la satisfaire totalement), il s’agit de donner la parole au sujet inconscient du manque (de l’objet primordial perdu à tout jamais qu’il s’agit de symboliser notamment en quête de savoir) et de lui permettre de se réouvrir ainsi au je(u) des investissements, culturels et scolaires notamment et de surcroît. C’est ce à quoi invitent les textes sur les « missions ».

 

La démarche psychologique s’inscrit dans une éthique du Sujet et suppose dès lors une organisation différente et spécifique, adaptée à sa conceptualisation, qui ne renforce pas la névrose et qui, pour ce faire, ne prend plus les personnes ni pour leur OBJET, ni pour leur REFLET en préservant tout autant leur autonomie que le secret de l’intimité de leur vie privée.

 

L’intervention du psychologue, même en institution publique et sauf à y perdre sa substance et son efficace même, ne saurait s’organiser comme s’il s’agissait de relations pédagogiques ou de l’exercice d’un pouvoir administratif sur des personnes.

 

Rien ne fonde donc à empêcher qu’elle ne prenne la forme institutionnelle d’un service de consultation publique au service du public en accueillant la demande des intéressés placés en position de Sujets qui viennent chercher une ECOUTE psychologique et un lieu de parole, soit un lieu d’évolution psychique.

 

Le psychologue peut donc faire le choix méthodologique clinique d’annoncer qu’il se tient à la disposition des familles qui s’adressent à lui ou lui sont adressées. Et qu’ainsi, il n’intervient auprès de l’enfant que dans le cadre d’une démarche consultative de leur part.

 

Cette démarche d’écoute et d’aide psychologique exclut que l’enfant soit considéré comme un objet de signalement, d’observation, de traitement ou d’examens psychologiques à la seule demande des maîtres ou de l’administration, si cette demande n’est pas aussi celle de l’enfant lui-même et de sa famille.

 

Toute chose qui, pourtant inhérente à la nécessaire prise en compte de la séparation entre « moi » et  « l’autre », fonde la possibilité d’une relation intersubjective et donc d’un travail et d’une évolution réellement psychologiques.

 

Séparation difficile à admettre pour qui veut diriger ou gérer la vie d’autrui ... dire à sa place où est son bien ... penser et désirer ... pour lui, le privant ainsi d’accéder à son autonomie subjective par une symptomatologie de maîtrise technocratique de laquelle ne peut que se démarquer et être démarqué tout psychologue digne de ce nom soucieux de respecter le sens de sa profession. Sens, objectif éthique et déontologique desquels personne ne saurait être fondé à détourner le psychologue.

                                                                                                                

                                                                                                                          Michel BERLIN



[1]- Le journal du SPEN - Janvier-février 1993 page 14


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