Oubli ou interdit?

 

 

Un "oubli" à valeur d'interdit?

 

 

Un "oubli" à valeur d'interdit et de rejet du psychologue : l'aide de nature psychologique ?

           

 

             Pour la petite histoire la lettre à François Mitterrand, que vous pouvez lire ci après, date d'avant les circulaires de 90 sur les missions des psychologues scolaires et sur les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficultés. Nous avions eu en main au SPEN les projets communiqués pour observation par le ministère dès la rentrée 89. Ces projets ont été vécus à l'époque comme le choc d'une stratégie délibérée de mise au pas de l'exercice de la psychologie et de sa dissolution pédagogique dans les RASED. Nous voulions les faire modifier par nos remarques, d'où ma lettre.

              Elle relève et dénonce un « oubli »  colossal dans la circulaire sur les réseaux : l'aide de nature psychologique. Rien de moins, puisque cet oubli signifiait notre élimination dans ce qui spécifie notre dimension professionnelle!

 

             En effet toute intervention du psychologue dans le cadre de l'exercice de sa fonction est professionnelle et relative à la psychologie car, de par la loi-même de 1985 qui réserve l'usage professionnel de ce titre, elle est "relative à la profession de psychologue". Quelles qu'en soient les composants, entretiens, examens, suivis, réunions,  il s'agit donc de droit dans ce cadre juridique d'une aide de nature psychologique quel que soit le lieu privé ou public dans lequel elle s'exerce.

              Et toute aide de nature psychologique vise, par diverses méthodes et démarches psychologiques, à soutenir, faciliter, mobiliser, chez la personne partie prenante envers qui elle s'exerce, un travail psychologique en vue de produire des modifications évolutives dans son psychisme.

 

 

                Mais pourtant la circulaire incriminée fixe une seule nature aux aides spécialisées délivrées par les RASED : la nature pédagogique. Dès lors, de cet "oubli" de l'administration centrale, et de son effet de sens induit, la hiérarchie du terrain ne va pas cesser de se sentir soutenue à déraper pour en faire un interdit. Il y a eu comme du dévoiement piloté d'en haut...

 

               En effet cet "oubli" apparait bien dans sa nature d'acte manqué réussissant, comme tout acte manqué, à révéler très clairement le désir des rédacteurs : savoir la neutralisation du psychologue, menaçant d'écorner la "totalité" pédagogique communautaire, dans le système éducatif par sa mise au pas pédagogique. Toutes les relations de cette époque avec la hiérarchie pédagogique tant ministérielle que locale l'indique. Vous trouverez en notes de fin d'article des documents illustratifs de ce désir de scolariser les psychologues pour les soumettre à un autre pas que celui de leur rôle professionnel. Une profession et un rôle que l'école se refusait d'accepter et d'intégrer. Il a été par exemple interdit aux psychologues prétendus "scolaires" d'exercer leur profession en dehors de l'école au motif que les fonctions de psychologues scolaires ne résulteraient pas de l'exercice de la profession de psychologue... On a reproché, en inspection ("pédagogique" (sic)) à des psychologues de ne pas effectuer des activités pédagogiques avec les "élèves" (re-sic) ou de ne pas donner des conseils pédagogiques aux enseignants...alors qu'ils exercent pourtant leur fonction dans le cadre de la loi réservant l'usage professionnel du titre de ... psychologue. Mais cette loi a encore du mal a faire loi pour ... l'éducation nationale de cette époque.

 

               L'aide psychologique figure pourtant bien explicitement dans les missions des psychologues scolaires sous le terme de "suivi psychologique", puisqu'elle y a été ajoutée au dernier moment. Si bien qu'il semble que les deux textes, celui des missions et celui des RASED,  aient été juxtaposés sans être coordonnés. Une sorte de clivage schizophrénique dans lequel nous étions pris, malgré nous. En tant que psychologues nous devions en exercer toute la mission, mais en tant que membre d'un réseau pédagogique nous n'aurions plus eu "le droit" de le faire parce qu'elle sortait du cadre  fixé seulement "pédagogique"

 

               Et sur le terrain cet "oubli" était interprété comme un interdit générateur de désordres et de conflits sans fin parce que les psychologues étaient considérés avant tout comme des enseignants qui ne devaient pas être psychologues.

 

               Comment fonctionner avec cohérence et efficacité dans ces conditions incohérentes voire contradictoires? 

 

                Les RASED apparaissaient ainsi avoir été pensés et conçus sans psychologues véritables qui exerceraient la psychologie. Les dispositions relatives aux aides pédagogiques sur ordonnance, dans le cadre de l'obligation scolaire,ne s'appliquent pas à l'exercice de la psychologie. Celui-ci, d'une autre nature, ne s'inscrit ni selon la même éthique ni selon la même logique d'obligation. Il s'effectue seulement dans le cadre d'une demande, de son analyse et de sa mise au travail de parole.

                   François Mitterrand était déjà malade et était sans doute sensible au soutien d'une écoute psychologique. J'ai appris par la suite qu'il en bénéficiait lui-même à titre de soin palliatif. Pour autant, l'aide psychologique n'a pas été ajoutée en 1990 aux aides pédagogiques mentionnées dans les RASED.  Elle a en revanche été ajoutée à la circulaire sur les missions des psychologues un peu plus tard. Bref : contradictions structurelles de deux textes et donc problèmes de terrain incessants. Ubuesque!

 

                  Si l'aide psychologique constituée en droit par l'ensemble de l'activité du psychologue ne peut s'effectuer qu'à l'extérieur des réseaux, quelle activité peut donc exercer le psychologue enfermé dans son réseau? De qui se moquait-t-on?

 

                  L'aide psychologique "oubliée" ne sera inscrite qu'en 2003 dans la circulaire qui viendra abroger celle de 90.

Et seulement en partie pour ce qui concerne le "suivi psychologique", comme si tout le reste, entretiens avec les familles, les enseignants, les rééducateurs, travail avec les équipes, examens, ne constituait pas, n'avait pas pour but ni pour effet la seule aide du ressort de l'exercice professionnel du psychologue : l'aide psychologique. Quoi d'autre?

 

                  D’où tensions et malentendus.
                                                                                                            MB

 

Ci-dessous quelques documents illustratifs de cette mise au pas pédagogique

 

Article sous ma signature paru dans le journal du SPEN de mai-juin 1993 page 9
Article sous ma signature paru dans le journal du SPEN de mai-juin 1993 page 9

Rapport d'inspection pédagogique d'un psychologue - Si l'EN avait demandé l'évaluation d'un charcutier aurait-il été reproché qu'il n'y ait aucune découpe de viande....
Rapport d'inspection pédagogique d'un psychologue - Si l'EN avait demandé l'évaluation d'un charcutier aurait-il été reproché qu'il n'y ait aucune découpe de viande....
Reponse de l'IA au recours du psychologue
Reponse de l'IA au recours du psychologue
Double archivé de la protestation du SPEN proposé par la commission contentieux dont je faisais partie avec André Ginel qui en était le responsable
Double archivé de la protestation du SPEN proposé par la commission contentieux dont je faisais partie avec André Ginel qui en était le responsable

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