Vers une chaine hiérarchique des psychologues?

                Une bonne nouvelle découverte ce soir à la lecture du site du SNP (1). Ce syndicat soutient l'idée de la nécessité d'une chaine hiérarchique de psychologues, pour ne pas laisser cette place vide occupée par d'autres professionnels dans les structures de pouvoir des institutions.

 

                 On sait la légendaire réticence  des psychologues à être chefs d'une part et à accepter l'idée d'un chef ou responsable qui serait psychologue d'autre part. Jusqu'à présent, de façon à mon avis quelque peu infantile sur ce point, ils préféraient dépendre d'autorités incompétentes en psychologie....qui ne pouvaient précisément faire autorité dans leur domaine. Ils pensent probablement mieux pouvoir composer avec cette situation bancale. Disons le carrément, ne s'agirait-il pas de croire pouvoir ainsi ménager des petits bouts de jouissance hors castration?


               

 

                Du coup, à mon avis, la prise en compte et le traitement de la dimension psychologique étaient voués, soit à être carrément refoulés, soit à être déformés au gabarit de la logique professionnelle, "autre", de ces responsables non psychologues. Il y avait bien souvent, dès lors pour ces raisons structurelles, dépenses inutiles d’énergie de part et d'autre dans  l'équilibre immobile d'une certaine stérilisation des actions des uns et des autres.

 

              Mon expérience syndicale passée dans l'éducation nationale m'en a fortement convaincu. Un chaîne hiérarchique de psychologues pour encadrer et représenter les psychologues à tous les échelons du pouvoir est nécessaire pour pallier les "oublis" et les "détournements" au gabarit du pouvoir pédagogique qui occupe ces places. Il doit en être de même dans la Santé pour pallier le risque de paramédicalisation au lit de Procuste du pouvoir médical ou ... même paramédical.

 

             Mais, prudence, il s'agit d'un petit pas en avant seulement pour l'heure puisqu'il ne semble être question que du n+1, comme on dit. C'est à dire du premier échelon de responsabilité dans l'établissement.C'est déjà ça.

 

            Mais je pense personnellement, dès lors que l'idée n'est plus diabolisée et fait moins  peur, qu'il faut mettre en place dans chaque institution toute une chaîne hiérarchique constituée de psychologues à même de représenter et garantir le cadre et la singularité des démarches et pratiques de cette profession à tous les niveaux de pouvoir. Au niveau de l'établissement certes, mais aussi à celui du département, de la région et du ministère. Sinon ces places continueront à être occupées ou occultées par d'autres qui continueront de tenter inévitablement alors, selon la réalité d'un mécanisme psychique comparable à celui de la loi de chute des corps le long de la ligne de plus grande pente, à détourner ou neutraliser l'exercice de la psychologie pour se l'approprier et le rabattre dans le champ de leur logique et de leur compétence non psychologiques.

 

         C'est à dire en dehors de celles relatives à l'éthique, au sens et à la singularité des démarches de psychologues.

 

         Du temps des années 90 où j'étais responsable de la commission "statut-formation" au SPEN, nous avions prévus cette chaîne hiérarchique de psychologues dans notre projet de statut particulier, un peu sur le modèle de celui des médecins de l'éducation nationale. Il y avait un conseiller technique psychologue responsable par centre de circonscription, puis par département, puis par académie et enfin des responsables conseillers techniques du ministre au ministère. Espérons que la prochaine mise en place du corps des psychologues de l'éducation nationale par recrutement externe sur la base de tous les masters 2 de psychologie n'évacuera pas la question d'assortir cette création par une réelle autonomie professionnelle que garantirait une réelle hiérarchie propre de ce nouveau corps professionnel.

 

       Car n'oublions pas que si le législateur a voulu réserver l'usage professionnel du titre de psychologue, c'était précisément à titre de garantie pour le public concerné contre ses risques de détournement et de mésusages....

 

      Or si la garantie par la formation et la qualification de l'usage d'un titre devait dépendre "in fine" de cadres administratifs, pédagogiques, médicaux ou autres qui n'offriraient pas cette garantie, il s'agirait alors d'un simple coup d'épée dans l'eau.

 

       Le législateur serait trompé et le public leurré.

 

 

Remarque :

 

                 A mon sens, l'absence de hiérarchie propre pour la profession de psychologue, interagit avec la difficulté de cette profession de s'inscrire socialement et administrativement de façon unitaire comme telle.

 

                 Je n'en veux pour preuve que le caractère hétéroclite de son classement INSEE, non pas selon la logique de l'usage professionnel d'un même titre, mais selon l'incohérence de ses champs d'exercice, comme si ces derniers déterminaient une nature différente à de mêmes pratiques professionnelles. sauf à ce qu'elles soient mal constituées  comme telles de façon unitaire.

 

                Ainsi par exemple examinons le fatras des classements INSEE de l'exercice d'une même activité professionnelle de psychologue.

 

              L'activité des psychologues cliniciens exerçant dans un but d'effet thérapeutique est classée : 86.90F.

             Celle des psychologues libéraux auprès des personnes, mais sans but ni effet thérapeutique : 96.02

             Celle des psychologues scolaires ou conseillers d'orientation-psychologues : 343a  

(Il s'agit soi-disant de "psychologues spécialistes de l'orientation scolaire et professionnelle, Psychologues, salariés ou indépendants, jouant un rôle d'orientation, de conseil, le cas échéant de dépistage d'inadaptation, en milieu scolaire essentiellement, comme si les fonctions dévolues d'écoute ou de suivis ne produisaient pas d'effet d'évolution ou de réorganisation psychique, donc d'effet psycho-thérapeutique...  C'est là méconnaître complètement ce que le chargé de classement classe selon l'image de ce qu'il en .... imagine "lui")

             Celle des psychologues "chargés du recrutement des personnels" : 78.10Z

 

            Le point de vue incohérent de ces classements n'est pas psychologique, mais comme on le voit le simple reflet "capricieux" de la pensée de celui qui classe en fonction du secteur d'activité et des objectifs supposés professionnels de ces secteurs, qu'il perçoit ou imagine comme tels : pédagogiques, informatifs ou soignants. Alors que la dimension psychologique, sa prise en compte, son analyse et son ... traitement, soit ce qui constitue le sens de la profession de psychologues, sont pourtant les mêmes partout de l'ordre du "prendre soin par le psychisme à effet et but de modification évolutive du psychisme".

 


Remarque encore:

 

            D'ailleurs l'INSEE nous prévient. Il nous invite à faire toutefois attention , car "ses" classements, parfois en effet surprenants, voire à mon avis"farfelus", dans leur logique et leur sens, ne sauraient servir juridiquement ...de droits ou d'obligations. (En effet par exemple les psychologues de l'enseignement sont classés dans la série 300 comme les professeurs, donc dans la série des fonctions enseignantes et les psychologues cliniciens sont classés, eux, dans la série 96 comme des personnels paramédicaux donc dans la série des personnels de santé qui sont des auxiliaires médicaux..)

           

           Car si ce classement ne correspond certes pas au droit, il ne correspond pas plus aux pratiques professionnelles des psychologues qui restent partout des pratiques de psychologues relatives à une même et seule profession constituée par l'usage d'un même titre.

 

           Alors si ça ne sert ni de droit ni d'obligations, si c'est en dehors du sens véritable des pratiques et que ça n'engage pas la responsabilité éclairée de celui qui classe... alors,  c'est que ça sert peut-être à seulement conforter l'imaginaire de celui-ci, non? A moins que, là aussi, en cherchant bien les dessous de cet émiettement on ne finisse par trouver quelques conflits d'intérêts? Une certaine profusion des formations et découpages universitaires par champ d'exercice et non pas par grandes théories et pratiques transversales de la psychologie ( clinique, systémique, cognitive, développementale, sociale, expérimentale) par exemple...

 

           Peut-être alors que quand la profession se sera constituée en une seule organisation de type Collège des Psychologues de France, par exemple, aura-t-elle "son" mot à elle, à dire la-dessus pour un classement plus cohérent et respectueux du sens de ce dont il s'agit.

             

        

               

 

 

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