Est-ce vraiment des psychologues pour l'analyse et le traitement évolutif de la dimension psychologique qu'on veut dans l'éducation nationale?

Des psy qui écoutent, analysent et mettent l'esprit au travail d'évolution ou des psycho-pédagogues qui évaluent, notent, éduquent, guident et enseignent?
Des psy qui écoutent, analysent et mettent l'esprit au travail d'évolution ou des psycho-pédagogues qui évaluent, notent, éduquent, guident et enseignent?

                     

                                                   Ainsi l'éducation nationale s'acheminerait-elle aux dernières nouvelles vers la mise en place d'un corps de psychologues réparti en deux spécialités commutables correspondant à deux formations complémentaires à leur recrutement au master 2 de psychologie les habilitant à l'usage professionnel du titre de psychologue réservé par la loi de 85. Il s'agirait des soi-disant "spécialités" intitulées :" Éducation, développement et apprentissages" pour le premier degré et "Éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle" pour le 2nd degré.

 

                                                  Et bien ce que je redoutais plus ou moins ne manque pas de sembler devoir se produire. Nous sommes en mai  2015 et je viens de lire sur Internet l'annonce de la position du ministère selon laquelle le corps des psychologues de l'éducation nationale en cours de mise en place serait divisé en deux "métiers" (Comme s'il n'y avait pas légalement qu'une seule et unique profession de psychologues représentée par son titre promulgué par la loi 85-772 du 25 juillet 85). Ces deux "métiers" (sic) se répartissent en gros sur les deux "territoires" de pouvoir dans l'éducation nationale. Le premier et le second degré. On a voulu y référencer l'exercice professionnel de la psychologie, non pas logiquement à la psychologie elle-même comme discipline universitaire ayant son corpus de connaissances, ses démarches et méthodes professionnelles d'analyse et de mise en mouvement évolutif et reconstructif du psychisme de façon propre et autonome, mais à l'enseignement, à l'éducation et à ses territoires de pouvoirs pédagogiques et syndicaux.

 

                                              Comme si devant la perspective trop inquiétante de donner réel statut au sujet ouverte par la création d'un statut de psychologue tout court dans l'école, il fallait encore recouvrir ces futurs psychologues de l'éducation nationale du "voile" "maison" aseptisé de "psychologue de l'éducation" formés en une psychologie à part?

 


                        

 

                            Ainsi par le rejet incantatoire du signifiant de la dimension exclusivement psychologique de pratiques... pourtant professionnellement ... psychologiques, la justification paradoxale de cette formation spécialisée en école de professorat et non pas en UFR de psychologie serait-elle peut-être ainsi escomptée être mieux ..."justifiée"? Et ceux qui en feraient usage professionnel mieux "scolairement domestiqués"? Jeux de pouvoir et conflit d'intérêt partisan encore!

 

                          Bref, une fois de plus le rapport à la psychologie et aux psychologues y fait symptôme.  L"exercice de la psychologie n'y semble pas pouvoir y être reconnu vraiment comme une profession différente, "autre" et indépendante de la pédagogie à laquelle on la fait semble-t-il de cette façon "coller". On a voulu que le psychologue y ait une spécialité de laquelle paradoxalement le terme même de psychologie, pourtant essentiel au regard de l'identification et de ses effets psychiques en retour, ait disparu, puisque n'y figurent que les référents pédagogiques correspondants aux territoires primaire ou secondaire. "Éducation, développement et apprentissages" (pour le  1er degré), "Éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle" (pour le 2nd degré). Fallait le faire, non? Effet de résistance et effet de symptôme institutionnel très probablement.
                             Invité par la demande du SNP (seul syndicat général de psychologues présent) à corriger "l'oubli" en ajoutant au moins devant cet intitulé le signifiant "Psychologie de" pour ramener le sens de la  pratique psy sur son terrain professionnel, il parait que le ministère persisterait dans son refus. Le sens que prendrait ce refus n'en apparaitrait-il pas alors très clairement?

 

                              Il est vrai qu'il n'y a en fait qu'un seul syndicat de psychologues (le SNP) qui participe aux discussions-négociations préalables à cette mise en place aux côtés de tous les syndicats d'enseignants habituels et des autorités éducatives, toutes issues des corps enseignants. Concevrait-on que ce soient les physiciens qui élaborent les programmes de philosophie ou les psychologues qui s'occupent des programmes de l’agrégation de mathématiques?

                              Outre les évidents conflits d'intérêt, la lorgnette "pédagogique" devient le passage réfracté obligé de la "lumière" sur le sujet. Pauvre psychologie, pauvres jeunes sujets en souffrance d'émerger à se dire et à mieux investir leur désir retrouvé ou revigoré! Et dire que pendant qu'on s'ingénie à formater les futurs psychologues au gabarit psychologiquement aseptisé de l’Éducation, du développement et des apprentissages, ou de l'éducation, du développement et du conseil en orientation scolaire, quitte à laisser paradoxalement et injustement l'écoute des souffrances psychologiques aux infirmières et assistantes sociales scolaires, les enquêtes montrent, que notre pays subit le plus fort taux de suicide des jeunes et de souffrances psychiques ... bel et bien pourtant du ressort préventif d'une véritable écoute ... et approche psychologique professionnelle! Mais, conflit d'intérêts syndicaux et lorgnettes enseignantes obligent : à l'école, psychologue, psychologie et psychismes doivent continuer de revêtir un même uniforme. L'unie forme scolaire.

 

                                Plus encore, alors que les psychologues intervenant dans le secondaire et le supérieur seront rattachés à des centres extérieurs à leur terrain et établissement d'exercice, leurs collègues, pourtant du même corps, intervenant sur le territoire des écoles seront eux, toujours membres des RASED et de ce fait rattachés à une des écoles de leur terrain d'exercice et donc à l'inspecteur qui en est le responsable pédagogico-administratif. De ce point de vue là, rien n'aura changé. On fait encore comme si le psychologue était toujours un des enseignants de l'équipe scolaire de l'établissement ou du groupe d'établissements. Et consécutivement, comme si l'écoute psychologique, celle que tout un chacun attend, le moment venu,  pour se retrouver, se repérer et se sortir du malaise ou des difficultés personnelles dans lesquelles il s'enfonce, pouvait continuer de se pratiquer sans psychologues....Car ceux-ci seraient détournés sur d'autres tâches, certes moins "psychologiques" mais plus perceptibles, acceptables et contrôlables par l'institution car plus ..."scolaires"!

 

                                 Vous avez dit lorgnette pédagogique.... vous avez dit territorialité scolaire...(1)

 

(1) Voir à ce propos ma lettre-réponse sur Internet à Michel Luciani, professeur agrégé d'Allemand traducteur de Freud, lui expliquant pourquoi le symptôme institutionnel refoule des psychologues de l'éducation nationale qui seraient (seulement) psychologues dans l'institution éducative.

 


                    

Des psychologues ou des psychopédagogues de l'éducation et des apprentissages?

 

 

 

 

                            Je viens donc de lire et relire avec quelque stupeur, tellement je n'en croyais pas mes yeux, ces deux éléments qui pour moi auraient été jadis strictement rédhibitoires, compte tenu de nos luttes passées mais apparemment non encore véritablement dépassées, si j'avais été encore "aux affaires" syndicales. La formation spécialisée post master 2 en psychologie de ces psychologues est dénommée et "orientée", selon une vision "maison", "Éducation, développement et apprentissages" (pour le 1er degré avec "conseil en orientation scolaire" à la place d'apprentissages pour le secondaire) sans qu'il soit même question de préciser qu'il s'agit seulement de leur dimension psychologique. Elle n'est donc, de ce fait même, plus nommée selon sa qualification professionnelle de psychologie dans son intitulé, comme je l'ai dit plus haut. Pourquoi? Passé à la trappe du refoulement ou de la maîtrise "éducative" en milieu éducatif dominant? Est-ce le mot signifiant mais différenciateur qui écorcherait?  

 

                           Et pourtant "à céder sur les mots, on finit bientôt par céder sur les choses" nous avait dit en son temps Freud pour nous mettre en garde contre les effets du refoulement et de la maitrise.

 

                            Et, cerise sur le gâteau, alors que l'exercice de la psychologie nécessite l'obtention du titre de psychologue, le concours de recrutement se fait non pas après l'obtention de ce titre à bac plus 5 avec la grille indiciaire correspondante, soit après l'obtention du DESS ou du master 2 de psychologie, c'est à dire d'un niveau fixé dans l'esprit de la loi de 85 à celui d'un troisième cycle universitaire auquel il faudra bien pourtant nécessairement revenir un jour par l'imposition d'un doctorat d'exercice, mais juste un peu avant la fin du second cycle.... Et pourquoi? Belle astuce administrative sans doute, avec la complicité de syndicats qui ne disent mot ou qui tiennent un double langage, pour moins payer ses psychologues et donc les rabaisser et les mépriser un peu plus. Car, comme on le sait peut-être, c'est le niveau universitaire nécessité au moment de passer le concours de recrutement (et non pas "après", même juste après) qui fixe les bornes de la grille indiciaire.

 

                            Et une grille indiciaire de la fonction publique découlant d'un recrutement post master 2, par exemple celle des commissaires de police, ou à bac plus 6, est comme on le sait bien différente de celle des commandants de police, ou comme il se devrait après l'obtention d'un troisième cycle professionnalisé (doctorat d'exercice), n'est pas du tout la même qu'une grille indiciaire découlant d'un concours situé avant ce même master 2, c'est à dire du point de vue administratif, seulement située après la licence, au milieu du second cycle.

 

                              Or, les choses ont un sens et ce sens a des causes et des effets.

 

                             Symboliques et réels, voire même financiers en l'occurrence. Le concours de recrutement des futurs psychologues de l'éducation nationale n'est pas explicitement fixé de droit après le master2, alors même que pourtant la formation de ses psychologues sera une formation à bac plus 6. Autre manière de les brider, de les niveler vers le bas et de les ramener à l'échelle indiciaire des professeurs certifiés. Pourquoi? Par jalousie?  Toujours par ce même souci du "même"? La majorité des organisations syndicales qui participent aux concertations ministérielles pour la mise en place de ce nouveau corps ne sont-elles pas paradoxalement en effet des syndicats d'enseignants? D'ailleurs certain syndicat d'enseignant que je ne nommerai pas, prétextant qu'il n'y a pas de modèle de recrutement à bac plus six dans l'éducation nationale, voudrait ramener le niveau du concours de recrutement à une simple échelle post licence. Soit à la même rémunération que celle en cours avant le statut. Mais quels personnels défendent-ils vraiment?

 

                            Enfin, cerise terminale sur le gâteau, qu'est-ce que je viens de lire, que je n'aurais même pas pu imaginer dans mes pires cauchemars? Les futurs psychologues des soi-disant "apprentissages " seront en l'espèce confondus avec des  psychopédagogues (qui sont des pédagogues utilisant la psychologie) en étant toujours membres des RASED. Parce que ledit RASED, comme je l'avais dit et redit lourdement en son temps dans les années 90 (1) est et reste, dans les faits et dans les esprits, une "structure d'enseignement" subordonnée à un directeur d'école et à un IEN. Et donc probablement, selon l'injustice de cette logique immuable du "même" qui n'a pas varié depuis la circulaire Lebettre de 1960, ils seront sous ce prétexte d'appartenance à une structure pédagogique administrativement rattachés à une école comme l'est le RASED. Et donc à son directeur et à l'inspecteur de l'éducation nationale de la circonscription dont il dépend. CQFD.

 

                           Pas de chaîne hiérarchique propre à ce semblant de nouveau corps donc qui marquerait son identité propre, sa différence et son indépendance professionnelle par rapport au pédagogique dont il n'est pourtant ni un instrument ni une spécialisation? Comme on le voit la différenciation a du mal à opérer et à être prise en compte dans cette institution où les pouvoirs syndico-enseignants et pédagogico-administratifs en position imaginaire exclusive de toute puissance continuent de vouloir régner sans partage et manifestent ainsi tout le mal qu'ils ont à faire une place "autre" et "propre" aux autres professionnels, singulièrement, allez savoir pourquoi, ... seulement les psychologues. Des territoires en l'espèce érigés en quasi féodalités d'un autre âge qui tendraient à "vassaliser" pour mieux la domestiquer la psychologie et l'indépendance de ses praticiens. Toujours la maîtrise anale et la  pulsion d'emprise aux commandes comme on le voit. En effet, concevrait-on que les infirmières, les médecins, les assistantes sociales, qui ont leur hiérarchie de corps propre, sans que cela ne semble poser problème, soient aussi ventilés dans des métiers parallélisés aux ordres d'enseignement primaire ou secondaire, selon les différents "apprentissages" avec les territoires pédagogiques et mis aussi sous la dépendances des inspecteurs de l'éducation nationale voire des directeurs d'école?

                      

                           Que dirait-on d'une médecine des "apprentissages fondamentaux" et d'une médecine des "apprentissages et de l'orientation scolaire"? Que dirait-on si le médecin et l'infirmière intervenant dans le RASED étaient aussi subordonnés au pouvoir pédagogique de l'IEN?

 

                         Pour la psychologie, le problème en est,  semble-t-il, la totale méconnaissance du fait même de sa forclusion de la chaine hiérarchique, creuset du recrutement des conseillers techniques du ministère. Lesdits conseillers techniques sont tous issus des cadres supérieurs de l'éducation nationale, inspecteurs généraux, recteurs, inspecteurs d'académie, inspecteurs de circonscription, lesquels par ce chainage exclusivement pédagogique, ne sont jamais psychologues de formation. La psychologie mise en place ne peut dès lors que correspondre à celle qui est vue du point de vue pédagogique... Il y a là causalité circulaire...Qui résiste sinon les pouvoirs territoriaux en place?

                     

                          Réaliser ce qui se profile ne serait-il pas encore méconnaître les psychologues comme tels en les prenant encore pour des "enseignants" peut-être seulement améliorés, voire peut-être même le contraire? Veut-on vraiment des psychologues et une réelle prise compte du psychisme et de son sujet dans cette institution de maitrise? La question demeure! Attendons la suite.

                              

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    M.B.

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