Oligarchie politico-financière ou démocratie.

Une oligarchie financière (3) mondialisée, « légitimant » de fait comme « normale » la dérive de l’idéologie néo-libérale vers la confiscation (4) du pouvoir politique, ne fausserait-t-elle pas ainsi dans l’ombre le libre jeu démocratique?

 

 

 

De plus en plus de Français voire d’Européens, outre leur crispation défensive dans la tentation du refuge identitaire xénophobe ou religieux dont j'ai parlé, pensent et sentent que nos démocraties sont en grand risque de s’affaiblir et de dériver vers une forme plus ou moins souterraine d’oligarchie de fait. Ceci est d'ailleurs peut-être une des réactions défensives contre les effets de cela...

 

D’oligarchie néolibérale financière (cf Gori)  avec tout un cortège de plus en plus grand de "dommages " collatéraux " induits tant au niveau économique qu'au niveau humain et subjectif s’entend, comme nous l'avions aussi à plusieurs reprises analysé.

 

Sans être aussi catégorique je ne suis pas loin de le penser aussi.

 

Il faudrait sans doute probablement en faire une plus fine analyse à partir de meilleurs connaissances en la matière que les miennes, réellement « profanes » et à partir d’une meilleure et plus ample documentation bien sûr.

 

 

Mais deux éléments pris récemment ici et là m'apparaissent indicateurs. Ils apportent de l’eau au moulin de ce qui flotte dans l’air du temps à propos de l'existence, très active mais plus ou moins masquée au plus grand nombre, de cette oligarchie (1). On pourrait sans doute en trouver bien d’autres.

 

La puce à l’oreille m’est venue hier soir en entendant sur France 3 à l’émission Thalassa les propos directs et crus du père Jésuite Michel Jaouen récemment décédé. Selon celui-ci, qui avait son franc parler, depuis belle lurette il n’est plus dupe que la puissance du pouvoir politique démocratique des politiques est illusoire en ce que ce pouvoir s’efface devant la nécessité d’être au service (servitude volontaire ou complice te revoilà!) de la puissance financière et économique des banques et des multinationales. Ce seraient elles qui tireraient les ficelles du pouvoir en sous-main.

 

Puis, l’autre matin, je tombe sur un article du monde (2) [i]intitulé « Passe d’arme entre le MEDEF et la CFDC sur la loi travail.» On y lit la menace par SMS du patron du MEDEF envers le dirigeant de la confédération des cadres qui aurait contribué au blocage de cette loi favorable à plus de flexibilité dans le travail et donc à plus de précarité et à moins de droits. Le tout est censé favoriser l’emploi, par la relance non pas de la demande, mais de l'offre supposée être accrue par la diminution des charges et des contraintes des entreprises. Dans cette logique purement libérale, s'il n'y avait pas de limites régulatrices, le problème resterait de savoir jusqu'où irait régressivement la concurrence mondialisée à cette diminution concurrentielle... au regard de la situation de l'emploi à bas coût dans certains pays.

Et dès lors sur cette pente extrapolée, resterait-il suffisamment de demandeurs pour "consommer" ... l'offre?

 

Selon ce que rapporte Le Monde tiré d’une publication du quotidien Les Echos,  le SMS de Pierre Gattaz (le "patron" des patrons) dirait en substance : « L’attitude de la CGC est incompréhensible et nuisible. Vous avez déjà planté la loi MDS [Modernisation du dialogue social]. Vous n’allez pas nous planter la loi MEK. » (El Khomri) « Si vous persistez dans cette attitude “cgtiste” sur cette loi, le Medef en tirera toutes les conséquences sur nos discussions en cours ».

 

Par un second SMS encore plus précis la pression se fait plus menaçante.

 

"Ce que je veux dire c’est que nous [ne] vous soutiendrons plus dans votre combat pour les cadres si vous plantez la loi MEK ".

 

Bien entendu le MEDEF et son président s’insurgent contre la mise au jour de cette position qui devait rester souterraine.

 

Mais, la déception et la menace en douce en forme de chantage du pouvoir patronal financier est probablement un bon indicateur de « ce » et de « ceux » que cette loi viendrait réellement favoriser. Non ?

 

Au moins, ça a le mérite d’être clair.

 

Mais ça ne manque pas de nous laisser songeurs au niveau de ce que peuvent "peser" directement ou en sous-main,  les représentants financiers de la puissance économique mondialisée sur les politiques des États démocratiques.

 

 

Alors peut-être, selon là où "le petit peuple", c'est à dire les gens ordinaires, néanmoins en principe démocratiquement souverain, celui qui reste méprisé et exclus de cette oligarchie de fait qui tire les ficelles et ramasse les dividendes (3), va pouvoir prendre conscience de sa valeur, de sa force et de ses droits(4) pour voir où est vraiment son intérêt, reste à oser dire non et à agir en citoyens responsables pour en tirer démocratiquement les conséquences en toutes connaissances de cause désormais.

 

 

Et surtout, peut-être, pour le peuple, ses intellectuels et ses militants politiques, reste à oser réfléchir de façon libre et novatrice pour inventer et mettre en place, à titre de garde-fou à ces dérives humaines structurelles,  d’autres formes politiques et économiques de société vraiment « civilisée » où, selon notre devise républicaine  de liberté, d'égalité et de fraternité, la préoccupation de l’Homme en tant que sujet, de ses droits et devoirs sociaux et de son avenir, auraient une meilleure, plus juste et plus centrale place.

                                                                                         

                                                                                                Michel Berlin

 

(1) (D’après Wikipédia) : « Les sociétés contemporaines du monde occidental, même si en droit elles se définissent comme démocratiques, sont elles aussi concernées par une dynamique oligarchique selon certains intellectuels. Ainsi, Hervé Kempf, dans son ouvrage intitulé L'oligarchie ça suffit, vive la démocratie2, met en exergue la concentration croissante du pouvoir décisionnel par une élite restreinte de dirigeants politiques, de grands chefs d'entreprises, d'acteurs financiers, de journalistes influents, etc. Ceux-ci constituent en effet une caste de plus en plus puissante, dont les membres délibèrent entre eux de décisions s'appliquant à l'ensemble de la population, alors que celles-ci ont pour finalité exclusive de servir leurs intérêts personnels.

Ce constat amène l'auteur à estimer que les régimes étudiés sont oligarchiques de fait, et non plus démocratiques. Toujours d'après Kempf, cette idéologie qui suscite un consensus chez l'ensemble des "oligarques" a contribué à exacerber les inégalités au profit des "très riches", ainsi qu'à accentuer la relation entre capital détenu, prestige social et capacité à influer sur les principales décisions prises par un pays. Ceci aurait favorisé une collusion croissante entre les représentants politiques et les élites économiques ou financières afin de satisfaire des intérêts de plus en plus convergents, au détriment du "bien commun".

(2)[i] http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/03/12/passe-d-armes-entre-le-medef-et-la-confederation-des-cadres-sur-la-loi-travail_4881596_1698637.html
"La dissimulation du premier ministre islandais

Dans les Panama Papers, on retrouve aussi le premier ministre islandais. Il est propriétaire d’une société offshore non-déclarée au fisc. La base de données met aussi en évidence ses connections avec les trois plus grosses banques du pays, qui ont mis à genoux l’économie islandaise lors de la crise financière de 2008, après des années de spéculation. Mais il n’est pas seul. On y retrouve aussi une partie de son entourage politique proche : le ministre des finances, le ministre de l’intérieur ainsi que le chef de son parti politique."

(3) Le Monde du 17/03/2011

(4) Le Figaro ; Du traité constitutionnel au Syriza ; l'Europe contre les peuples

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