Rapiécer les fractures de l'âme...

 

Rapiécer les fractures de l'âme...

Le choc de la confrontation brutale de l’humain avec une violence subie qui a dépassé ou anticipé la possibilité d’être pensée pour y prendre sens, constitue une effraction qui fait comme un trou dans le psychisme. L’effet sidérant alors produit, peut rester douloureusement actif ou même surtout réapparaître plus tard (après-coup) sous forme de névrose traumatique. Pour éviter ces maux il y faut un travail de pensée, de re-liaison symbolique de ce qui s’est dissocié. C'est un travail psychologique de parole qui rapièce le trou de cette déchirure, en restaurant le fil du penser et du vivre et en… permettant de diluer et  … d’oublier petit à petit un trop plein traumatique envahissant.    


 

 

 

Une pensée de soutien à tous les blessés de l'âme par cette effroyable catastrophe terroriste de Nice, qui si elle a tué 84 personnes et en a blessé dans leur corps près de 200, a dû faire des centaines et des centaines de blessés psychologiques. Elle l’a fait par le trou innommable dans le psychisme qu'a opéré le choc de la brutale vision insensée et impensable d'un camion fou jouant aux quilles avec nos vies d'humains, écrasant bestialement par surprise jeunes, vieillards, hommes, femmes et enfants.

Ce trou incompréhensible et incroyable qui, dans sa violence, "dépasse" ou anticipe la pensée et préfigure la mort, c'est l'irruption d'un bout de réel non symbolisé, et parfois non symbolisable de façon post-traumatique sans aide psychologique, qui a fait effraction intrusive dans le psychisme. Il peut y poursuivre son œuvre destructrice souterraine à bas bruit jusqu'à "pourrir" la capacité de revivre et de vivre, en se répétant encore et encore avec insistance, ou en surgissant après coup insidieusement un beau jour, tant que l'effet dissociant de cette dé-liaison mentale, c'est à dire de l'écoulement naturel des pensées et des désirs, "accrochés", associés par une chaine symbolique les uns aux autres, ne s'est pas estompé, par dilution mentale ainsi canalisée dans et par la pensée verbale de ce trauma virulent. C'est à dire dans la chaîne et la reprise de l'enchainement possible des mots et des pensées.

D'où l'offre d'une écoute appelant et favorisant la reprise d'un travail de pensée et de verbalisation, dit pudiquement offre de "soutien" psychologique, pour refaire du lien et repriser, raccommoder, suturer les déchirures mentales opérées à l'occasion d'un véritable travail d'entretiens psychologiques cliniques suivis.

Ces effets traumatiques peuvent frapper, de près ou de loin dans le temps, massivement sur le moment en tant que choc ou surtout en principe et selon la théorie psychanalytique comme on le sait depuis Freud dans l’"après-coup". Ils peuvent frapper tous ceux qui ont été confrontés à l’horreur brutale de ce réel insoutenable qui les a impactés de l’impensable de son effraction soudaine. Aussi bien les victimes directes, que leur entourage ou que les secouristes et les soignants qui les ont reçus. Car l'homme, être de pensée qui panse, tamponne, amortit et ainsi protège de ce réel traumatisant, même s'il est secouriste ou soignant, n'est pas vraiment préparé à l'insensé brutal qui vient faire effraction dans sa pensée en la court-circuitant tel un projectile dans la chair, même en ne faisant que simple résonance en lui lors de sa confrontation avec les victimes.

D'autant que le propre du travail clinique d’accompagnement psychologique, c'est bien d'accepter de se mettre à l'écoute sur la durée et en résonance avec l'indicible, l'émotionnel, l'irrecevable, la violence sourde d'un réel traumatisant qui, toujours, pointe et alimente les récits de souffrance. C'est accepter de s'y laisser prendre et toucher soi-même en résonance, si possible sans en être aussi sidéré mentalement. C'est pourquoi il y faut des conditions de cadre qui en favorisent et garantissent l’accueil, qui permettent de tenir le cap de continuer à tenir lieu de point d'appui transférentiel pour une possible issue par des mots qui viendraient, tels des ponts jetés sur un gouffre, faire issue à une reprise du chemin mental.

C'est pourquoi, les psychanalystes par formation habilitante, ainsi que les psychiatres et psychologues cliniciens qui sont devenus aussi et de surcroît, psychothérapeutes ont dû, à titre de formation qualifiante de base en deçà de celle, théorique, de leurs diplômes universitaires habilitants, être eux-mêmes confrontés au vécu et à l'élaboration de ce réel traumatisant au cours de leur propre psychanalyse ou de leur psychothérapie analytique personnelles. Ça leur permet ainsi d'offrir une écoute "à bonne distance" et à bonne ouverture émotionnelle, pour pouvoir laisser résonner et travailler en eux, sans débordements paralysant ni sourde et froide fermeture défensive, toute la force émotionnelle douloureuse de l'effroyable vécu traumatisant qui leur est adressé. C'est un "métier" qui suppose une formation personnelle au-delà de l'expérience et des connaissances professionnelles acquises.

 

                                                                                                    Michel Berlin

                                                                                                   

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