Bémols : vers une nouvelle Babel?

Vers une nouvelle Babel pour notre société éclatée en perte d'idéaux et de repères symboliques?

 

             Je reproduis ici, avec quelques ajouts au passage, le billet qu'il m'est venu à publier sur Facebook devant le sentiment de rejet grandissant de l'échantillonnage des politiques proposées et le manque de ce qui pourrait faire consensus et lien social autour d'un vrai projet politique et civilisationnel. A forcer le trait pour en extraire son sens, on dirait qu'à côté des 65 millions de sélectionneurs au foot, notre pays, lassé des échecs des partis s'achemine vers 65 millions de courants politiques.  Ce manque de lien et cet éclatement babélisant consécutif ne risque-t-il pas à terme de nous conduire tous, par contre pied réactionnel, sur un même axe de replis hyper-narcissique vers la tentation illusoirement salvatrice d'une nouvelle forme totalitaire de religion d'une part par-ici et vers l'idéalisation imaginaire de l'UN dont les prémisses sont entr'aperçues d'autre part par-.

 

             Deux formes symptomatiques apparentes d'une même source "de loi paternelle" intérieure problématique et insuffisamment opérante. Une loi qui permet métaphoriquement de transformer une perte en un gain. Une perte de position d'être le phallus à qui tout est du vers celle de celui qui désire se donner les moyens d'avoir ce qui lui manque. Mais encore faut-il qu'il y ait cette perte consentie et ressentie... ce à quoi ça résiste "grave" de nos jours, peut-être.

 

             Bémol car il ne faudrait pas se méprendre sur mes propos! Ils ne sont pas d'ordre anarchique.

 

            Il ne s'agit pas d'éliminer et de se passer du père, car alors on serait dans l'errance et la discorde généralisée ("les non-dupes errent" disait humoristiquement Lacan pour illustrer par cette homonymie avec "les noms du père", le rôle de nouage, de symbolisation, mais aussi de liaison assuré par cet opérateur signifiant de la fonction paternelle).  Il y a lieu en revanche de mieux s'en servir en l'ayant intériorisé comme "opérateur" d'une loi symbolique de nouage (1). 

 

            Opérateur psychique individuel cela va sans dire mais aussi groupal avec un support pris démocratiquement comme tel par consensus et discipline démocratique. Un support qui puisse assumer de l'incarner. Pour Pallier ce qui autrement ne pourrait structurellement que s'effriter et se déliter, tant au niveau individuel si le père et sa loi sont mal intériorisé qu'au niveau sociétal si son support est inexistant, atomisé, défaillant ou dénié. Je viens de dénoncer les effets inacceptables de la tentative de mise au pas pédagogique des psychologues par une éducation nationale tentée par l'idéal jouissif totalisant et "comme unautaire" d'une pensée unique pédagogique. Et pourtant comment vivre et organiser les communautés? Peut-on s'en passer? C'est à réfléchir! Mais difficile de faire court car c'est. compliqué, sans pour autant, telles les voies du seigneur, être impénétrable...

               

            

              Disons rapidement pour faire sentir les choses et relativiser un peu la caricature précédente et son danger, que dans le contexte d'une certaine mise en tension contradictoire on n'échappe, sauf peut-être folle extrême qui isole totalement, ni aux effets aliénants ni aux bienfaits réconfortants des communautés sociales auxquelles on "appartient" tous plus ou moins. Le salut restant, dans leur multiplicité éclectique et la multiplicité des liens établis ainsi ouverts d'une part et d'autre part dans le "plus ou moins" d'une appartenance qui n'est pas collage fanatisé faisant percevoir, comme un danger diabolique à haïr et rejeter, toute altérité "étrangère"...C'est à dire l'Autre, aussi bien en nous que l'autre extérieur..., qui viendrait mettre à mal la TOTALE UNITE idéale mais perdue, néanmoins toujours attendue.

               J'ai essayé là, comme ça m'est venu, mais il y a bien d'autres manières de mieux le dire...

               La foule, le social, pourtant porteurs du sujet, ne serait-ce que par ce qui fait langue commune, risquent dialectiquement sa dilution dans l'horreur d'une jouissance du tous comm' UN. Et c'est alors l'angoisse phobique qui est mobilisée. Mais elle aliène aussi d'un autre côté, déresponsabilisant, par identification haineuse de tous à l'UN contre l'Autre dont le sujet est aussi et par ailleurs l'effet. Et c'est la certitude fanatisée d'une paranoïa collective... Conclusions : ainsi tiraillés entre ces maux, on n'est pas dans la m... telles des grenouilles prètes à se laisser cuire à petits feu dans la marmite d'un ultralibéralisme mondialisé qui par ailleurs seraient disposées à demander aussi un roi. D'ailleurs on le sent bien actuellement que le symbolique et le "politique" se délitent et où par manque de "causes" communes à investir ça "babélise" et tire chacun dans son coin contre tous les autres.... jusqu'au risque, pas si éloigné, d'union désespérée dans une grande illusion totalitaire... ENCORE!

 

                                                                                                           Michel Berlin

 

(1) La nou(e)mination, Michel Berlin, article publié dans le mensuel de l’École de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien et reproduit sur ce site.

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