Enfin un statut de psychologue! Oui mais...

 

Décret n° 2017-120 du 1er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l'éducation nationale

 

Le combat obstiné de toute une vie syndicale et professionnelle comme psychologue dans l'éducation nationale, devenu psychologue clinicien et psychanalyste en CMPP et en cabinet libéral, a fini  par voir aboutir la création d'un corps de psychologues dans tous les "territoires fortifiés" de l'éducation nationale...

C'était  pourtant déjà prévu au programme commun de la Gauche de 1972... Il a fallu attendre 2017. … Et encore! Car "ça" a résisté "grave" depuis .... Sous l'effet surdéterminé du verrou jusque-là infranchissable d'une quadruple résistance d'ordre psychologique tendant d'une manière générale à vouloir éliminer, rejeter ou refouler l'Autre ... en soi et à l'extérieur bien sûr, mais aussi d'ordre et de forme corporatiste, hiérarchique et politique....dont on peut, pour qui sait lire, encore trouver traces toujours opérantes dans le décret.

 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033968083&idJO=JORFCONT000033967977FirefoxHTML%5CShell%5COpen%5CCommand

 

Je n'arrive pas vraiment à m'en réjouir pleinement alors que je ne suis pourtant plus directement concerné, car des questions importantes, à effet de sens inquiétant, sur la réelle place des psychologues et l’incidence sur le profilage (« scolaire » et encore cliniquement réducteur) de l'orientation et de la qualité de leurs pratiques d'analyse et de mise en évolution du psychisme demeurent. La naissance de ce corps c'est comme une naissance c'est à dire une coupure mutative où il y a perte d'anciennes attaches inclusives pour un gain. C'est un moins qui promeut du plus, selon toute opération symbolique. Le moins de la perte du beurre se transforme en plus de gains de moyens pour en vivre. Mais si l'on veut s'écarteler à tenir le beurre d'une main tout en recevant l'argent de l'autre, il y a compromis. il y a "symptôme" donc et il y a raté partiel de l'opération symbolique de coupure et donc de son pouvoir "opérant" de faire du plus à partir du moins  . Et les éléments de beurre et d'argent du beurre, j'en vois, comme des bouts de cordon ombilical qui retiendraient la complète naissance, quelques uns qui posent question.

 

1°) Pourquoi (et selon quel sens?) le signifiant disciplinaire "psychologie" est-il obstinément éliminé de l'intitulé des deux « spécialisations » prévues pour des  psychologues : "Education, développement et apprentissage" et  "éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle"? Cette spécialisation ne serait-elle ni voulue ni acceptée ni encore considérée comme psychologique? Trop professionnellement différenciateur? Trop psychologique et pas assez défensivement "domestiquée" par rapport aux lunettes pédagogiques institutionnelles protectrices ressortissant seulement à "'Education, développement et apprentissage"? Ne s'agirait-il plus d'une formation en psychologie? A céder sur le nom s'engage-t-on au risque de céder sur la chose que ce nom désigne à avoir la nature psychologique de la formation et de la pratique du psychologue? Vue l'obstination du ministère et des forces participatives qui l'entourent à donner droit à la revendication du syndicat nationale des psychologues sur cette régularisation identitaire et symbolique, il semble bien que oui. Et c'est grave au niveau des conséquences sur l'indépendance professionnelle des psychologues et celles de leurs pratiques voulues et tolérées en territoire éducatif enseignant.... Quid du sujet divisé en souffrance symptomatique dans sa vie et donc aussi à l'école dans cette spécialité ainsi territorialisée au gabarit de l'enseignement?

 

2°) Quel sens (et pour quel effet de fait de déclassement indiciaire?) y-a-t-il d'insister autant sur l'obtention de la licence de psychologie pour le niveau de recrutement qui n'apparait pas clairement fixé "après l'obtention du titre de psychologue" pour l'heure encore à bac+5, DESS ou Master II de psychologie" et donc en réalité pour des personnels dont on exige une formation supérieure en psychologie à bac plus 6? Toujours payés à bac plus 2 comme des agents de maîtrise ou des auxiliaires médicaux? Pourquoi? Recruterait-on aussi des infirmiers, des médecins, des ingénieurs, avant qu'ils ne ... le soient. Pour les domestiquer mieux et les payer moins?

 

3°) Quel sens donner à l’absence de création d’une chaîne hiérarchique constituée de psychologues, propre à ce corps, au niveau départemental, régional et ministériel ? Pour la résistance du pouvoir de qui?  Pour quels effets de mises au pas escomptés?

 

4°) Quel est le sens de subordonner les psychologues à la hiérarchie enseignante des inspecteurs de circonscription dans l'enseignement primaire? Pourquoi ne pas aussi alors leur subordonner les personnels des autres différents corps d'un même terrain d'établissements scolaires : l’assistante sociale, l’infirmière et le médecin? Ce n'est pas "pareil"? Justement! La différenciation autonome ainsi marquée du corps des uns ne vaudrait-elle pas pour le corps des autres parce qu'ils s'agit de psychologues? Pourquoi?

 

Ne serait-ce pas précisément parce qu'ils sont psychologues, représentant pour chacun, de façon symptomatique, c'est à dire en gros par un compromis codé entre ce qu'il désire et ce qu'il ne veut surtout pas, l'écho angoissant de ce qui, enfoui sous forme d'Autre intérieur parce qu'inconscient et pulsionnel,  serait absolument encore à "refouler" ou à "maîtriser" "tel que" ... en lui ...ainsi?

 

Discussion :

 

Jean-Claude Brun :  LES résistances internes éducation nationale qui ne peuvent se résoudre à l'autonomisation spécifique de cette profession spécifique. Résistances à la prise  en compte de l'inconscient ... Ancien Psychologue scolaire, Psychologue Clinicien parallèlement en cabinet , Psychanalyste j'ai vécu ces résistances qui m'ont fait me former au plus haut niveau de la Clinique psycho pathologique pour mieux répondre  aux besoins des enfants de leur famille des enseignants...L'institution résiste pour pas avoir à faire avec son fonctionnement....

 

Jean-Pierre Bellier : Je vous trouve bien grognons, chers collègues... Paris ne s'est pas fait en un jour !

 

Michel Berlin : A l'échelle géologique, certes, cette naissance d'un corps indépendant de psychologues par extraction-castration nette et non bâtarde des autres corps qui ne cessent symptomatiquement de résister à cette franche coupure symbolique-délivrance depuis ... 1947 en se crispant ici et là sur des petits bouts de cordon, est peut-être un soupir. Mais à l'échelle humaine d'une carrière, elle parait interminable et mal "barrée". Elle évoque toujours son même constat de symptôme "gauchissant" la vie... psychique où il s'agit de rogner sur la séparation inévitable beurre OU argent du beurre pour garder, si possible, des psychologues hybrides. Ceux que j'avais appelés en mon temps d'activité syndicale comme "domestiqués par une situation hiérarchique et un fonctionnement hybride "à voile et à vapeur". Donc hélas toujours selon cette interprétation toujours la même grogne...comme effet.

 

Jean-Claude Brun : Qui plus est, c'est encore une oubliette paradigmatique de la résistance des corps constitués autour de l’Éducation Nationale, pour ne pas avoir à faire avec l'analyse de son fonctionnement paranoïde...

 

Michel Berlin : C'est cela, le corps institutionnel resserre sa tendance monolithique dans une certaine complicité "maison" autour de ce rejet de l'Autre intérieur...sexualisé que ravive le psychologue et la psychologie. Là encore on les voudrait en tant que "scolaires " ou "de l'éducation" aseptisés et pulsionnellement neutralisés comme purs miroirs complaisants d'un moi pédagogique hypertrophié, reflet d'un Autre maîtrisé qui serait le même ou pas trop différent...soit domestiqués à sa botte et de ce fait par voie de conséquence pas trop autonomes. Cette résistance névrotique de maitrise mégalomaniaque bien connue dans sa forme et son intensité serait-elle encore portée par la Direction des Enseignement scolaires et certains syndicats maisons d'enseignants (les fameux toujours mêmes "corps constitués" bien connus dont parle Jean-Claude ci-dessus) comptant juste les quelques psychologues scolaires ou conseillers d'orientation-psychologues nécessaires à leur permettre de participer aux concertations pour venir, aussi, dire leur mot sur la psychologie et son exercice....

 

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