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Pandémie, harcèlement, souffrances psychologiques en hausse et refus du droit des enfants à un libre accès direct et remboursé au psychologue ?

Pandémie, harcèlement, souffrances psychologiques en hausse et refus du droit des enfants à un libre accès direct et remboursé au psychologue ?

 

 

La défenseuse des droits des enfants lance aujourd’hui un cri d’alerte (1) sur la difficulté à offrir des espaces d’écoute psychologique pour les enfants et les jeunes de plus en plus nombreux à rester isolés et démunis face à leur souffrance psychologique en ces périodes de pandémie et de harcèlements scolaires. Leurs effets de souffrance en sont minimisés et pas suffisamment pris en compte et au sérieux par les pouvoirs publics et les institutions.

 

Dans son rapport publié ce jour : « La santé mentale des enfants a longtemps été un tabou, un sujet mal appréhendé » écrit Claire Hedon la défenseuse des droits.

 

Non seulement la santé mentale a été rejetée ou négligée, mais avec cette « eau du bain » de la « santé mentale » ceux qui la prennent en compte et la soignent ont été rejetés et négligés avec elle pourrait-on ajouter. Et particulièrement les psychologues eux qui, maintenus asservis, précarisés et paupérisés, offrent pourtant l’opportunité d’un travail psychologique suivi permettant à cette souffrance de trouver une issue résolutive pourrait-on encore ajouter.

 

En effet, les psychologues cliniciens-psychothérapeutes, comme les psychanalystes, s'ils pratiquent des psychothérapies, seulement psychologiques, selon la longue formation complémentaire à leurs diplômes universitaires qu'ils se sont donnée, ne sont pas des "personnels soignants" comme les personnels médicaux ou paramédicaux. Leur catégorie "psychologique" particulière, pourtant bel et bien existante, reste à mieux créer et positionner  officiellement d'un point de vue, juridique, sanitaire et socio-administratif, à côté (et pas "sous" ni "dans") et au même niveau que celle des médecins. Ils ne soignent pas directement comme un médicament à administrer. La psychothérapie des psychologues ne soigne pas le psychisme mais par le psychisme. Elle suscite, déclenche, met en mouvement constructif son remaniement, son évolution subjective sous le double "effet" évolutif et indirectement thérapeutique, d'une part de la relation établie et d'autre part de la parole qu'elle sous-tend et amène. Ceci au sens où par exemple la balnéothérapie ne soigne pas "le bain" mais par le bain et la chimiothérapie ne soigne pas "la chimie" mais par la chimie. 

 

Or, comme je l'ai dit dans l'article précédent, céder sur les mots risque de conduire à céder sur les choses.

 

A la lecture des informations diffusées par la presse concernant ce rapport, je suis sidéré de la vision médicale et psychiatrique qu’il me semble exclusivement véhiculer. Préconisant notamment la mise en place de dispositifs d’écoute à l'école, alors qu’il y a des psychologues – qui le sont désormais statutairement – dans les établissements scolaires. Mais on a voulu les profiler, par recrutement, à d'autres tâches moins différentes des préoccupations et de la démarche pédagogique, mieux institutionnellement comprises et acceptées car d'apparence plus directement "utile" et "scolaire". 

 

Des psychologues certes manquent. Mais par le fait de qui ?

 

Car bien en deçà de ce manque d’effectif qui est réel, ce qu’il manque surtout, c’est qu’on puisse déjà les voir et faire appel à eux pour ce qu’ils sont. Et qu’on leur laisse toute leur vraie place, au lieu de les détourner frileusement dans les carcans asservissants défensifs de leur neutralisation aseptisante para-médicale ou para-pédagogique.

 

L’accès libre et direct aux psychologues pour un travail psychologique, en institution comme en libéral, apparait en effet plus que souhaitable et nécessaire dans ce contexte d’extension de la souffrance psychique.  Ce contexte devrait pouvoir soutenir la nécessité urgente de ne plus ne pas la prendre socialement en compte et ne plus ne pas la traiter … psychologiquement.

 

Mais précisément qui, en ce moment, et depuis des lustres y fait obstacle en tentant de détourner et gauchir l’approche purement psychologique des psychologues dans des démarches et des prescriptions médicalisantes voire para-médicalisantes pour les psychologues libéraux ? Qui vient d’annoncer de façon olympienne, sans consultation de la profession, que les consultations psychologiques (enfin pas « les » mais « 8 » seulement. Faut pas abuser et se gaver non plus. Juste commencer et y goûter et puis rester sur sa faim) seraient remboursées mais désormais, (ça leur apprendra à la "ramener" et à titiller les risques pour nous angoissants de nos potentiels débordements intérieurs) sur "contrôle" (ouf! la jouissance du Surmoi en est préservée) et sur « prescription médicale » ?

 

Et sur prescription seulement! Et même, pour en remettre une couche, symptôme "carabiné" de domination caporaliste et d'angoisse pathologique de l'Autre intérieur obligent, sous contröle et protocole médicaux! Pas, non plus, de dépassements d'honoraires autorisés qui auraient permis, même aux plus modestes, un accès à des psychologues mieux formés et plus expérimentés. Que nenni!

 

 Et qui y fait obstacle à cet accès psychologique des jeunes en souffrance psychique en cantonnant ses psychologues dans des démarches, sous direction et pensée administrativo-pédagogique « pédagogisante » pour les psychologues de l’éducation nationale ? Eux qui sont présentés et recrutés comme des psychologues non pas de la dimension psychique cognitive et subjective des personnes mais des psychologues para-pédagogiquement profilés au travail et à la réussite scolaires. Eux, dont l’intitulé de la spécialité « maison », donc de la « visibilité » institutionnelle,  ne fait même plus apparaître le signifiant psychologique qui leur est pourtant identitairement et professionnellement spécifique ? Eux qui n'ont pas pu obtenir de chaine hiérarchique propre à leur corps pour les représenter à tous les échelonnements du pouvoir académique ....La circonscription, le département, l'académie, le ministère. Quel en est le sens?

 

Pourquoi ce refoulement au plus haut niveau ? Trop institutionnellement dérangeante la différence ? Pas assez de l’ordre du « même », l’Autre ?

 

 

En effet leurs spécialités « maison » supplémentaires aux diplômes universitaires en psychologie s’intitulent seulement, je le rappelle et rappelle l’avoir pourtant fortement mais vainement dénoncé à l’époque de sa création du temps de mon ancien collègue et camarade syndical, l’inspecteur général Jean-Pierre Bellier et de la ministre Nadia Vallaud Belkacem  : « éducation, développement et apprentissages » pour exercer à l’école et "éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle" pour travailler en CIO, en collège ou en lycée.

 

L’expression « psychologie de » ou « psychologue de », identifiant leur approche singulière et son champ spécifique et indépendant, en a été, c’est un fait, bel et bien volontairement refoulée au profit du "territoire" (c'est le mot qui parle le mieux) d'exercice de la profession dominante. Ici : la pédagogie. Là-bas, même effet structural défensif : la médecine. Il en est de même dans la Santé où une chaine hiérarchique de psychologue a été récemment catégoriquement refusée par les parlementaires, suivant en cela les positions du gouvernement.

 

Pourquoi ? Quel en est le sens symptomatique?

 

A tel point, c’est encore un fait, que dans l'Education Nationale les psychologues ne sont même plus visibles ni évoqués en tant que psychologues tout court. Et que la défenseuse des droits des enfants, d’après l’article du Nouvel Obs (2) ne les cite même pas comme professionnels susceptibles d’offrir, en établissement scolaire, un lieu d’écoute psy libre et directe de la souffrance psychique des jeunes et enfants aux côtés de celles, d’un autre ordre, citées. L'écoute médicale et paramédicale du médecin scolaire et de l’infirmière scolaire.

 

Ceci ne manque pas d’avoir du sens et d’être ressenti profondément comme tel !

 

Quel sens … psychologique donner à cela ? Pourquoi c’est cette représentation, gauchie, défensive et frileuse, qui … domine et …. perdure ?

 

Je laisse chacun réfléchir à sa responsabilité dans l’affaire. Y compris les psychologues eux-mêmes.

 

       Pourquoi ne pas faire simplement droit aux demandes des jeunes, des enfants, et du public d’être écoutés dans une dimension psychologique (ni médicale, ni pédagogique) correspondant à la nature psychologique de leur souffrance, mal-être et « mal à dire », en permettant un accès libre, direct et remboursé aux psychologues, institutionnels et libéraux, sans la chicane inutile et injustifiée d’une prescription tierce qui n'est que le faux-nez protocolisé d'une basse volonté de contrôle et de domination.

 

         En permettant cet accès libre comme, de plus, le demandent aussi les psychologues eux-mêmes il s'agit de marquer la nécessaire garantie du respect théorique et technique du cadre symbolique indépendant que les psychologues, dans le cadre de l'usage légal de leur titre professionnel protégé,  doivent avoir la responsabilité de garantir comme respect de la valeur du travail psychique offert et effectué.

 

 Toutes ces conditions déontologiques sont en effet requises comme cadre symbolique confidentiel et indépendant de nature à pouvoir vraiment mobiliser la valeur d’un "travail psychologique" sérieux et efficace du patient !  Il appartient dès lors au pouvoir politique, au législateur, à la Caisse Nationale d'Assurance Maladie et à ses administrateurs non psychologues, de faire l'effort de s'y ouvrir pour l'intégrer, l'admettre sans peur de débordement ni réticence afin de le respecter par respect pour leurs électeurs et assurés.

 

 

                                                                                                                                     Michel Berlin

17 novembre 2021



[i](1) https://www.franceinter.fr/societe/harcelement-scolaire-confinements-ecrans-la-defenseure-des-droits-alerte-sur-la-sante-mentale-des-enfants

 

(2)https://www.franceinter.fr/societe/harcelement-scolaire-confinements-ecrans-la-defenseure-des-droits-alerte-sur-la-sante-mentale-des-enfants

 

 « Publié à l’occasion de la Journée internationale des Droits de l’Enfant, samedi 20 novembre, le rapport s’appuie sur les réclamations reçues par les Défenseurs des Droits et des Enfants (3 000 chaque année), ainsi que la consultation d’enfants et de professionnels (médecins et infirmières scolaires, enseignants et éducateurs, psychiatres, pédiatres…). »   

 

Le psychologue, attendu comme logiquement essentiel pour ce qui concerne le psychologique, est pourtant non mentionné. Il semble refoulé ou alors au mieux pour les optimistes contenu dans l'implicite éventuel des pointillés? 

 

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