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Mensonges, désinformation, brouillage du sens et du Réel : dérive totalitaire contre l'effondrement.

 

Mensonges, désinformation, brouillage du sens et du Réel : dérive  totalitaire contre l'effondrement. 

 

 

 

 

Résumé : Les mensonges et la désinformation sont des stratégies politiques de perturbation et de propagande. C'est pour mieux resserrer des liens partisans d’ensemble des Uns, les bons, contre les Autres, les mauvais. Car ils servent d’arme de destruction massive des esprits pour mieux les dominer, les robotiser, affaiblir leur discernement et leur esprit critique en semant la zizanie et le brouillage du sens et des repères en vue de faciliter leur adhésion re-narcissisante au ciment d'une réalité parallèle constituée comme de LA « solution » totalitaire en vue de l'intégrer comme Moi-Idéal collectif faisant "comme Unauté" psychique. Elle le fait par les liens identificatoires du Moi Idéal de chacun (Chaque UN) à un Moi Idéal collectif tout puissant. L'unité régressive et toute puissante visée c'est alors celle d'un psychisme collectif sortant de la division et de la dynamique de sa conflictualité interne par le partage réducteur mais totalisant d'un même objet d'amour idéalisé et d'un même objet de haine diabolisé.

 

 

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Un missile est récemment tombé 6 km à l’intérieur de la frontière polonaise dans le contexte insécurisant de la guerre déniée de bombardements, d’invasion territoriale et d’attaques par des troupes au sol que mène la Russie contre l’Ukraine.

 

Ce missile, tombé dans un pays de l’OTAN voisin de l'Ukraine, en pleine menace contre l’ordre et l’équilibre du monde déclenchée par l’agression soviétique brutale du 24 février dernier, a fait quelque émoi en Occident. En effet l’attaque d’un membre de l’OTAN serait considérée comme attaque de tous ses membres, justifiant leur réponse solidaire. Donc leur entrée en guerre dans un nouveau conflit mondial.

 

Aussi, la question soulevée de l’éventualité d’une nouvelle agression de la Pologne ne manqua pas de susciter l’inquiétude par l’évocation en écho de celle du 3ème Reich qui jadis finit par déclencher la deuxième guerre mondiale…

  

Une enquête sérieuse allait être diligentée avant consultation éventuelle des membres de l’OTAN. Il n’empêche qu’un émoi mondial certain se manifesta, tant dans les médias que dans les Etats.

Et pourtant forts des données de leurs services de renseignement, les Américains évoquaient la faible probabilité qu’il s’agisse d’une frappe intentionnelle des Russes.

 

Lesquels Russes, évidemment, niaient. Pour les Ukrainiens, en revanche évidemment aussi, ça ne pouvait être que ceux qui les agressent et les bombardent sur leur territoire envahi.

En attendant qui croire ?  Quel sens y donner?

 

Et c’est, à mon sens, devenu, d’une façon générale qui dépasse cet évènement, un énorme problème psychologique mondial brouillant les psychismes individuels et collectifs dans nos sociétés commercialement et financièrement mondialisées. Ce brouillage influenceur est aussi produit à grande échelle comme nouvelle arme de guerre et d'infiltration aux fins de déstabilisation des démocraties par des "usines à trolls étatiques", désormais bien connues et repérées, chargées de polluer la toile internautique. ( 1)

 

Ce brouillage génère le désordre psychique de la perte de sens et de repères fiables. Il produit donc de l’insécurité et de l’angoisse par perte de confiance dans notre rapport symbolique au Réel, c'est à dire au sens à donner aux choses de la vie pour ainsi pouvoir les penser et moins en subir l'effraction traumatisante insensée. Et, de là, ce brouillage parce qu'il est en risque d'effets traumatisants, génère défensivement du repli sur soi ou de la violence, de l’exacerbation des narcissismes et de la quête identitaire… pour tenter de s’y retrouver et de retrouver du sens qui pare du Réel subjectivement néantissant en le médiatisant. Car, on le sait en psychanalyse précisément, le symbolique, son nouage médiatisant avec le Réel et sa production de sens, est bien ce qui pare de l’insécurité et de l’angoisse folle du néant en faisant pont sur une béance qui articule un passage (subjectif) au dessus d'un risque de blocage puis d'effondrement.

 

Et les retombées de cette inoculation stratégique perverse de désordres symboliques angoissants relayée par l'appui naïf de quelques idiots utiles déjà inoculés ou convertis ici et là, devient du pain béni  pour le repli défensif contra-dépressif anti-démocratique vers l'alimentation en masse des régimes populistes dits forts et des totalitarismes ... 

 

Car l’angoisse, cet affect qui « ne trompe pas » selon Lacan, surgit quand le Réel, celui notamment de l’objet cause du manque, en principe mis à distance parce que symbolisé, est en risque insensé d’être devenu ou redevenu proche, trop proche, voire sans distance en faisant comme trou dans le tissu protecteur du symbolique. Un trou subsiste toutefois dans le psychisme de tout un chacun en le "lestant" car on sait bien que le symbolique ne recouvre pas TOUT le Réel. Mais ce  trou, métaphoriquement opératoire par l’effet signifiant de « pont » de la fonction paternelle chez qui n’est pas fou, comme celui du jeu de taquin qui permet en se déplaçant d’écrire des mots, génère le pouvoir articulatoire de le franchir en créant du sens et de la pensée.

 

Dès lors, brouiller le sens, attaquer, détourner, embrouiller voire détruire le sens des choses , c'est comme fragiliser une passerelle sur le vide. Ca érode la confiance, insécurise, bloque l'articulation de la libre pensée critique,active le risque d'insensé et de chaos et fait ainsi monter de l’angoisse individuelle et collective.

 

C’est ce que m’évoquaient hier soir à la télé les propos d’un général français sur les effets de la perte de confiance dont il parlait.

 

Il parlait de celle envers les américains annonçant pourtant la faible probabilité d’une frappe Russe de la Pologne par missile.

Et il évoquait que l’origine de cette perte de confiance remontant à celle du prétexte mensonger d’armes de destruction massive de Saddam Hussein invoqué mensongèrement par les USA en 2003, pour tenter de justifier leur attaque « préventive » et leur envahissement de l’Irak. Les mensonges d’Etat, s’ils peuvent avoir parfois des effets profitables dans l’immédiat, sapent à long terme, on le voit, la confiance en la parole "officielle" et celle des leaders.

 

Il en est de même pour la parole du président Poutine distordant grossièrement la réalité en voyant imaginairement dans les autres (l'Occident, l'OTAN, les opposants, l'Autre en général) la menace de ses propres projections hostiles et conquérantes à leur égard qui grèvera pour longtemps la confiance mondiale envers la Russie.

 

Mais nous ne sommes pas en reste si l’on se souvient de la façon dont les Français se sont fait berner dans leur confiance à propos du réel danger irradiant du fameux nuage de Tchernobyl qu’on nous assurait hypnotiquement, sans se soucier de la gravité des effets politiquement décrédibilisants à long terme, s’être arrêté … à la frontière.

 

Et que dire du « non » majoritairement voté par les Français en 2005 au traité de Rome établissant une constitution d’orientation par trop néo-libéralement autocentrée pour l’Europe et non pris en compte pour la signature dudit traité sous la présidence de Nicolas Sarkozy ? Comme si le vote des électeurs pouvait n’être pris en compte que quand il va dans le sens du poil du pouvoir qui le propose ?

 

Comment dès lors s’étonner de la démobilisation désabusée des électeurs et de leur perte de confiance envers les pouvoirs ?

 

Et si c’était encouragé et amplifié par ceux qui auraient intérêts à affaiblir nos démocraties ?

 

Ne voit-on pas ce brouillage antidémocratique promoteur de désordre, de chaos ou de dictature totalitaire se faire jour dramatiquement actuellement aux USA où des candidats du camp Républicain, à la suite de Donald Trump ancien président contestant toujours le résultat du vote démocratique et la légitimité du pouvoir en place qui l'a régulièrement évincé, annoncent ne devoir reconnaitre et respecter que les suffrages exprimés qui leur seraient … favorables.

 

Ne voit-on pas ici et là le relai individuel ou politique d’une propagande russe « douce »(2) tendant à promulguer l’idée qu’il ne faudrait pas trop contrarier ou humilier la Russie…

 

Ne voit-on pas en Russie la "folle" dérive imaginaire de la promotion idéologique totalitaire systématique d’éléments de langage brouillant l’ordre symbolique pour réécrire l’histoire et détourner voire renverser imaginairement la réalité du moment…

 

Quand la parole est « officiellement » soutenue à faire le grand écart mensonger avec le Réel, alors elle est en risque de faire entrevoir l'insensé de l'horreur chaotique d'un trou au lieu de faire pont articulatoire sur une béance. Elle est en risque de laisser alors surgir l’angoisse du désordre symbolique « Babellisant » et, au plus profond du psychisme, l'horreur insensée de l’anéantissement chaotique consécutif du sujet qui ne se soutient que d’elle, la parole, dans un nouage "borroméen" du Symbolique, de l'Imaginaire et du Réel. Le propre de ce type de nouage, c'est en effet subtil et fragile comme nous l'a montré Lacan, c'est que si l'un des trois éléments se désarrime des autres, "patatras", tout se dénoue et s'effondre...

 

Et le risque de cette menace angoissante est une arme stratégique sur laquelle certains de ses propagandistes et relais, en mal de remède totalitaire, surfent… 

 

Michel Berlin

 

17 novembre 2022

 

 

     (1https://www.sfsic.org/aac-publication/lart-du-mensonge-propagande-et-desinformation/

(2)   https://desk-russie.eu/2021/06/22/la-propagande-douce.html

 

 

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