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« Management » et « Gouvernance » obsolètes et inappropriés du remboursement par la sécu des séances avec un psychologue ?

« Management » et « Gouvernance » obsolètes et inappropriés du remboursement par la sécu des séances avec un psychologue ?

Alexander Massouras New Work  Artsy
Alexander Massouras New Work Artsy

 

 

 

Un jour un peu nouveau semble se faire sur la mise en place législative puis administrative par la CAM de ce dispositif toujours rejeté et boycotté par plus de 90% des psychologues libéraux.

 

Le SNP (1) a récemment relevé un post d’une haute fonctionnaire, chargée initialement de « conseil » puis de direction à la CAM ensuite, qui a sans doute quelque responsabilité dans l’affaire.

 

Au niveau du « conseil » en amont de l’établissement de la loi peut-être et au niveau du soutien de son application sûrement.

 

Le fait qui m’apparaît hélas d'époque et psychologiquement hautement signifiant (c’est, là, la responsabilité de mon interprétation) c’est qu’elle a une formation commerciale HEC (et probablement un formatage idéologique  de la pensée affairiste ad Hoc), de plus sans doute politiquement recrutée selon ce profil à la mode pour cela, et qu’elle est passée, avant quelques ministères, par le décrié cabinet McKinsey (2), spécialiste de la croissance économique au regard des non moins fameux « marchés »,  (c’est lui qui s’annonce ainsi dans son autoprésentation.)

 

Au passage, il ne vous a sans doute pas échappé que c'est bien au crédo économico-commercial néolibéral super intelligent de la "religion" du "marché", toujours pas remise en cause ni mieux régulée,  que nous devons cette géniale trouvaille économique de devoir payer au prix exorbitant européen du gaz (que nous ne produisons pas) l'électricité (que nous produisons à bien moindre coût par nos centrales nucléaires censées assurer notre indépendance énergétique)(3)...

 

Le problème de la perte démobilisatrice, et donc contre-productive, de sens dont souffre notre époque, au regard de nos domaines de connaissance, de Recherche et d'activités professionnelles, vient du fait que nous sommes tous mondialement sous la coupe voulue d'une logique néolibérale marchande et financière aux commandes. Celle-ci, idéologique, passée dans l'ordre symbolique qui nous structure par le langage dominant qui la véhicule, tend ainsi à s'infiltrer jusqu'à être mise en position hégémonique de prendre le pas et s'étendre, plus ou moins à notre insu, au-delà de ce qui est strictement "commercial" et "marchand", à bien d'autres domaines et champs professionnels. Ne dit-on pas par exemple "gestion du stress"? Ne tend-on pas à nous vendre comme promesse de "bien-être", comment mieux "gérer" nos émotions et notre conduite ? Comme si - modèle économique entreprenarial oblige étendu idéologiquement bien au-delà de son champ de pertinence - le sujet psychique (du coup commercialisé et dé-subjectivé) pouvait être considéré et se considérer, de façon susceptible de le mieux narcissiser dans le sens du poil de l'idéologie entreprenariale à la mode intériorisée,  comme le chef d'entreprise, sorte d'auto-entrepreneur, de lui-même. De lui-même, de plus du coup,  comme simple produit commercial. Elle s'étend y compris aux domaines relevant des missions de service public tel que la Santé en l'espèce ici. Ceux-ci en sont dès lors quelque peu mis en dérive symbolique voire carrément parfois dénaturés dans leur logique propre, non commerciale, par l'effet distordant de ce "gabarit" mental inapproprié. Donc leur sens s'y perd ! Ce problème m’apparait là lumineux.

 

Ainsi, à laisser idéologiquement « traiter » et ranger la psychologie, ses démarches, pratiques et méthodes propres, comme des produits concurrentiels de « marché », de surcroit en les paramédicalisant illégitimement, par des conseillers et hauts fonctionnaires voire des "cabinets privés" "éclairant" le politique selon l'idéologie entreprenariale à la mode de ce sens comptable profilé qui rejette les compétences de fond (4), sans vraiment devoir croiser ce risque de maltraitement avec le conseil scientifique et déontologique supplémentaire de vrais spécialistes en psychologie (absent de toute hiérarchie professionnelle correspondante récemment refusée par le législateur, on se demande bien pourquoi, sous le conseil partisan et intéressé de qui et selon quel éclairage) et leurs organisations professionnelles vraiment représentatives (à mieux unifier et renforcer d'ailleurs), on la dénature et la met en dérive. Sans vouloir croiser la donnée idéologico-économico-administrative dominante avec la spécificité scientifique, technique et déontologique de ce qui fait le sens profond véritable  avec le cadre nécessaire aux démarches d’une véritable application de la psychologie en tant que discipline autonome, on aboutit à une mesure, certes tape-à-l’œil et relativement peu dispendieuse, mais qui brille essentiellement par le gâchis technocratique deshumanisant de son absence de pertinence épistémologique de fond, sans parler de son inefficacité.

 

On peut voir là, dans le déplorable gâchis de cette absence de "croisement" enrichissant et régulateur des deux logiques, psychologique d'une part et idéologico-économico-administrativo-médicale d'autre part, comme l'effet pervers d'une symptomatologie à deux faces.

 

Celle de fonctionnaires et conseillers croyant idéologiquement, avec l'assurance suffisante de leur formatage et légitimation à cette effet dans leurs "grandes écoles" ad hoc, en l'hégémonie de leur savoir biaisé et de leurs refoulements d'une part.  Celle de la corporation médicale d’autre part qui ne veut – symptôme de maitrise et de suffisance suprémaciste obligent – faire une place singulière, différente, égalitaire et non concurrentielle à ses côtés à la psychologie et aux psychologues.  L'absence jusqu'au plus haut niveau de toute hiérarchie de psychologues institutionnalisant de façon indépendante la psychologie et son exercice authentique d'autre part ont un effet pervers inévitable de subordination et d’illisibilité de cette discipline et surtout sans doute d’INVISIBILITE administrative de sa dimension spécifique et de l’autonomie de ses praticiens...

 

Et c’est ainsi qu’on aboutit à un dispositif rejeté par 9 psychologue sur 10, tendant à recevoir des patients en souffrance psychique – médicalement diagnostiquées au préalable comme « lègères » par des non-psychologues – médecins généralistes ou sage-femmes – et selon ce schéma médical calqué sur les maladies organiques devant être revus et re-orientés par eux, en position symbolique de contrôle subordonnant du psychologue et du patient donc,  vers un médecin psychiatre si les troubles persistent, au bout de 8 séances…. Ceci, ridiculement courtelinesque, traduit sans doute bien le symptôme de maîtrise méfiante ignorante et méprisante par l’administration et la médecine de ce que représente et mobilise en eux la psychologie dans sa différence, mais n’a aucune pertinence épistémologique du point de vue de la psychologie clinique.

 

On voit d’ailleurs de plus en plus ici et là (harcèlement scolaire, drogue, psycho-traumatisme de catastrophe ou sexuels) surgir des dispositifs administratifs, médico-administratifs, socio-juridico-administratifs de "traitement" de problèmes psychologiques ou à dimension psychologique profonde dominante ... sans psychologues. Sans psychologues dans la conception de leur mise en œuvre mais même aussi parfois dans le traitement de leur dimension psychologique profonde ou alors, avec des psychologues formatés, réduits à des sortes de « bonnes à tout faire » comme disait Freud, sommés de calibrer leur savoir-faire et leur savoir être au gabarit des croyances, des symptômes de maîtrise et de refoulement des organisateurs et "managers" administratifs ou médico-administratifs desdits dispositifs. On assiste ainsi à l'inflation gesticulante infatuée de "traitements" non psychologiques de problèmes psychologiques !

 

 

Comme si des lunettes politico-médico-juridico-socio-administratives ne pouvaient  voir et ... concevoir les psychologues dans le rapport, non refoulé ni détourné,  avec la dimension spécifique qui fait précisément le propre de leur exercice et... de la dénomination de l’usage pourtant réservé de leur titre professionnel.

 

Que peuvent signifier par exemple en effet quatre ou cinq séances de travail psychique avec un psychologue au regard des nécessités logiques et techniques profondes qu'on connait en psychopathologie dynamique clinique permettant l'évolution d'une problématique interne douloureuse ?

 

Comme s'il nous était vendu par un éblouissant charlatan du "marché" concurrentiel de l'assurance sociale, que cinq ou six jours de plâtre sur une jambe cassée valent "mieux que rien" au regard du processus de réparation (par ailleurs superbement ignoré dans l’administration de  dispositif ) en droit d'être attendu par le patient et ... la société. Lesquels seraient politiquement prétendus, de plus, néanmoins avantageusement améliorés, par le progrès affiché de cette "généreuse" "nouveauté" ainsi mise, par effet d'aubaine injustement paramédicalisant et donc déclassifiant, sous gabarit médical ?

 

Des vessies affichées, non sans quelque profond mépris sous-jacent, comme lanternes dont de moins en moins de consultants et de psychologues, seront sans doute dupes !

 

 

L’accès libre et direct au psychologue correspondant au nécessaire cadre symbolique de l'exercice indépendant de cette profession autonome de haut niveau universitaire doit être maintenu sans médicaliser ni para-médicaliser stérilement la conception et la mise en œuvre de son exercice et sans limitation fantaisiste insensée des séances et à un tarif juste et non plus méprisant, déqualifiant et dérisoire, qui corresponde réellement à celui habituellement pratiqué pour la consultation psychologique.

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                Michel Berlin

 

(1) https://psychologues.org/actualites-single/lettre-ouverte-a-madame-marguerite-cazeneuve/

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_Cazeneuve

(3) https://www.youtube.com/watch?v=E1bFTTMGPuM

       https://www.monde-diplomatique.fr/2023/10/BERNIER/66176

(4)https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/maroun-edde-l-eviction-des-competences-et-la-destruction-de-l-etat-en-france-ont-ete-programmees (mise à jour de l'article en février 2024)