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La cellule psychologique : un commode parapluie?

 

La cellule « psychologique » : un parapluie ?

Un jeune adolescent, en recherche douloureuse de lui-même, se questionnant comme beaucoup de jeunes a été trouvé dans le coma, dans un établissement scolaire de Reims, annonce la presse de ce jour (1). Il est décédé à 20h15, selon une source policière est-il ajouté. Une enquête en recherche des causes de la mort a été confiée à la police de Reims, a précisé le procureur. Une autopsie est prévue jeudi. Et une cellule psychologique a été mise en place en accord avec le diocèse conclut l’article.

Oui, me dis-je, certes la « cellule psychologique » est un bon parapluie après-coup pour se donner bonne conscience en matière de santé mentale et pour élaborer le risque des effets traumatiques de l’intrusion violente du réel de plus en plus « impensé » ou mal pensé et "travaillé" de la mort ….

Mais cette "cellule", dite psychologique bien que parfois, curieusement, sans psychologues ou à peine vue qu'elle est en réalité médicalisée et donc médicalement subordonnée et orientée, n’aurait-elle pas été avantageusement remplacée en amont, et qui plus est préventivement pour ce qui concerne la souffrance psychique, sa mise au travail de résolution  et ses dangereux effets dévastateurs, par la création de postes de psychologues cliniciens recrutés et formés comme tels dans l'éducation nationale. Ces psychologues du corps des psychologues de l'éducation nationale crée en 2017 auraient fonction de l'être avec une véritable mission d'écoute psychologique clinique en sus ou à côté de celle, certes traditionnelle et toujours privilégiée, mais pourtant très différente et d'une autre utilité, qui semble attendue restrictivement par l'institution éducative de ses psychologues. Le refoulement de la prise en compte de la dimension psychologique subjective,  pourtant du ressort du psychologue et de ce qu'on attend au fond habituellement de lui,  n'est-elle pas signifiée par l'intitulé même de la formation spécialisée supplémentaire requise par l'éducation nationale toujours dite d'"éducation, développement et apprentissage" ou de "conseil en orientation".  Amputée ainsi paradoxalement, comme on l'entend bien, de l'énonciation de la dimension professionnelle ... d'ordre psychologique qui l'identifie et la spécifie?   

Reconnaître, prendre en compte et traiter la dimension psychologique subjective des problèmes des jeunes en amont ne serait pas du luxe.  D'ailleurs cela pourrait tout à fait s'entendre comme reconnaître, prendre en compte et traiter psychologiquement, par une écoute ad hoc, la dimension psychologique subjective de ce qui se met en jeu,  de façon humaine symptomatique et douloureuse, dans les relations d'éducation, de développement ou d'apprentissage. Relations desquelles le désir inconscient qui pousse ou non aux investissements requis et à leurs avatars symptomatiques serait absent, inaudible et comme (vade retro satanas) devant rester scolairement accroché-refoulé au porte-manteau des établissements ou prié d'aller se faire entendre et médicalement "traiter" à l'hôpital ... ou chez ... l'infirmière ou même l'assistante sociale dont on attendrait secrètement alors curieusement qu'elles soient néanmoins, mais en sous-main,  plus psychologues que le psychologue dont c'est pourtant essentiellement le métier selon sa formation adéquate. Ne serait-il pas temps de reconnaître le bien fondé et de prévoir la mise en fonction assumée et au grand jour de l’offre clairement affichée d’un cadre et d’une écoute psychologiques à la disposition quotidienne de la demande des jeunes en souffrance, en démobilisation et en interrogation sur eux-mêmes dans les établissements scolaires ? Ceci au lieu de s’ingénier à scolariser par dilution subordonnante dans les structures éducatives et leur hiérarchie voire de fait ainsi invisibiliser, neutraliser et rendre inopérants et inaudibles les psychologues qui y ont mission d’intervenir sur une dimension que leur refoulement ... maintient refoulée ? Car ceux-ci doivent le faire sous une identité équivoque. Cette équivoque est induite par le non-dit assourdissant de l’intitulé tronqué de la spécialisation scolaire de leur diplôme. Il ne manque que l’essentiel qui ne peut que produire son effet neutralisant de sens : la référence à la psychologie, à la prise en compte et à la mise au travail de sa dimension, dans l’intitulé même de la spécialité.

Car tant pour la spécialité intitulée « éducation, développement et apprentissage » concernant les écoles maternelles et élémentaires que pour la spécialité « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle » concernant les établissements secondaires, on voit mal comment et où situer la prise en compte, pourtant habituellement essentiellement attendue d’un psychologue ayant mission de l’être,  de la psychologie de l’enfant ou du jeune et l’écoute du sujet en souffrance ou en difficulté qui se questionne, se cherche et s’interroge douloureusement sur lui-même. La mention de la dimension psychologique dont il devrait s'agir manque. Et ce manque, ne manque pas de faire sens.

On ne saurait éviter l’idée de maitrise et de refoulement, voire de détournement maison de la dimension psychologique qui viendrait à tout clinicien au vu de l'intitulé de ces suppléments de "formations" spécialisées diplômantes.

 Car désormais (depuis la récente création de leur statut de psychologues de l’éducation nationale en 2017) cet intitulé de la partie « maison » de leur diplôme titrant de psychologue, amputé qu’il a été pensé et voulu de toute mention relative à la psychologie signifiant relatif à une fonction professionnelle de psychologue jadis longuement contestée dans l’Ecole, en dit long sur la frilosité persistante et anachronique de l’institution scolaire et de ses grands « managers » au regard des psychologues qu’elle emploie et de la mission de prise en compte de la dimension psychologique qu’elle leur confère ?

 

                                                                                                                                                     Michel Berlin avril 2024

(1)     https://www.lefigaro.fr/faits-divers/un-adolescent-de-15-ans-retrouve-mort-dans-les-toilettes-de-son-lycee-a-reims-20240410

        https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/04/10/a-reims-un-adolescent-de-15-ans-retrouve-mort-dans-les-toilettes-de-son-lycee_6227093_3224.html 

(2)   L’éducation nationale a son propre corps de psychologues qu’elle recrute désormais légitimement sur titre de psychologues post Master II de psychologie, mais auxquels elle confère une formation « maison » supplémentaire sous forme de deux spécialités desquelles l’absence de signifiant psychologie rend du coup équivoque le fait qu’il s’agisse de spécialisations en psychologie.

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